L’Alsace doit-elle sortir du Grand-Est pour redevenir une région à part entière ?

Une consultation historique.

Alsaciens de naissance ou de cœur, du bout du monde ou d’ici, à partir d’aujourd’hui il vous reste un mois pour répondre par écrit ou via internet à une question simple : « L’Alsace doit-elle sortir du Grand-Est pour redevenir une région à part entière ? » Donnez votre avis sur ce lien 👉 https://entre-vos-mains.alsace.eu

Cette votation qui respecte totalement l’anonymat de chacun, prend sa source dans la démocratie directe (redonner du pouvoir aux citoyens). Elle est initiée par la Collectivité européenne d’Alsace. L’objectif est de recouvrer les pouvoirs, les compétences, les prérogatives et l’argent qui ont été ôtés à l’Alsace après la réforme territoriale. La France a été plusieurs fois condamnée par le Conseil de l’Europe pour ne pas avoir respecté le droit international : « Les peuples des régions doivent obligatoirement être consultés notamment lorsque leurs frontières territoriales sont concernées ». 

De même, l’organisation recommande de revoir le système de péréquation (c’est-à-dire les disparités entre les collectivités) afin de le rendre plus équitable. Aussi, de décentraliser à nouveau les décisions relatives aux assiettes d’impositions locales et de clarifier les provenances des ressources financières des collectivités locales. Enfin, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux a appelé maintes fois les autorités françaises « à clarifier la répartition des compétences entre les différents niveaux d’autorités locales pour éviter tout chevauchement, et à poursuivre l’augmentation de la part des ressources propres dans le budget des collectivités locales. » 

Pour une fois que l’on nous demande notre avis à nous, Alsaciens ballottés entre plusieurs nations et maintenant entre plusieurs régions, donnons-le dans le respect du droit européen. 

Ce renouveau démocratique est aussi un moyen de retisser un lien avec nos concitoyens : 70 % d’électeurs n’ont pas voté lors des dernières élections régionales. Doit-on laisser la rue parler au final ? 

Car il en faut du courage aux élus de la CEA pour avoir organisé ce vote malgré les pressions de l’Etat centralisateur, des partis politiques nationaux et du mastodonte administratif du Grand-Est : « On vous enlèvera vos subventions, vous ne pourrez pas fonctionner », « tout cela c’est pour vous faire mousser ».

Ceux qui soutiennent aujourd’hui le Grand-Est sont très globalement ceux qui en font partie ou qui bénéficient de ses subsides. Le silence d’une partie de nos élus locaux, de nos présidents d’associations ou de la presse privée concernant ce référendum populaire est assez éloquent : tout le monde a compris l’embarras complice… Ils ne veulent pas perdre leurs subventions de la grande région. 

Hormis de nous dire que nous sommes « des boches », « qu’on nous vendrait bien à l’Allemagne », « que nous sommes des nationalistes », nous attendons toujours des arguments valables et étayés pour le maintien du Grand-Est en l’état : il n’y en a aucun. 

Rappelons que des chercheurs et des économistes indépendants ont posé un bilan sévère sur le Grand-Est  : il est «une aberration économique, politique, et démocratique », « il n’a permis aucune économie », « il a engendré d’énormes problèmes de structure », « il y a davantage d’élus qu’auparavant : 168. Tellement nombreux qu’aucun débat n’est possible en plénière », « les frais des élus ont explosé à un moment où l’Etat demande à chaque Français de faire des efforts », etc. 

Je me promenais hier à Paris sur la promenade Gisèle Halimi. Sous son nom était indiqué « militante pour l’émancipation des peuples ». Il m’a toujours semblé étrange que notre pays reconnaisse a posteriori l’engagement humaniste de ses édiles. L’engagement pour des idées, pour des convictions est fondamental, celui pour l’argent ou le carriérisme individuel, moins. Mais c’est mon avis. 

Car ce que nous a enlevé le Grand-Est, c’est d’abord notre liberté, celle des « peuples à disposer d’eux-mêmes », celle de se reconnaître comme Alsacien. Peut-on contester aux Alsaciens d’être un ensemble d’êtres humains vivant en société et ayant des intérêts communs ? Non.

L’Alsace a une origine et une identité commune. Elle forme depuis l’époque médiévale une communauté culturelle ; elle dispose d’une histoire propre, d’un territoire défini, de plusieurs langues et dialectes (français, allemand, alsacien, yiddish, welche), et d’un droit local : c’est un peuple. 

En demandant la possibilité de décider pour nous-mêmes, il n’est pas question d’un repli identitaire, bien au contraire. C’est s’ouvrir vers les autres, vers l’Europe. Faire profiter à tous de nos richesses immatérielles, de notre singularité d’Alsaciens, au profit du collectif. 

Qui se replie lorsqu’on nous demande de ne plus parler nos différentes langues ? Qui se replie lorsqu’on nous demande de tourner la tête vers une grande région alors que naturellement nos échanges économiques sont tournés vers l’Europe ? Qui se replie quand on veut faire plier nos ligues sportives, nos associations, nos institutions ? Certainement pas les Alsaciens. 

Ce que nous voulons, nous le souhaitons aussi pour les autres. Cette démocratie de proximité pour l’Alsace, cette reconnexion entre les politiques publiques, des élus de terrain et les citoyens, nous la souhaitons aussi pour la Lorraine et la Champagne-Ardenne qui sont aussi des grandes régions. 

Le président de l’Alsace a fixé un objectif de 100.000 personnes consultées. J’imagine qu’en secret il rêve de dépasser la pétition initiée par Jean Rottner, l’actuel président du Grand-Est. Cette pétition réclamait déjà qu’on ne rattache pas l’Alsace à ce mammouth administratif plus grand que la Belgique.

Bien sûr, l’objectif est ambitieux. Il est à comparer avec la primaire de la Droite par exemple qui a recueilli dans toute la France 69.000 votants. Son résultat s’est naturellement imposé, sans contestation, à ceux qui aiment la démocratie. 

Les Alsaciens ont toujours été légalistes : leur âme est comme cela. Pour en avoir trop subi, ils n’aiment pas les conflits. Je ne suis qu’un Alsacien de cœur franco-espagnol, j’ai le sang chaud. Je leur dit : « Pour être respecté, il faut savoir se faire respecter. Parfois, il faut savoir renverser la table ». Cela n’empêche en rien de rester dans le cadre des lois de la République et de la solidarité entre les territoires. 

Donnons une vision commune à notre Région. C’est le moment de s’exprimer.

Churchill

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