L’Opéra d’Odessa
En février 2022, en plein bombardements au début de l’invasion russe, le prestigieux choeur de l’Opéra s’est rassemblé devant l’édifice pour interpréter
l’hymne national ukrainien.
Odessa que Poutine voudrait annexer, Odessa régulièrement bombardée, Odessa et son port d’où partent des tonnes de céréales vers le monde
entier.
Le 6 juin 2023, les Russes ont détruit le barrage de Kahkovka. Un déluge sans précédent inonde toute la région de Kherson, des milliers d’habitants doivent être évacués sous les bombardements russes.
Une destruction écocide
Et les plages d’Odessa sont encombrées par les détritus portés par le Dniepr : des frigidaires, des meubles, des arbres, des maisons, des cadavres de soldats russes qui n’ont pas été évacués par leurs chefs…
Le 18 juillet 2023 un déluge de bombes s’abat sur Odessa en « répression »
de l’attaque du pont de Kertch par les Ukrainiens.
Le 21 juillet 2023 la Russie se retire de l’accord sur l’exportation des céréales par la mer Noire et met ainsi en danger la sécurité alimentaire mondiale.
Depuis les bombardements ont redoublé sur Odessa Dans les ports d’Odessa des unités de stockage du grain ont été détruits. Il est à rappeler que depuis août 2022, 33 millions de tonnes de céréales ont pu être exportées.
Les Russes ont non seulement essayé de détruire le port d’Odessa, mais ils veulent aussi détruire cette ville et surtout son centre historique, sa mémoire.
Suite aux bombardements, 28 sites du patrimoine culturel de la ville, inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO, ont été partiellement détruits, dont la très belle Cathédrale orthodoxe de la Transfiguration. Tout le centre ville d’Odessa est systématiquement visé, ce riche patrimoine culturel qui n’a rien à voir avec des cibles militaires.
C’est la stratégie de la Russie, effacer l’histoire, la culture d’un peuple qui veut garder sa liberté. Effacer l’existence d’un peuple.
Odessa a toujours été pour les Ukrainiens, une ville exceptionnelle, unique
« qui possède plus de monuments que d’habitants », un lieu magique !
Odessa est une ville cosmopolite, on y parle plusieurs langues, le russe, l’ukrainien, le yiddish, le grec, le français, l’italien…
Odessa signifie Ulysse
Odessa est à la fois ancienne et récente, orientale et occidentale. Des colons grecs se sont établis sur les rives ukrainiennes de la mer Noire au VI°siècle avant Jésus-Christ et en particulier à Odessa ( Odessos).
Ils commerçaient avec différentes peuplades, dont les Scythes cultivateurs de blé. Puis vinrent les marchands génois et vénitiens. Malgré les invasions tatares, le commerce était protégé.
En 1794, la tsarine, d’origine allemande, Catherine II, demande à Armand du Plessis de Richelieu, illustre neveu du cardinal de Richelieu, de construire une nouvelle ville sur l’emplacement d’une ville tartare. A l’époque, le duc de Richelieu avait fui la révolution française et s’était engagé dans les armées du Tsar, comme beaucoup de nobles à cette époque. Il est devenu général de corps d’armée de Catherine II.
La nouvelle Odessa aura une architecture méditerranéenne, de style français et italien.
Le duc de Richelieu y marquera son empreinte d’abord comme gouverneur de la région et aussi comme maire de la ville.
Le français y était parlé couramment. La ville est devenue très cosmopolite avec l’arrivée de Français, de Russes, d’Arméniens, de Moldaves. Puis viennent les seigneurs polonais, des banquiers italiens, des négociants grecs. Chaque population a imprimé sa marque en construisant leurs habitations dans le style de leur pays.Odessa va devenir un grand port franc.
Mais Odessa était aussi l’une des capitales juives de l’Europe, elle était appelée « l’étoile de l’exil ». D’anciennes tombes juives de 1770 ont été
retrouvées. Sept synagogues se partageaient le centre ville, dont la plus ancienne et la plus grande : la synagogue Brodsky construite en 1863 dans un style
gothique florentin.
Isaac Babel est un écrivain juif renommé, né en 1894, grand admirateur de Flaubert, de Maupassant, il était célèbre pour ses «contes d’Odessa».
Malheureusement il a été fusillé en 1941 lors de l’invasion des nazis. Sur le vieux port franc se trouve le monument commémorant le départ des déportés du ghetto pour le camp d’extermination de Bogdanovka et d’autres camps de Transnistrie.
En 1992, les Tatars de Crimée, de retour d’exil, ont fondé la Société musulmane d’Odessa et ont construit une nouvelle mosquée.Odessa est devenue la troisième ville d’Ukraine avec plus d’un million d’habitants.
C’est un des pôles économiques les plus importants avec ses industries pétrolières et chimiques, son terminal pétrolier et ses ports d’exportation de céréales.
Sans compter ses industries agro-alimentaires, et ses industries textiles et manufacturières.
L’Opéra a rouvert ses portes avec l’opéra de Bizet : Carmen, bohémienne rebelle qui se bat pour garder sa liberté. Ce symbole de liberté qui résonne dans le coeur des Ukrainiens !
La directrice de l’Opéra a déclaré :
« Nous venons d’une ville où les rues sont sombres, mais nos âmes sont pleines de lumière.
Aujourd’hui notre musique bourdonne partout sous le bruit des générateurs d’électricité, mais c’est la musique de notre survie, de notre vie ! »
Si ces paroles auraient été chuchotées sur la scène de l’Opéra d’Odessa, toute la salle aurait pu les entendre car l’acoustique de cet édifice est unique.
A travers tout cet effroi, il faut trouver un chemin de vie, d’espoir. Il faut parler de la beauté des villes, de leur longue histoire avant leur anéantissement.
La culture est aussi une arme de combat, la culture ne peut être anéantie par les bombes russes, elle reste le symbole et la force de l’identité ukrainienne.
Et je repense à Oleksandr Shapoval, danseur étoile à l’Opéra de Kyiv, qui s’est engagé dans l’armée dès le début de l’invasion. N’ayant aucune formation militaire, il est devenu expert en lance-grenade. Il est mort au
combat.
Maintenant sa danse est éternelle !
Il faut parler de tous ces hommes, ces femmes, qui ont donné leur vie pour ce combat de liberté.
Franziska