L’Assemblée nationale a voté, il y a quelques semaines, «l’objectif» d’une généralisation de l’identité numérique en 2027, sans obligation toutefois. Le groupe Renaissance, par la voix de son rapporteur Paul Midy, plaide pour une « plaque d’immatriculation numérique » en psalmodiant son antienne, notamment sur les réseaux sociaux : «Oui au pseudonymat, non à l’anonymat».
Officiellement, le Gouvernement, par crainte de l’inconstitutionnalité du projet, s’y est opposé, ce qui ne signifie pas pour autant qu’il se poserait en défenseur des libertés publiques. Le gouvernement avait manifesté son opposition à ce dispositif qui risquait de contrevenir aux règles européennes ou à la Constitution, et qui suscitait une vague de protestations des défenseurs des libertés publiques.
L’Assemblée a également adopté un amendement fixant à l’État «l’objectif en 2027 que 100% des Français puissent avoir accès à une identité numérique gratuite» sans, là non plus, d’obligation contraignante. Les partisans de ces projets y voient le moyen d’accéder plus facilement aux services publics» et de «sécuriser des démarches administratives», notamment grâce à l’application France Identité pour vérifier l’identité.
Pour le rapporteur Midy, après la carte d’identité électronique, l’identité numérique est une évolution « logique », « qui va dans le sens de l’Histoire ». Encore faudrait-il savoir à quelle Histoire il se réfère.
Si c’est celle de la Chine et de son « crédit social », on a du souci à se faire…
Il n’y a que les mauvais esprits genre Torchis pour voir dans ces évolutions un moyen bien commode de surveillance généralisée. Bien sûr, les partisans de ce système jurent, la main sur le cœur, qu’il ne s’agit «en aucun cas d’un moyen de surveiller la population». On est prié de les croire…Pour le moment,
Il y a encore des vigies qui s’inquiètent des risques et dérives possibles, comme le député socialiste Arthur Delaporte ou encore le député RN Aurélien Lopez-Liguori qui n’hésitent pas à parler de «dispositions liberticides». «Nous ne voulons pas d’immatriculation sur le front, nous ne sommes pas des bagnoles» a-t-il dit et nous sommes bien d’accord.
Pourquoi s’arrêter en si bon chemin? Le gouvernement français prépare une loi qui vise à sécuriser et réguler l’espace numérique (SREN) en obligeant les navigateurs web à bloquer des sites web directement au niveau du navigateur. Rien que ça! Autrement dit, il s’agit ni plus ni moins d’un instrument de censure aux mains du Pouvoir, qui déciderait ce qui est bon que le Peuple sache et ce qui ne l’est pas. Il suffit de connaître le pedigree, l’idéologie et l’absence de scrupules de certains de nos dirigeants actuels pour voir ce que cela donnerait si un tel projet venait à être réalisé, aujourd’hui et dans le futur!
L’Europe n’est pas en reste puisqu’à l’aéroport de Francfort, le visage peut désormais remplacer la carte d’embarquement et la pièce d’identité; la reconnaissance faciale pour l’ensemble des passagers est désormais généralisée.
1984, roman d’Orwell auquel on se réfère souvent jusqu’à saturation, n’apparaîtra bientôt plus que comme une gentille bluette face à ce que la société s’apprête à devenir. L’espace « citoyen » sera composé d’une masse populaire uniforme, tiède, insipide, amorphe, stérile, obéissante et soumise, dont les individus ne se reconnaîtront que par leur matricule numérique et ne se distingueront que par la marque qu’ils porteront sur le front, indiquant le solde de leur crédit citoyen.
En 2084, l’Humanité décérébrée aura sans doute achevé sa quête d’inhumanité, aura atteint le point
« Mousseline », cette purée « en même temps » mi-solide et mi-liquide, que le progressisme dévoyé appelle « le transhumanisme », qui fera de nous des succédanés d’homo sapiens, de simples pions, sans racines, sans mémoire, sans perspectives puisqu’incapables de les imaginer, sans amour.
O.T.
(2084, petit emprunt à Boualem Sansal, auteur du roman éponyme dont je vous recommande la lecture, Gallimard)