Au ministre de l’Éducation,

 Il y a quelques semaines encore, Pap N’Diaye, votre prédécesseur, occupait votre bureau. L’abaya ?  il ne savait quoi en penser, religieux, pas religieux, trop long, trop court… Ah! ce n’était pas le genre de type à montrer ses muscles et à prendre position aussi ouvertement sur un sujet qui le dépassait. 

Lui les fringues, c’était pas son truc. Il préférait se soumettre, faire le dos rond, taper sur l’extrême-droite et passer à autre chose, l’éducation sexuelle des tout petits, faire du wokisme …

 Je le conçois, ce n’est pas un sujet à traiter sur un coin de table, entre fromage et dessert, il est si dense qu’il vous donnerait une indigestion. Il est complexe, touffu, sinueux, dangereux et chercher à le régler par une autre voix que son acceptation vous vaut au mieux d’être poursuivi, au pire…

 Au pire, oui. Pour rappel, vous le savez, un professeur d’histoire est mort pour avoir fait son boulot, mais il est mort surtout de n’avoir reçu de ses confrères ou de ses supérieurs, le soutien qu’il était en droit, d’espérer dans un pays libre et raisonnable. 

Il y a longtemps que nous ne sommes plus ce pays. Nous avons perdu notre conscience et sommes devenus, sans doute pour cette raison, incapables de raisonner, d’analyser, de poser sur les drames survenus ces quinze dernières années, des paroles claires, lucides, courageuses et des actes forts. 

Nous feignons de ne pas comprendre la nature de nos ennemis ni leurs intentions, et préférons fanfaronner sur l’air joyeux du vivre-ensemble tandis que les coups de couteau pleuvent chaque jour un peu partout. 

Le cercueil de ce pauvre homme, dont je me refusais à imaginer ce qu’il contenait, était non seulement la sépulture de notre âme, mais il signait aussi la déroute morale d’une nation tout entière et surtout une nouvelle victoire de l’obscurantisme le plus noir, vous savez, celui que l’on nomme du bout des lèvres ou de la plume.

Après avoir souffert et craint pour leur vie, les professeurs soufflent, dit-on. Ils auront enfin un cadre. Un cadre ! Un cadre qui les préservera d’actes de déséquilibrés fanatisés. Leur nouveau ministre a interdit l’abaya ! Allons donc ! Les débats s’enflamment, on touche une zone sensible. L’abaya, pour ses défenseurs, n’est en rien religieux. 

Si c’est une une plaisanterie, elle est très bonne. Car alors, pour quelle raison le CFCM, par la voix de son vice-président, réagit-il aussi vivement en affirmant qu’il n’est « qu’une forme de mode » ? Après tout pourquoi pas, lorsqu’on voit les jeunes femmes qui portent ce vêtement, étaler avec insolence leur maquillage, leurs ongles, on peut émettre quelques doutes sur leur prétendue religiosité et le sens de leur réaction.

 Le diable se cache ailleurs, dans une feinte indignation, car tout n’est que provocation et comme à chaque fois, la gauche française tombe dans le panneau de l’islamophobie, avec l’émotion et fracas qu’on lui connaît. Sauf que cet argument, usé jusqu’à la corde, ne tient pas et il ne tient pas davantage lorsqu’après avoir invoqué la liberté des jeunes filles de porter ce qu’elles veulent, on met sur un même pied d’égalité l’abaya et une robe longue comme celles portées par Brigitte Macron, Grace Kelly, la Vierge Marie… ou la statue de la Liberté ! 

Les mêmes qui insultent les hommes que l’abaya dérange, les faisant passer pour de vilains pervers, traitent d’impudiques, pour rester poli, les femmes qui n’en veulent pas. Stop. 

L’abaya marque une distinction choisie entre un groupe d’élèves et tous les autres au sein d’une école laïque et à ce seul titre, devrait ne jamais pouvoir pénétrer son enceinte. Peu importe ce que feront les proviseurs devant leurs portails, il y a bien loin que le ver est dans le fruit. L’idéologie frériste, sous couvert de laïcité, engrange de nouveaux points. En recouvrant le corps des femmes, on assombrit le ciel du monde libre.

 Car en réalité, l’abaya est une affirmation. Celle d’un prosélytisme islamique décomplexé qui, en dépit de nos lois et de nos déclarations de façade, poursuit son ouvrage d’usure jusqu’à banaliser, comme c’est déjà le cas du halal, la prééminence de sa doctrine sur les mœurs et les lois françaises et ce, à tous les étages de l’édifice. 

Chaque offensive de l’islam vise moins à tester notre résistance qu’à revendiquer un nouveau territoire conquis. Interdiction de l’abaya ou port de l’uniforme, nous avons perdu du terrain car jamais ces sujets n’auraient dû voir le jour dans une France libre.

 Alors oui. Votre ambition est louable cher ministre, presque touchante, tout comme vos mots sont clairs et ils ont pour une fois ce mérite. Toutefois plusieurs conditions manquent à la réussite de cette démarche et c’est pourquoi, d’une manière ou d’une autre, l’abaya passera les grilles de tous les collèges, que vous le vouliez ou pas, sauf à ignorer les désordres que cette mesure ne manquera de causer, maintenant qu’il est impossible de reculer. Fermez-lui les portes, il rentrera par la fenêtre…

Pour que vos intentions puissent être prises au sérieux, il faudrait déjà que la loi Séparatisme (dont je rappelle qu’elle vise « tous les séparatismes » comme s’il en existait plusieurs, pour mieux noyer le poisson et duper les imbéciles) soit réellement appliquée. On en est loin. Elle ne le sera pas pour toutes les raisons citées plus haut. Ensuite que l’interdiction de l’abaya s’inscrive dans un vaste plan de lutte contre tous les signes distinctifs islamiques notamment dans les lieux publics (car il n’est pas question de croix ni de kippa) et à ce titre que ni le voile intégral, ni le burkini ni tout autre objet de conquête, tout acte violent effectué au nom de la religion, n’aient pu échapper à la règle et à la sanction. Enfin, plus généralement, un état qui se respecte et qui croit avant toute chose dans son identité, dans son autorité ou dans les principes dont il se réclame, ne tergiverse pas en se demandant si ses lois séduiront les uns ou froisseront les autres. 

Je vous suppose assez lucide pour ne vous faire aucune illusion : dans cette histoire, l’abaya n’est autre chose qu’un énième doigt d’honneur à notre attention et je ne vois rien que vous puissiez faire qui n’incite nos ennemis à poursuivre leur avancée. C’est la faiblesse et elle seule qui signe la déroute d’un état, d’une culture et d’une civilisation, et la faiblesse est sans doute une des seules matières dans lesquelles la France depuis quelque temps, est bien classée.

Nestor Tosca

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