Ancien patron de Look, businessman international en Afrique, restaurateur en Alsace, Marc-Paul Baise a lâché le monde de l’argent et du luxe pour vivre dans la forêt auprès des arbres. Aujourd’hui, il est barde dans les Vosges, un vrai barde formé par des druides, chargé de protéger les anciens sites païens.
Son livre intime Arbre ne dit mots, il les chuchote (*) est une initiation à la sylvothérapie (thérapie par les arbres). Il nous apprend à comprendre le langage des arbres et de la forêt, à méditer avec la nature, à caler notre respiration sur celle du cosmos. Initialement destiné aux initiés des sociétés secrètes celtes, l’ouvrage rencontre un joli succès.
Churchill pour le Torchis – Comment ce livre sur la sylvothérapie est-il né ?
– Marc-Paul Baise : Grâce à un homme, le Pr Subhash Sharma, directeur de l’Indus Business Academy et recteur de l’Université de Bengalore en Inde. En 2013, il est venu en Alsace faire une étude sur les corrélations entre le brahmanisme, l’hindouisme, le chamanisme et les religions celtiques. Autant dire qu’il n’a pas été très bien reçu. Le sujet n’intéressait pas grand monde en France. C’est un ami, Pascal Papillon, qui a fait appel à moi pour « sauver son séjour ». Les druides ne parlent pas à des non-initiés. Ce rôle incombe aux bardes. Je suis barde.
J’ai pu constater que la première religion du monde est celle de la Nature et de notre écosystème. C’est une réalité, nous faisons partie d’un tout. De tous les continents, les Hommes ont les mêmes croyances initiales : le cosmos, le soleil, la terre et les racines. En haut, en bas, et sur.
– Comment définir la sylvothérapie ?
– La sylvothérapie est une pratique qui soigne physiquement et mentalement par le contact avec les arbres. Aujourd’hui très à la mode au Japon ou aux Etats-Unis, elle remonte à des temps ancestraux. Les Celtes l’ont améliorée et exploitée. N’importe quel promeneur s’en rend bien compte, le bain de forêt soigne. Ne vous êtes-vous jamais dit : « Cette balade en forêt m’a fait du bien ? ».
– Il y a donc des sociétés secrètes dans les forêts vosgiennes organisées autour de druides, de bardes et de vénérateurs de dieux païens ?
– Bien sûr ! Mais c’est plus compliqué que cela. Par exemple, je suis personnellement croyant et monothéiste. Les Celtes nous ont donné des clés pour comprendre ce qui nous entoure et les relations indissociables que nous avons avec la Nature. Ces connaissances se transmettent de bouche à oreille. Si nous n’en parlons pas, c’est parce que nous sommes vite désignés comme hérétiques. Nous ne sommes pas secrets, nous sommes discrets. Nous nous protégeons. De la même manière, les sites aux énergies fortes sont protégés pour éviter qu’ils soient pollués ou piétinés par des malfaisants.
D’autres veulent connaître les savoirs celtiques pour des raisons politiques : le fantasme de la race pure, du Blanc et de l’extrême droite. L’intimité que nous avons avec la forêt est bien loin de toutes ces pensées nauséabondes. Moi, je me sens celte au plus profond de moi. J’ai la conscience qu’un Celte est d’une culture indo-européenne et que l’Homme s’est forgé par les grands déplacements. Nous sommes tous issus de peuples nomades. Il suffit de voir les objets de l’époque rubanés exposés dans nos musées à Rosheim ou Brumath pour s’en rendre compte.
– Tu es barde donc ?
– Si je suis barde, c’est parce que j’ai échoué dans mes études de druide. J’ai arrêté au bout de 4 ans. Je n’avais clairement pas le niveau. Nos druides sont des grands maîtres. Ils ont un savoir incroyable. Il y en a peut-être autour de vous sans que vous le sachiez…
En 2015, j’ai eu l’honneur d’organiser le rassemblement des druides de France à Heilingenberg. C’est là que j’ai reçu mon titre de barde. Le sujet récurrent de ces assemblées est : comment diffuser l’enseignement ? Une grande druidesse, journaliste dans la vie, a décidé que ceux qui pouvaient parler à l’extérieur seraient les bardes. C’est ce que je fais avec mon livre. J’ai également créé une confrérie des bardes de France. Je suis chef des bardes dans les Vosges, j’ai onze disciples.
-Ce livre est-il un livre initiatique ?
– Oui, absolument. Je ne livre pourtant rien de spectaculaire. Je veux faire un parallèle avec l’œnologie : au fond, tout le monde peut acquérir les connaissances sur le vin avec un peu d’apprentissage. Avec la sylvothérapie, c’est pareil. Dès que tu nais, tu as les capacités d’en profiter. Dès que tu vas dans les champs, dans la forêt, dans la montagne, dans des bosquets, dès que tu te mets contre un arbre. L’enseignement est simple : apprend à écouter. Arrête-toi. Inspire. Médite. Et contemple. La sylvothérapie, c’est du management de soi-même. C’est le yin et le yang. C’est être entre le cosmos et la gravité. C’est une soft thérapie qui fait du bien à l’âme.
– On peut parler avec les arbres ?
– Bien sûr, les arbres parlent : leur couronne, la forme de leurs branches, leur emprise racinaire, leur odeur, les basses fréquences qu’ils émettent. Rien que les racines, c’est tout un langage mais on ne le sait plus. On regarde juste les troncs qui montent.
– Dans ton livre, tu dis qu’il faut choisir son arbre ?
– Ce n’est pas toi qui le choisis, c’est lui qui te choisit. Moi je donne juste les clés pour comprendre sa demande et synthoniser avec son arbre. Si tu pars pour trouver ton arbre, tu ne le trouveras jamais. En revanche, si tu y vas sans ton portable, si tu es prêt à être possédé par la Nature, si tu demandes l’autorisation de cheminer, là oui, tu trouveras ton arbre maître.
-La synthonisation, c’est quoi ?
-C’est faire corps avec son arbre. C’est de l’ordre de l’hypnose quantique. On peut le vulgariser par de la méditation. Tu médites debout, de façon éveillée. Ta respiration se cale avec celle de l’univers et tu équilibres ainsi les chakras. Tes batteries mentales sont rechargées, tu acquiers une sagesse intérieure.
En général, on est interpellé par son arbre. Pour le trouver, il faut se dépouiller, marcher pieds nus lentement et passer beaucoup de temps dans la forêt. Il faut se consacrer à soi dans cet univers-là. Le mental est primordial, il ne faut pas avoir peur de laisser les idées et les problèmes exploser. Quand on est vide dans sa tête, on peut commencer à parler aux arbres.
– La sylvothérapie est-elle devenue un business ?
– L’apprentissage de reconnexion entre l’Humain et la Nature devrait toujours être gratuit. C’est un peu comme si vous alliez à l’église et que le curé vous faisait payer son savoir : ce serait ridicule. Et bien là, c’est pareil. Notre rôle est de partager les connaissances. Mon livre est au départ destiné aux initiés et aux disciples. L’objectif n’est pas de faire de l’argent. Ce sont les journalistes qui l’ont fait connaître.
L’argent mange tout aujourd’hui. De véritables druides font payer des personnes qui ont le cancer pour les emmener sur des puits énergétiques : une terrible profanation de nos idées. Des magasins organisent des ateliers de sylvothérapie pour les curieux. Souvent les informations ou les enseignements sont faux.
Je les vois ces hordes de promeneurs du dimanche, souvent des bobos, partir à la découverte de la Nature, des Vosges, des temples païens, des portes énergétiques et des failles telluriques. Ils passent toujours à côté des sites importants. Aucun lieu n’est profané en Alsace. Alors, avec mes amis, nous laissons faire…
(*) Chez Chicmédias éditions, label Ghost Menhir
Churchill