Ce livre « le totem de l’État de droit », écrit par un jeune universitaire de talent, Ghislain Benhessa, aurait pu s’appeler : comment passer de l’État de droit à la primauté du droit sur l’État.
L’auteur nous rappelle ( ou plutôt nous apprend ) les enjeux des deux grandes écoles de pensée du droit des états du 20e siècle, qui influenceront tous les penseurs et théoriciens du droit de l’État: celle du penseur autrichien Hans Kelsen, dessinant le squelette de l’appareil de droit sous la forme d’une pyramide au sommet de laquelle figure la Constitution, et dont découle la validité de toutes les règles inférieures-conventions internationales- lois-décrets-arrêtés, et celle du constitutionaliste allemand Carl Schmitt, juriste qui a fortement théorisé l’état du droit nazi dans les années 30, et qui faisait du chef de l’État le souverain suprême du pays.
L’auteur pose une question particulièrement intéressante : « Si la Constitution est au sommet de la hiérarchie des normes, comment un juge pourrait-il en être le gardien ? Pourquoi le peuple souverain consentirait- il à ce que la loi suprême, celle dont il est l’auteur, soit confiée à la surveillance pointilleuse de quelques professionnels du droit ? »
La querelle Kelsen- Schmitt trouve ses échos dans la lente dérive de l’abandon de souveraineté de pays européens (dont la France, dont l’exemple est particulièrement bien illustré), au profit d’un gouvernement des juges européens (Cour Européenne des Droits de l’Homme. (CEDH).
L’auteur décrit le lent et constant abandon de souveraineté, de Giscard à Sarkozy, Hollande, Macron, mais aussi Mitterrand et Chirac.
Ce mécanisme a bénéficié des analyses, réflexions, recommandations d’un mentor de poids, l’éminent philosophe reconnu sur le plan mondial, Jürgen Habermas, marqué par l’épisode nazi. En réaction à cette situation : moins de nations, moins de frontières, les mêmes droits pour les immigrés que pour les nationaux. Ainsi s’érigent les fondements de l’Europe, qui rejette tout ce qui a trait aux États-nations, et dont la volonté est d’affaiblir les nations, et de les soumettre coûte que coûte.
De nombreuses références et exemples illustrent ces propos, tirés de l’Angleterre, des États Unis, de l’Allemagne, et des anciens pays de l’Est. Ce livre est une démonstration irréfutable de la mise en place de l’Europe des juges, qui, en fait, dirigent l’Europe.
Ghislain Benhessa esquisse quelques pistes de solution, mais la plus importante réside dans la réappropriation de la souveraineté des États. Déléguer ce que l’on veut, mais pas de chèque en blanc. Et ne pas se soumettre à ce « piège de destruction massive » qu’est l’État de droit.
Dans un style clair, compréhensible, et incisif, l’auteur nous propose un livre d’histoire politique, d’analyses, de réflexions, un vrai souffle pour notre compréhension du monde à venir.
P. Chanoine.
