Chapitre III
Préparation de la demande en mariage
Berthold avait quitté Mogador pour s’installer à Casablanca où vivait sa mère. Il avait trouvé très rapidement un emploi bien rémunéré à la Compagnie Sucrière Marocaine où il occupait le poste de chef du service de la distribution des pains de sucre. En ces temps de guerre où tout était précieux et rare, Berthold avait compris qu’il pouvait vendre à prix d’or les sacs de toile de jute usagés dont la Cie n’avait plus l’utilisation.
Au cours de cette semaine, Esther monta plusieurs fois au 3ème étage pour inviter Rose à la rejoindre pour lui apprendre le fameux point de broderie dont elle avait le secret. Après plusieurs refus de Rose, sa mère l’obligea en lui demandant de faire preuve de courtoisie à l’égard des ses voisins. Huit jours après la scène de la fenêtre, Rose accepta de se rendre chez Esther. Berthold était là. Il l’attendait. Il était troublé et la regardait sans la quitter des yeux. Puis, en s’approchant d’elle, il l’invita à converser. Elle accepta. Il était conquis par cette jeune fille jolie, vive, intelligente et cultivée, lui n’avait eu que des aventures sans lendemain avec des sottes qui n’avaient même pas eu leur certificat d’études ! Esther et Marc se joignirent à la conversation et le point de broderie fut aussitôt oublié.
Rentrée chez elle, Rose raconta tout à sa mère. Symine exigea de voir ce jeune homme pour connaître ses intentions. Il n’était pas question que sa fille, une master pièce disait-elle, perde son temps avec n’importe qui. Fort de cette information, Berthold demanda aussitôt à Esther d’organiser un rendez-vous pour rencontrer la famille de Rose afin demander sa main officiellement. Esther qui jouait les intermédiaires tentait de calmer la précipitation de Berthold et de rassurer Symine qui trouvait farfelue l’attitude de ce jeune homme et de Rose. On ne tombe pas amoureux dès le premier regard répétait Symine en haussant les épaules. Elle informa Esther et Marc d’un prochain Afternoon tea et déjà, s’affairait à la mise en scène spectaculaire d’un simple Tea Time. Elle demanda aux bonnes de faire briller l’argenterie séance tenante, le boy se chargerait de faire les courses et elle serait le chef d’orchestre de cet événement qui allait peut-être sceller le destin de sa fille.
Le buffet devait être digne d’un buffet de roi comme savent toujours le faire ces mogadoriens qui ne lésinaient jamais en matière d’abondance. Même l’Afternoon Tea du Tea Rooms de chez Harrods à Londres ne soutiendrait pas la concurrence de Symine. Elle avait prévu pour l’occasion un thème de couleurs vert et rose layette, elle avait sorti la nappe de soie brodée de roses, les serviettes assorties, et préparait déjà toute sa vaisselle anglaise; la Josiah Wedgwood, la porcelaine de Derby-Chelsea et le cristal de Royal Brierley. Le buffet se tiendrait dans le boudoir art déco attenant au grand séjour où les invités pouvaient s’installer autour des guéridons, sur des fauteuils recouverts de velours vert émeraude en merisier massif. Le fils de ce riche marchand d’épices de Mogador devait savoir que dans la Maison de Symine, si l’on n’était pas riche, l’on avait des bonnes manières et l’on savait recevoir.
Il faut dire que chaque mogadorienne se prenait pour Anna, la 7e Duchesse de Bedford qui aurait été à l’origine de ces brunch d’après midi.
Slil