Rencontre covidale et confinement
Chapitre I
« Il faut avoir de la méfiance pour un homme qui n’a aucune musique en lui ».*
Il avait suffit d’un clic sur les réseaux sociaux pour qu’une illusion amoureuse se transforme en cauchemar. Dans cette aventure, aucun lendemain n’avait chanté. C’était une rencontre fortuite qui ne disait pas son nom, qui avait pris son élan dans les eaux troubles d’un couple délétère. Elle ne savait pas comment se comporter devant cette situation de fortune, elle était si gauche, si maladroite, si agitée. Elle se déshabilla, se rhabilla, ne sachant que faire d’elle-même dans ce lieu où la confusion des sentiments allait prendre une place prédominante. Rester ou se sauver ? Elle ne choisit ni l’un ni l’autre. Elle se laissa aller sans réfléchir, dans un monde qu’elle méprisait, où elle savait qu’elle n’avait pas sa place.
L’aventure était sans doute liée à la séquestration Covidale. Le monde s’était enfermé dans un confinement soudain et cruel qui fit des hommes des animaux prêts à quitter leur cage quoiqu’il en coûte. Dehors, il régnait une ambiance de science-fiction. La terre s’était vidée de ses habitants, l’atmosphère terrestre semblait avoir désertée la terre qui dévalait libre et folle, les rochers, les montagnes, les mers et les cieux, les lunes et les étoiles, pressée de se réapproprier ce que l’homme lui avait volé. Dès le premier confinement, la végétation devenait intense et se propageait à une vitesse vertigineuse sur l’écorce terrestre. Chaque jour, la terre reprenait ses droits et se désintoxiquait de la nuisance des hommes. Tout était surréaliste. Ovate se hasardait parfois à regarder le monde en tirant imperceptiblement ses rideaux, elle ne voyait que l’image du néant et s’éloignait rapidement pour échapper à la vue de cette fin du monde qui la terrorisait et qui l’émerveillait.
Elle lui avait confié son intimité, son inexpérience, sa spontanéité et sa naïveté. Elle eut la délicatesse de lui cacher sa détresse et ne lui dévoila jamais qui elle était. Il ne savait rien d’elle, de sa vie, de son passé, de ses activités, de ses rêves ou de ses sentiments. Au fil de son imagination et de l’écriture, elle inventait des récits sans fin qui apportaient aux cieux covidaux une douce couleur bleue layette. Dans ce dédale de conciliabules, elle allait et venait, disparaissait et réapparaissait… Il ne voulut jamais savoir ce qu’elle pensait ou ressentait. Il était tombé éperdument amoureux d’elle. Il la voulait et voulait profiter pleinement de ce moment éphémère dont il savait qu’il ne durerait pas.
Il fit de la suite une cascade d’éclaboussures et de désolations tout en continuant de lui jurer un Amour qu’il avait confiné derrière l’écran de son misérable iPhone 6s. Elle était belle, intelligente, drôle, folle. Il était vieux, laid, malade, instable, toujours dans la confusion affective, toujours à l’affût d’une nouvelle aventure. Dans cette traque incessante sur les réseaux sociaux, elle le voyait déambuler dans une mendicité permanente de sentiments. A chacune il chantonnait la même rengaine, « A votre bon cœur madame, à votre bon cœur… ».
Lorsqu’elle rompait un lien amical ou amoureux, elle ne se retournait plus. Il n’avait pas su être un amoureux, ni un ami, pas même un camarade. Elle était enfin sortie du déni où elle s’était confinée pour ne pas être confrontée à son erreur de casting. Elle avait enfin accepté qu’elle s’était trompée, et qu’il manquait à cet homme l’essentiel : le raffinement et le Courage.
Elle mit un terme à cette farce à l’instant même où la pandémie avait pris fin. Instinctivement, elle reprit ses esprits. Elle respirait. Elle sortait de ce double étouffement, cet homme malade pour lequel elle avait eu de la con passion, et la Covid19, et elle consentit enfin à se pardonner à elle même de l’avoir approché.
L’histoire avait balbutié à Cythère, elle mourut à Cythère. Elle ne le revit jamais
Ovate
*W.Churchill