JAZZDOR se veut un festival annuel de Jazz « actuel » et de Musiques improvisées. Depuis 1986 et, à quelques rares exceptions, ces concerts sont aux antipodes du Jazz. Curieusement aucun critique musical, ni aucun amateur ne manifestent leurs mécontentements. Il suffit de consulter le programme d’automne 2021 pour se rendre compte du détournement de ce style de musique au profit de la « Musique du Monde. » Quelques extraits: Oded Tzur Quartet, 21 septembre : « Plus de dix ans de pratique de la musique classique indienne l’ont amené à emprunter des pistes passionnantes… », Out of Walpurgisnight, 9 octobre « Bernard Struber s’empare du mythe de Faust… l’Air de Bijoux de Gounod et Marguerite Au Rouet de Schubert voyagent dans l’univers créatif strubérien aux côtés de pièces instrumentales et de créations vocales teintées de rock, de heavy metal sur des textes de Goethe et de Christopher Marlowe…». Gregory Dargent Anil Eraslan Wissim Halal H., 14 octobre «…Cette création musique/photographique évoque les essais nucléaires français…G.Dargent invite deux des musiciens les plus étonnants des scènes jazz et musique traditionnelle à s’interroger sur l’irradiation de l’Art… quelque part entre transes, musiques improvisées et déflagrations électroniques » Hommes Qui Marchent 17 novembre « Les images proviennent de planches originales du manga japonais…La musique s’appuie sur des archives cinématographiques, sur la force du paysage sonore japonais». On peut se poser la question: quel rapport avec le jazz ?
Parallèlement à ces nombreux concerts de « musique jazz improvisée », certaines soirées sont consacrées au « jazz actuel », une musique d’avant-garde pseudo-intellectuelle où l’originalité et la technique priment sur le substrat. Une rapide définition du jazz s’impose : Le jazz a été créé par les Noirs des États-Unis au tout début du XXème siècle. Ses principales caractéristiques sont : l’interprétation personnelle d’une mélodie et l’improvisation, le rythme et la syncope, le swing. Au fil du temps le jazz a évolué. De musique de danse il est devenu une musique de concert, mais son essence même n’a pas changé. Les novateurs avant-gardistes, comme Ornette Coleman, John Coltrane et de nombreux musiciens actuels ont su conserver sa spécificité. Le jazz « actuel » de Jazzdor n’existe pas. Il y a le jazz quel que soit le style ou l’époque, dans le respect de la tradition. C’est toujours aujourd’hui une musique festive dont Art Blakey disait: « Le jazz vous nettoie de la poussière de la vie ».
Pour en revenir à ces concerts à Strasbourg, les jazzmen ont toujours dit que le contact avec le public les inspirait et leur permettait de se dépasser. Ici il n’en est rien.
L’émotion, la complicité entre musiciens et celle avec son public font défaut. L’auditoire se compose de curieux, de néophytes et de snobs car il est de bon ton de s’y faire voir, d’être « in ». Se rendre à ces concerts est une sortie comme une autre. Les amateurs boudent ce festival car présenter ces concerts comme du jazz est une trahison à cette musique, qui a marqué le siècle dernier. Et gare à vous si vous faîtes une remarque sur ces manifestations musicales, vous serez traité avec condescendance de conservateur, de ringard.
Le grand public ignore tout du jazz, deux raisons à cela : Les générations actuelles n’ont pas connu les maîtres de cette musique aujourd’hui disparus et les médias ne proposent guère ce style de musique, à l’exception de France Musique. Ce manque de culture n’est pas propre au jazz et touche aujourd’hui tous les domaines. Les amateurs et passionnés ont déserté Jazzdor depuis plusieurs années et préfèrent assister aux remarquables concerts en Allemagne ou en Suisse, comme le concert du Wynton Marsalis Big Band à Baden Baden le 14 octobre, qui, bien entendu, n’est pas programmé à Strasbourg ! Il serait temps de renommer Jazzdor en « Festival de musiques improvisées » et de créer un véritable festival de Jazz.
