On nous avait présenté l’idée européenne comme le moyen d’obtenir la paix et la prospérité pour toujours.
Aujourd’hui, la prospérité est gravement compromise : par la destruction du gazoduc Nord Stream, par le coût effarant de l’énergie, par l’impossibilité pour nos industries de fonctionner à des coûts acceptables. Quant à l’idée de paix, elle est battue en brèche par le discours belliciste de nos dirigeants européens, et plus particulièrement par Emmanuel Macron, Keir Starmer et Friedrich Merz.
Un même cri s’élève de leurs rangs : « guerre, guerre, guerre ».
Cette rhétorique était autrefois celle des pays baltes, qui, en raison de leur petite taille et de leur faiblesse économique, adoptaient une posture agressive à l’égard de la Russie. Mais aujourd’hui, ce discours guerrier est repris par les dirigeants des trois principales puissances européennes : la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni.
Après avoir déjà considérablement nui à leurs propres économies, après s’être rendus largement dépendants des États-Unis pour leur approvisionnement énergétique, ces pays semblent désormais prêts à parachever leur suicide géopolitique et économique en envisageant une confrontation directe avec la Russie.
Dans un premier temps, de nombreux commentateurs ont interprété ce comportement comme une simple manœuvre médiatique, destinée à effrayer les citoyens afin de mieux les contrôler et de leur faire accepter de nouvelles ponctions financières, notamment au profit de l’Ukraine et de l’industrie de l’armement. Il s’agissait de créer un climat de peur pour faciliter l’acceptation de choix politiques coûteux.
L’Union européenne reconnaissait elle-même qu’elle ne disposait ni des moyens financiers, ni des effectifs humains, ni de l’armement nécessaires pour envisager une guerre directe contre la Russie. Il était donc légitime de penser qu’il ne s’agissait que d’une agitation médiatique.
Mais cette analyse s’est révélée insuffisante. Friedrich Merz affiche désormais la volonté de constituer la première armée européenne et s’en donne les moyens. Plusieurs centaines de milliards d’euros devraient y être consacrés, directement ou indirectement.
Au-delà des discours de propagande de certains dirigeants politiques, de responsables militaires ou de chefs des services de renseignement, l’OTAN, pourtant conçue à l’origine pour défendre l’Europe, s’inscrit elle aussi dans cette logique. Son secrétaire général évoque déjà les pertes humaines potentielles d’un conflit qui pourrait être plus meurtrier encore que la Première ou la Seconde Guerre mondiale.
Dès 1989, après la chute du mur de Berlin, une idée s’impose : celle de l’hyperpuissance américaine, avec laquelle on ne peut que gagner. La paix en Europe devient alors une pax americana, qui étouffe les tensions internes entre États européens et les redirige vers un ennemi extérieur désigné : la Russie.
L’Europe achève ainsi sa transformation en un « sous-empire » américain, fournisseur de biens et de services pour les États-Unis.
On comprend alors pourquoi l’Europe s’est laissée convaincre de soutenir l’intégration de l’Ukraine à l’OTAN et à l’Union européenne, ainsi que de souscrire aux accords de Minsk I et II sans réelle volonté de les faire respecter, afin de permettre à l’Ukraine de se préparer à un affrontement avec la Russie.
Cela explique également l’intransigeance européenne à refuser tout compromis entre l’Ukraine et la Russie dès la fin février 2022, ainsi que le déplacement de Boris Johnson à Kiev pour dissuader Volodymyr Zelensky de signer un accord avec Moscou, en échange d’un engagement maximal et inconditionnel de l’Occident envers l’Ukraine.
La stratégie américaine reposait sur l’hypothèse d’une Russie affaiblie, censée s’effondrer sous le poids des sanctions économiques. Sa chute aurait permis à l’Occident, principalement aux États-Unis, de mettre la main sur les immenses ressources russes.
Mais cette hypothèse s’est révélée erronée. Non seulement la Russie a résisté, mais elle a renforcé ses capacités militaires : armement, munitions, drones, missiles. Elle semble aujourd’hui compter parmi les principales armées du monde. Elle s’est en outre rapprochée des pays des BRICS, notamment de la Chine et de l’Inde.
La crédibilité occidentale a été sérieusement entamée. L’affaiblissement de l’Europe est manifeste, malgré les dizaines de milliards d’euros versés à l’Ukraine.
L’Union européenne doit désormais faire face à une rupture majeure que ses dirigeants n’avaient manifestement pas anticipée : le retrait progressif des États-Unis du continent européen. Les États-Unis se désengageront d’abord de l’Ukraine, puis de l’Europe.
Les dirigeants européens se découvrent alors des ambitions de leadership : Emmanuel Macron au nom de la dissuasion nucléaire, Friedrich Merz en raison de l’effort militaire massif qu’il projette, et les dirigeants polonais par leur volonté de se placer en première ligne en cas de conflit.
L’Union européenne et ses États membres se trouvent ainsi confrontés à une profonde déstabilisation. La crise économique s’aggrave, les finances publiques sont exsangues, les armées peu opérationnelles, et l’ancien allié américain se replie. Pourtant, au lieu de rechercher une voie de réconciliation avec la Russie, les principaux pays européens se radicalisent et s’obstinent dans une logique de confrontation, alors même que l’Europe n’a pas les moyens de mener une telle guerre.
La Russie joue alors le rôle d’ennemi extérieur, permettant de masquer les divisions internes et de rallier artificiellement les opinions publiques.
Il n’est donc guère surprenant de voir Emmanuel Macron, Keir Starmer et Friedrich Merz se présenter comme les champions d’une « croisade » contre la Russie. Mais, pour l’instant, ils semblent avoir davantage besoin d’un état de guerre que de la guerre elle-même : celui-ci permet de confisquer l’épargne, de contourner les règles constitutionnelles, et de restreindre certaines libertés fondamentales, notamment la liberté d’expression.
Comme l’a récemment rappelé Alain Juillet, ancien directeur du renseignement à la DGSE :
« Faire la guerre est souvent, pour les faibles, un moyen de faire croire qu’ils sont forts. »
La médiocrité de nos dirigeants pourrait ainsi nous conduire à la catastrophe.
Faudra-t-il, une fois encore, compter sur la lucidité des Américains pour éviter à l’Europe de s’engager dans une guerre perdue d’avance ?
Copernic