Le yen s’effondre
Il vient de dépasser son niveau le plus bas depuis près de 35 ans, soit 157 yens pour 1 dollar. Chutera-t-il jusqu’au niveau de 200 Yens ?
Pourquoi le yen s’est-il fortement déprécié de plus de 40% ces 3 dernières années ?
a) L’écart de taux d’intérêt : Une raison importante de la dépréciation du yen est l’écart grandissant des taux d’intérêt entre le Japon et les États-Unis. La Réserve fédérale américaine a resserré sa politique monétaire pour freiner l’inflation, ce qui a entraîné une hausse des taux d’intérêt aux États-Unis. Pendant ce temps, la Banque du Japon (BOJ) a maintenu son assouplissement monétaire à grande échelle, ce qui maintient les taux d’intérêt japonais à un niveau bas. Cette divergence des taux d’intérêt encourage les investisseurs à vendre du yen et à acheter du dollar américain, exerçant ainsi une pression à la baisse sur le yen.
b) Les récentes décisions de garder les taux bas ont contribué à la chute du yen. c) La complaisance de la BOJ qui voit d’un bon œil la dépréciation du yen, laquelle stimule les exportations dans le cadre d’une politique mercantile à l’instar de celle de l’Allemagne avec la Chine.
En résumé, la baisse du yen est consécutive à la politique monétaire de la FED ; parce que les taux américains ont augmenté en raison de la réaccélération de l’inflation.
Le yen est une devise dite « carry-trade » : les taux étant beaucoup plus élevés en dehors du Japon, les investisseurs empruntent en yen à taux quasi nuls, vendent les yens et placent sur des produits offrant des rendements plus élevés en dollars ou en euros.
Le carry-trade fait également baisser le yen et participe à la hausse des bourses internationales.
Quels peuvent être les impacts de la dépréciation du yen sur l’économie japonaise ?
L’impact sur la balance commerciale du pays sera positif avec l’augmentation des exportations qui deviennent plus compétitives, moins chères grâce à l’effet du taux de change. Le tourisme peut connaître également un accroissement d’activité, devenu attractif en prix.
A l’inverse, les consommateurs japonais seront négativement impactés par le renchérissement des importations. Les biens importés deviennent plus chers en raison de la faiblesse du taux de change. Le coût de son énergie sera d’autant plus cher que le Japon est importateur de pétrole.
En quoi le niveau du yen est-il un sujet important ?
La théorie dite de parité de pouvoir d’achat (PPA) permet d’exprimer dans une unité commune les pouvoirs d’achat des différentes monnaies. Ce taux exprime le rapport entre la quantité d’unités monétaires nécessaire dans des pays différents pour se procurer le même « panier » de biens et de services. La statistique de l’OCDE nous indique pour le Japon un niveau proche de 103. Le Yen apparaît largement sous-évalué.
En théorie, la BoJ (Banque du Japon) augmenterait simplement ses taux pour stopper l’effondrement du yen. Cependant, le Japon ne peut pas vraiment se permettre d’augmenter les taux de manière significative avec un ratio dette/PIB de 265 %.
Si le Japon souhaite ralentir la dévaluation de sa devise, il pourrait augmenter ses taux. Cependant, cela augmenterait considérablement le déficit, que la BoJ devrait monétiser, et accélérerait ainsi la croissance de la masse monétaire. La Banque du Japon détient déjà près de la moitié des obligations d’état japonaises en circulation.Ou bien ils pourraient vendre des bons du Trésor américain, dont ils sont le plus grand détenteur étranger (1,1 trillions USD).
Fed, BoJ et Yen
La Réserve Fédérale est contre cette option. La vente des bons du trésor engendre mécaniquement une hausse des taux longs américains.
La Fed s’est lancée dans le cycle de hausses de taux le plus rapide de l’histoire et cela n’a pas fonctionné. Ils cherchent désormais désespérément à justifier d’une manière ou d’une autre la réduction des taux d’autant plus qu’en période électorale tout sera tenté pour avoir de bonnes statistiques économiques le jour du vote en novembre 2024.
Les interventions sur le marché des changes peuvent être risquées car elles peuvent compromettre la crédibilité d’une banque centrale si elles échouent à maintenir la stabilité.
De plus, une dépréciation continue du yen pourrait inciter d’autres pays, la Chine en tête, à dévaluer leur propre monnaie pour maintenir leur compétitivité à l’exportation. Cela pourrait potentiellement conduire à des tensions sur le marché des changes et à une escalade vers une guerre des changes.
Il ne faut pas exclure des interventions coordonnées des différentes Banques centrales afin de stabiliser la situation. Une guerre des changes n’étant pas dans l’intérêt de la FED.
La BoJ est intervenue récemment mais le yen repart à la baisse.
Le yen est retombé presque à son niveau d’avant l’intervention. La seule manière de défendre sérieusement le yen serait de permettre aux rendements d’augmenter au Japon. Le Japon ne peut pas faire cela sans risquer une crise budgétaire parce que sa dette est trop élevée. La dette prétendument « inoffensive » du Japon est désormais un piège…
Par ailleurs, parmi les scénarios économiques envisagés, certains économistes pensent qu’il est probable que les Etats-Unis connaissent une récession en 2025.
Historiquement, lors des crises, le yen a souvent été une valeur refuge, à l’instar de l’or et du dollar. Lors de la grande crise financière de 2008, le yen a connu une forte progression de près de 30%, en passant de 100 yens à 76 yens contre le dollar.
Ainsi, si l’histoire se répète, nous pourrions alors assister à une hausse du yen.
Pour résumer, la Banque du Japon est coincée à cause de l’endettement massif du pays. Elle n’a guère de solutions efficaces pour permettre au yen de s’apprécier.
Son salut viendra des Etats-Unis et de la politique monétaire de la FED.
A court terme, il est fort possible que le yen poursuive sa chute.
A moyen long terme, avec une récession possible aux Etats-Unis en 2025 du fait des niveaux de taux d’intérêts élevés à cause de l’inflation, mais pas soutenables eu égard au niveau d’endettement du pays, nous assisterons à une baisse des taux américains.
Ainsi, cela permettra au yen de s’apprécier de nouveau. La BoJ pourra alors remercier la FED.
Donald Duck