La fracture fiscale française acte I

Il faut d’urgence une réforme de la fiscalité sinon on va droit dans le mur… Un clivage se crée, et le cout de la fiscalite repose toujours les mêmes personnes.

 L’impôt sur le revenu:

10 % des foyers fiscaux paient 70 % de l’impôt sur le revenu en France !

2 % des foyers paient 40,6 % de l’impôt

Cet impôt emblématique en France est de plus en plus concentré sur un nombre restreint de foyers fiscaux.

Qui paie vraiment l’impôt sur le revenu ? En théorie, il touche tous les particuliers. Mais, au fil des réformes de ces dernières années, l’impôt sur le revenu en France concerne de moins en moins de personnes. Depuis 2015, la tranche d’imposition à 5,5 % a été supprimée, ce qui a permis à 3 millions de ménages de sortir de l’impôt. Et, le 1er janvier 2020, une révision du barème progressif et de ses tranches, a permis aux contribuables situés dans les premières tranches (11 % et 30 %) à réduire leur imposition.

Au final, environ 43 % seulement des ménages paient l’impôt sur le revenu.

L’impôt sur le revenu est donc de plus en plus concentré sur une partie de la population.

L’impôt sur le revenu attire les regards et cristallise les débats. Mais, il ne pèse plus « que » 88 milliards d’euros dans les recettes du Trésor public, contre 217 milliards d’euros pour la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

La question est donc jusqu’où ne pas aller trop loin avec les allègements d’impôts sur le revenu au risque d’accroître une fracture entre citoyens. Comme chacun sait, le statut de non imposable présente de nombreux avantages complémentaires et notamment conditionne l’octroi d’allocations ou permet certaines exonérations ou gratuités.

Taxes foncières et taxes d’habitation :

La suppression progressive de la taxe d’habitation est le scandale fiscal du quinquennat Macron. Même si cela peut paraître agréable de voir une taxe supprimée, il en résulte une inégalité contributive inadmissible et un casse-tête pour bon nombre de maires et président de collectivités locales. En effet, ce ne seront plus que les propriétaires qui vont financer les innombrables dépenses des collectivités locales alors que tout sera gratuit pour les locataires : ensemble du système scolaire, services de secours et d’incendie, entretien des routes, transports en commun et scolaires, aides sociales, équipements sportifs et associatifs, etc.

Confrontés à une baisse conséquente des recettes fiscales (que l’État avait promis de compenser à l’euro près mais on sait ce que deviennent ces promesses!), les maires sont tentés de faire grimper la taxe foncière pour maintenir le même niveau d’investissements ce qu’on a déjà relevé dans beaucoup de villes et notamment à Strasbourg.

Avec la crise sanitaire, toutes les municipalités ont vu leurs recettes baisser (moins de besoins en crèche, garderie, centre de loisirs…), alors que les dépenses augmentaient, notamment sur les aides sociales et l’achat de matériel anti-Covid (gels, masques…). Les pertes de recettes en 2020 sont estimées à plus de 2 milliards d’euros par l’Association des maires de France.

Ainsi, une commune sur trois envisagerait d’augmenter sa taxe foncière selon une enquête de l’Association des maires de France (AMF) et de la Banque des Territoires !

Des hausses, qui devront rester modérées et ne pas se répéter tous les ans pour ne pas susciter l’ire des contribuables. Mais, les habitants réclament aussi de plus en plus de services publics. Entre baisse des investissements, hausse de la fiscalité et emprunt, le choix des maires est cornélien…

Et bien évidemment, les propriétaires seraient donc les dindons de cette immense farce ! Le sujet est d’autant plus brûlant qu’il risque de dissuader nombre de personnes à devenir propriétaire bailleur ou à le rester. Attention à la crise immobilière qui peut se profiler alors que nombre de candidats à la location ne trouvent pas à se loger…

Une réforme fiscale indispensable !

Difficile de revenir sur une suppression de taxe ou des allègements fiscaux à tour de bras.

Mais vu l’état des finances du pays, les candidats à la prochaine élection présidentielle finiront par se retrouver devant une situation dramatique qui nécessitera une réforme fiscale en profondeur.

Parce qu’on est en train d’assister à une fracture fiscale dont on ne mesure pas encore les conséquences avec, d’une part, les « contributeurs » et, d’autre part, les « assistés ». En effet, les imposables à l’impôt sur le revenu et les propriétaires qui financent les collectivités locales par le biais de la taxe foncière sont très majoritairement les mêmes personnes.

Alors que faire ?

Pour une plus grande justice fiscale et enrayer cette fracture entre Français, il faut revoir totalement notre fiscalité pour la rendre plus progressive et plus équilibrée mais surtout mieux répartie.

Avec la suppression de la taxe d’habitation, il faudrait qu’environ 85 % des Français soient concernés par l’impôt sur le revenu (au lieu de 43%), impôt équitable puisque basé sur les ressources réelles, avec des tranches plus nombreuses à partir de 5 % ce qui évite l’effet de seuil fatidique du taux à 30 % actuel. En contrepartie, il faudrait baisser le taux de TVA (le taux réduit appliqué aux produits de première nécessité encore davantage que le taux normal) et les taxes sur les carburants et énergies qui pèsent de plus en plus sur les budgets les plus modestes. Avec des taux d’imposition plus progressifs, l’impôt serait ainsi plus justement réparti sans pour autant défavoriser les revenus modestes. Le problème qui se cache derrière le système actuel c’est que les Français expriment leur droit de vote aux élections nationales ou locales alors qu’ils ne sont pas, ou que partiellement, contributeur au budget de ces instances. On rappelle que, sous l’Ancien Régime, existait le suffrage censitaire où seuls ceux qui payaient l’impôt (le cens) avaient le droit de participer au suffrage….

Alors on met au défi les futurs candidats à l’élection présidentielle, quelle que soit leur étiquette, de nous proposer une imposition plus juste.

Professeur Alain Francissous

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