On ne dit plus « Juifs ». On dit désormais : « Juifs génocidaires ». Ce glissement n’est pas anodin. Il marque une étape décisive dans la déshumanisation. Lorsqu’un peuple est présenté comme intrinsèquement criminel, il cesse d’être protégé. Sa mort devient envisageable, même souhaitable. Et cette déshumanisation prospère lorsque l’État se tait.
En Australie, des imams ont appelé ouvertement à la mort des Juifs. Il n’y a eu ni poursuites, ni sanctions, ni ligne rouge. Le silence des autorités a été la réponse à la haine tolérée. Benjamin Netanyahou a alerté le Premier ministre Anthony Albanese, le rabbin assassiné à Sydney avait lui aussi tiré la sonnette d’alarme. Rien n’a été fait. Le drame de Sydney n’est pas une tragédie accidentelle. C’est le produit d’un renoncement politique.
Albanese porte une responsabilité pleine et entière, parce qu’un État est toujours responsable de ce qu’il tolère.
En France, la mécanique est la même. L’antisionisme radical a prospéré librement jusqu’à devenir un antisémitisme de masse. Les discours politiques, jusqu’au sommet de l’État, ont parfois légitimé ce basculement parce qu’à la tête de l’État on a dénoncé Israël meurtri, relativisé un pogrom, expliqué l’inexplicable.
Les écoles juives sont sous protection militaire, les synagogues barricadées et des citoyens sont sommés de se faire discrets parce qu’ils sont juifs. La République parle fort, agit trop peu, et n’intervient qu’après les drames.
La leçon est la même de part et d’autre du globe : flatter la rue n’a jamais protégé la paix sociale. Croire que l’antisémitisme contemporain se dissout avec des mots de compromis est une illusion fatale. Lorsqu’un État laisse dire que les Juifs sont des « génocidaires », qu’il tolère que des prêches appellent à la mort, qu’il accepte que la haine se déguise en cause morale, il abdique.
Bondi n’est pas un accident. Ce n’est ni la folie d’un homme isolé, ni une fatalité. C’est le résultat direct d’un choix politique, celui de fermer les yeux sur l’idéologie qui arme les balles.
L’antisémitisme d’aujourd’hui n’avance plus sous son vrai nom. Il porte le keffieh et possède un jargon militant, il se dit « antisioniste », « progressiste » ou « décolonial ». Mais il vise toujours les mêmes corps, les mêmes enfants, les mêmes familles.
À Bondi, on n’a pas tiré sur une politique étrangère : on a tiré sur des Juifs. Et ceux qui refusent de le nommer sont complices, par lâcheté, par calcul électoral, et par peur d’une rue qu’ils ont eux-mêmes radicalisée.
Bondi n’est pas un point final, ce n’est pas une dérive, c’est un avertissement qui a été ignoré. C’est une faillite politique.
Gouverner, c’est choisir, trancher, protéger. Et à Bondi, comme à Paris, les Juifs sont redevenus un symbole. Une cible commode qui traverse les universités, sature les réseaux, et finit en sang sur le sable.
Bondi est désormais un lieu politique.
Comme Toulouse.
Comme l’Hyper Cacher.
Comme Pittsburgh.
Bondi restera une date que les mots avaient armés de balles. Un jour où la complaisance a tué. Un jour où un Etat a failli une fois de plus en assassinant ses citoyens juifs par procuration.
Silvia Oussadon Chamsszadeh