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Les alignements géopolitiques sont devenus imprévisibles

Pour éviter la tentation de Mars, le président Woodrow Wilson impulsa la création de la Société des nations en 1918 en invoquant « une guerre pour finir toutes les guerres »

En 1928, le pacte Briand-Kellog, traité de paix signé par 63 pays « condamne le recours à la guerre ».En 1945, lors de la conférence de San Francisco, le président Franklin Roosevelt invoque la même idée pour la création de l’Onu. Mais après la Seconde Guerre mondiale, avec l’apparition de la guerre froide, le monde libre réalisa son illusion de la disparition de Mars.

Le Conseil de sécurité imaginé pour établir la paix et maintenir la sécurité avait laissé le vers s’introduire dans le fruit avec l’Union soviétique et la Chine, organismes totalitaires. L’arme atomique devenait à la fois une réussite et un échec patent. La seconde guerre du Golfe commencée officiellement le 20 mars 2003 avec l’invasion de l’Irak (dite opération Liberté irakienne) en fut le signal de l’absence d’autorisation du Conseil de sécurité et surtout avec l’apparition de justifications autant fallacieuses que criminelles.

Le déséquilibré du Kremlin s’en est inspiré en octobre 2022 en violant la notion de pays libre et des frontières internationales. Intoxiqué par la vulgate communiste, alors qu’il est sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale, le président russe « est présumé responsable » de crimes de guerre en Ukraine pour la déportation d’enfants de zones occupées d’Ukraine vers la Fédération de Russie.

Poutine n’a cure de ces principes internationaux qui accordent la prééminence aux relations internationales. Sa vision géographique de la sécurité est celle de l’ours dans sa tanière ! Seul compte, un obscur désir malade de détruire pour exister ! Cet agent du KGB, émule de Staline, est obsédé par ce que Sigmund Freud nommait « le narcissisme des petites différences » : considérant dans sa petite tête préformatée KGB qu’il y aurait trop peu de petites différences entre la Russie et l’Ukraine, l’indépendance de celle-ci n’aurait plus aucune justification.

Or, il faut non seulement reconnaître, mais admettre qu’il ne peut exister d’idée d’humanité sans y accoler celle de violence : souvenons-nous du chapitre 4 du livre biblique de la Genèse avec le meurtre d’Abel par Caïn… voilà le premier humain biologiquement « né » et le premier meurtrier du monde. C’était autrefois, c’est toujours aujourd’hui !

Ces velléités impériales ressurgissent diaboliques et criminelles chez les despotes sous différentes casquettes comme en Russie, en Chine ou en Turquie. Il en de même pour la guerre laquelle avait autrefois des règles bien établies par Carl von Clausewitz à l’instar de notre dramaturge Jean Racine : unité de temps, de lieu et d’action.

Le terrorisme a changé  la donne : la guerre est désormais sans limite de temps ; elle est devenue sans frontières. L’action concerne plus la population civile que les troupes de combattants. C’est aussi et surtout le monde des idées qui a muté. La culture des pays est devenue un enjeu majeur des conflits : les tentatives d’islamisation des pays occidentaux en est la preuve majeure.

Désormais, n’en déplaise à quelques esprits idéologiques attardés, nous devons nous battre au nom de la culture et de la religion. Car tous ces despotes qui confisquent le pouvoir politique, non des âmes et des cœurs, s’abritent derrière une guerre de dé-civilisation qui nous menacent dans notre identité et nos valeurs démocratiques.

C’est exactement en ce nom de culture et religion que Samuel Huntington professait d’exclure de l’Occident l’orthodoxie grecque et l’islam turc. La meilleure preuve en est fourni par l’actualité de l’imbroglio des Brics, animé uniquement par l’idéologie anti-américaine. Inversement, que dire de l’histrion trumpiste lequel pourrait par malheur pour l’Amérique accéder au pouvoir.

Tout semble changer dans la diplomatie… pour que rien ne change : c’est la toute-puissance des forces obscures. Quant à ses valeurs, il faut se rappeler que

les États-Unis sont souvent appelés un « melting-pot » parce que leurs habitants viennent d’horizons et de cultures différents, et qu’il existe une grande variété de principes fédérateurs, de valeurs et de traditions. Sans doute n’est-ce pas de gaîté de cœur que les partis politiques envisagent un ralliement aux valeurs morales. Mais après tout, la politique n’est-elle pas l’art du compromis ?

La gouvernementalité néo-libérale ne constitue pas seulement, avec l’extension du domaine du marché, l’homo œconomicus, mais d’un même geste l’homo religiosus. Celui-ci est l’envers de celui-là : c’est l’atomisation capitaliste qui fait le lit du discours sur l’ordre symbolique. La flexibilité revendiquée du premier requiert la pérennité du second. Comme en France, l’ordre moral et la logique économique peuvent se superposer, y compris par le détour religieux.

La politique néo-libérale demande une approche articulant passions et intérêts – mais n’est-ce pas vrai de toute gouvernementalité ? – : c’est la valeur morale de ces valeurs économiques. L’Américain typique n’existe pas, sauf à Hollywood et encore. La dérive quasi institutionalisée du wokisme en fait un être d’un autre monde !

C’est en partie ce qui en fait un pays si attirant : voyez les vagues d’immigration venues du monde entier.

Comme l’affirme avec justesse Ghassan Salamé, ancien ministre de la Culture et de l’Education au Liban : « S’il fut un temps d’autrefois au cours duquel l’Occident représentait 17% de l’ humanité et dominait 30% de la planète, depuis l’avènement du XXe siècle, notre Europe encore vagissante et hésitante quant à ses valeurs représente 30% de l’humanité et domine 80% de la planète. »

Les citoyens européens, non pas les chefs d’Etats qui ont d’autres objectifs bien distincts de ceux des peuples, sont en droit d’espérer une prise de conscience pour leur survie dans ce climat génocidaire en se ralliant à ses valeurs héréditaires pour mieux se défendre face à la barbarie montante.

Notre organisation européenne, à travers ses structures culturelles, économiques et politiques, dispose d’une chance stratégique unique : une structure supranationale, qui, si elle ne prend pas l’eau sous la poussée d’idéologies étrangères à notre civilisation judéo-chrétienne, doit lui assurer de retrouver et son aura démocratique et son modèle du savoir-faire.

Quant à la France, elle n’aura de véritable existence internationale que lorsqu’elle saura ou voudra bien s’ouvrir à la quête plutôt désordonnée, parce que non avouée, d’un supplément d’âme qui lui fait défaut. Pour s’en assurer, il faut dévisager ces foules de zombis hagards dans les supermarchés ou les cohortes de jeunes hallucinés derrière leurs téléphones mobiles. A tort ou à raison, certains ont usé et abusé de la science pour occulter la foi. Aujourd’hui, la science avec son dogme de la raison ne lui a pas permis de circonscrire et de localiser de façon immuable toutes les apparences, y compris l’insondable invisible. Elle se doit de reconnaître que, pour mieux appréhender et se saisir du réel, il lui suffit d’amorcer le chemin de la réconciliation.

Pour cela, il faudra avec patience et doigté accepter de s’aventurer entre les deux emprises tout aussi légitimes l’une que l’autre : droits à extirper et dons à révéler ! Jean 1,5 : la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée. Certes, notre civilisation s’est crue libérée mais de quoi ? Puisqu’elle s’est enferrée dans des idéologies réductrices et des déterminismes étroits qui correspondent aux diktats de Marx : « tout est affaire de classe » et de Freud : « tout est affaire de pulsions ». On passe ainsi de la religion au combat et au sexe : tout un programme !

Et, à la fin de ce combat de la pensée, nous réalisons qu’il manque l’élément fondamental: la transcendance !

Dans son ouvrage : « Pourquoi la démocratie a besoin de religion », le philosophe Hartmu Rosa défend ce lien essentiel entre religion et démocratie : « Nous avons perdu l’écoute qui est nécessaire à la démocratie. Avec le christianisme, je suis prêt à être transformé par quelqu’un d’autre, et ce n’est pas seulement mon individualité qui compte. Tout part de la citation de Salomon : “ Donne-moi un cœur qui écoute ”. Nous avons besoins de cela pour la démocratie. »

Il nous alerte avec solennité : « Si la société perd cela, si elle oublie cette modalité possible de relation, elle sera définitivement perdue » !

Quant au philosophe Rémy Brague, spécialiste de philosophie médiévale arabe et du christianisme, il est clair dans ouvrage : « Sur la religion » quand il précise que le problème de l’islam est de créer des individus qui ne peuvent pas idéologiquement s’intégrer dans des pays non musulmans puisque l’islam est d’abord une civilisation qui ne peut s’intégrer dans …une autre civilisation !

Il évalue la place nouvelle que cette religion a pris dans nos esprits, entre peur et fascination, chez les croyants et les non-croyants, entre incompris et impensé.

L’islam, écrit l’auteur, n’est pas une religion au sens où nous l’entendons. C’est avant tout une loi qui conçoit la croyance comme une évidence innée qu’on ne saurait refuser sans mauvaise foi. Un monde où le non-croyant n’a pas sa place. C’est ainsi qu’ il se distingue radicalement des religions bibliques. La providence et la liberté n’ont pas la même définition pour le christianisme et pour l’islam.

Aujourd’hui, la situation s’est inversée: la religion fascine, inquiète, et la peur s’installe à l’égard de certaines de ses formes tragiques, voire de la violence qu’elles fomentent. Même si nous sommes au Golgotha, nous vivons la sainte période de Pâques qui est le cœur même de la foi chrétienne pour « s’aimer les uns les autres ».

Gérard Cardonne

Reporter Sans Frontières

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