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Un bel été

Ceux qui arrivent en retard et qui veulent tout de suite se baigner parce qu’ils ont eu chaud dans la voiture. 

Celui qui est venu avec son chien-qui-bave . 

Celle qui dit « T’es obligé de l’emmener à chaque fois ce chien-qui-bave ? »

Celle qui a apporté de la saucisse de pays pour l’apéro. Ceux qui disent « j’ai pris du rosé ». Ceux qui disent « ah ben nous aussi ». 

Celui-qui dit « je bois que du blanc moi ». 

Celui qui demande « qu’est-ce que je peux faire ? Je veux bien aider » 

Celle qui répond « mais tu connais rien en cuisine toi… Bon, ben occupe-toi des fraises alors ». 

Celui qui balance les trois barquettes de fraises dans un saladier, sans les laver, sans les équeuter et qui claironne, tout fier « ah y est, c’est prêt, faut faire quoi maintenant ? ». 

Celle qui a préparé des madeleines au chorizo. 

Celui de 6 ans qui vient à table avec son masque de plongée et son tuba. 

Celui qui veut absolument nous livrer son analyse de la crise économique. 

Celle qui dit : « Oh c’est bon ! Tu vas pas commencer à nous saouler hein ». 

Celui qui ne se tait que quand on lui fourre une madeleine au chorizo dans la bouche. 

Celui qui lance un bout de bois au chien-qui-bave. Celui qui réalise, trop tard, qu’il ne faut jamais rien lancer au chien-qui-bave, sous peine de passer le reste de la journée à récupérer des bâtons ramenés par un animal en adoration.

Ceux qui goûtent les mini tatins de tomates cerises confites et la glace au basilic d’un air méfiant. Ceux qui disent : « Ah ouais, pas mal dis donc » . 

Celui qui s’occupe du barbecue et qui est perpétuellement inquiet. « Vous me dites si c’est assez cuit hein ?… Ça va c’est pas trop cuit au moins ? Je peux faire recuire un peu si ça va pas ». 

Celle qui a fait des pâtisseries traditionnelles de son pays, à base de semoule, de sucre et encore de semoule sucrée. 

Ceux qui, hypocrites, disent la bouche pleine « ch’est original … cha cale en tout cas..».

Celle qui répond « Oui,  mais en principe ça se trempe dans du thé ». 

Ceux qui recrachent discrètement. 

Ceux qui, à défaut de thé, diluent au rosé. 

Celui qui, écarlate et repu, va se mettre dans un transat,  qui répète quatre fois : « Non, mais j’dors pas » et qui finit par sombrer dans un sommeil profond, que rien ne semble pouvoir troubler.

Ceux qui ont 7 ans, 9 ans, 12 ans, qui s’ennuient parce que le wifi ne marche pas et qui décident de s’en prendre au dormeur-qui-ne-dort-pas. Ceux qui lui attachent ses lacets ensemble, lui posent une vieille casquette Hello Kitty sur la tête, le recouvrent de brins d’herbe et lui collent le masque de plongée sur le visage. Celui qui n’ouvre toujours pas les yeux et qui commence même à ronfler légèrement. Celle, téméraire, qui fait la provocation de trop en l’aspergeant avec le pistolet à eau. Celui qui se réveille hagard, avec sa casquette rose, son masque de plongée et ses lacets noués et qui braille : « Vous faites chier les gosses, hein… ». Ceux qui s’éparpillent en piaillant. 

Celui qui renonce et s’éloigne dignement, en haussant les épaules. 

Ceux qui ne se méfient plus. 

Celui qui revient d’un coup, comme une fusée et qui en pousse deux à l’eau en hurlant : « Vengeance !!! ». 

Ceux qui couinent : « Elle est froide ! ». Ceux qui gloussent : « Elle est trop bonne ! »

Celle qui dit « il est obligé d’aboyer comme ça quand on se baigne, ce con de chien-qui-bave ? » 

Ceux qui, d’un coup retombent en enfance, ceux qui sautent, plongent, font la course, la bombe. 

Celui qui fait une démonstration de plongeon et de crawl et qui épate tout le monde.

Ceux qui boivent la tasse en tentant de l’imiter. 

Ceux qui ont 6 ans et demi, qui plongent 30 fois et qu’il faut admirer 30 fois. 

Celles qui ont 49 ans et demi, qui ne veulent pas se mettre en maillot et qui se trempent juste les pieds. 

Celles qui font attention à ne pas se mouiller les cheveux. Ceux qui prennent un coup de soleil sur le crâne. 

Celles qui comparent leur bronzage. Celle qui gagne à chaque fois. Celle qui rentre toujours dans un bikini taille 38 malgré les années. Celle qui se pince les bourrelets dans un grand rire. 

Celles qui baissent la voix pour parler de leurs amours.

Ceux qui parlent trop fort avec leurs blagues de cul.

Ceux qui discutent, de tout, de politique, de foot. Ceux qui peuvent pas blairer Poutine, ceux qui peuvent pas blairer le PSG. 

Ceux qui s’inquiètent des bouchons sur la route, de la vaisselle qui reste à faire.

Ceux qui disent : « Laisse, c’est bon on rangera plus tard ».

Ceux qui disent « c’était une super journée quand même ». 

Ceux qui disent en agitant la main  « Merci d’être venu, rentrez bien, soyez prudents ». 

Celle qui dit : C’était un bel été.

Nathalie Bianco

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