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Ce qui différencie la «bonne victime» de la «mauvaise victime»

La vidéo qui circule est en noir et blanc. J’ai cliqué, je n’aurai pas dû. C’est insoutenable pour peu qu’on ait un peu d’humanité. J’y ai vu les images d’un jeune garçon en train de se faire rouer de coups par une dizaine de silhouettes. Il est à terre. Les agresseurs l’encerclent, le frappent, parfois, ils font une pause et quand leur victime semble bouger, l’un d’eux revient à la charge, d’un coup de pied à la tête. Ces images me hantent. Le gamin au sol a 15 ans. Il se trouvait en compagnie de 4 autres collégiens sur la dalle Beaugrenelle, dans le 15ème, un quartier plutôt chic et tranquille normalement. Il a été attaqué par une bande qui venait de Vanves. 

J’ai aussi vu la photo du garçon « avant ». 

Une bonne tête, un sourire malicieux, le regard franc et confiant d’un jeune garçon qui vient tout juste d’avoir 15 ans. Je la mets en illustration de mon post, parce que vous ne la verrez peut-être pas souvent. Ou en tout cas pas suffisamment. 

Je vous mets aussi la photo de Aman, 16 ans, tué d’une balle à Orgemont, à proximité d’un terrain de foot. Pour rien. Il n’était pas visé. Juste une démonstration de force, de la part de petits caïds d’une cité voisine. Et celle de Abdelghani, 15 ans, tué à Nantes. Ou alors celle de Lionel, 16 ans, tué par balles lors d’une fusillade dans le quartier des Aubiers, à Bordeaux au début du mois. 

Il y a les « bonnes victimes », celles pour qui on fait des marches blanches, celles pour qui il y a des émeutes, celles pour qui on se met à genou, le poing levé, celles pour qui on tweete, on s’indigne, on fait des déclarations. 

Et puis, il y a les « mauvaises victimes ». Celles dont on parlera 1 ou 2 jours. Celles qui ne fuyaient aucun contrôle de police sur une moto volée, qui n’appartenaient à aucune bande de dealers, celles qui ont juste eu le tort d’être là, dans le mauvais quartier où le mauvais environnement. Celles que l’on passe en « pertes et profits » de notre société qui s’ensauvage. C’est la faute à « pas de chance », c’est un fait divers malheureux. On ne va pas se mettre à commenter tous les faits divers malheureux tout de même. 

Ce qui différencie la « bonne victime » de la « mauvaise victime », c’est surtout le profil des agresseurs. Si le jeune Yuriy avait été sauvagement tabassé par des skinheads, si le jeune Aman avait reçu une balle à la suite d’un contrôle policier, nous connaîtrions leurs visages et celui de leur famille, parce que nous les aurions vu dans tous les médias. Des peoples écœurés auraient lancé des pétitions depuis leur maison de Los Angeles, des sportifs auraient eu « mal à leur France » et la classe politique se serait lancé dans une surenchère de tweets indignés et de déclarations révoltées. 

Là, ça n’arrivera pas. Parce que, quand les agresseurs ont un certain profil, on devient précautionneux, voire frileux. Et quand on n’est juste pas très chaud pour subir sans broncher la dictature de ces petits barbares à capuches, qui cumulent les « rappels à la loi » et les « travaux d’intérêts généraux » sans que jamais, ni la loi, ni l’intérêt général n’en sortent grandis, il faut être prudent : on se retrouve vite accusés de « faire le jeu du… » et rhabillé en uniforme SS. 

Le simple désir de vivre en paix et en sécurité, ce vieux truc facho !

D’où vient cette indignation à géométrie variable ? Cette compassion sélective ? 

L’universalisme aussi, c’est un vieux truc facho ?

Il semblerait que la réponse nous ait été donné la même semaine dans une interview par la chanteuse Camélia Jordana : « L’homme blanc dans l’inconscient collectif est responsable de tous les maux de la terre » 

En d’autres termes, l’indignation et la révolte doivent se mesurer en fonction du profil des agresseurs. Et si le coupable n’est pas l’inusable et pratique  “homme blanc “, le crime doit forcément être analysé par d’autres prismes : Sociologiques, racialistes, psychiatriques, toxicologiques etc…

Toujours selon cette grande philosophe, il paraît de toute façon que les hommes devraient demander pardon. Vaste chantier. 

Mais qui va demander pardon pour ces petits gars innocents  ? Pour Yuriy, Aman, Abdelghani, Lionel, et les autres ? 

Pour ces enfants malchanceux qui pourraient être les nôtres. 

Pour ces familles meurtries. 

Pour ces avenirs brisés.

Personne. Jamais. 

Ce sont des victimes invisibles. 

Coupables d’avoir eu les mauvais bourreaux.

Ce n’est pas « pardon » qu’il faut demander. 

C’est justice.

Nathalie Bianco

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