Dans le temple théâtral parisien contaminé par le virus woke pour « Pétrole »… même leur sapin est woke !
Sylvain Creuzevault signe l’adaptation et la mise en scène du pseudo-roman de Pier Paolo Pasolini qui est plutôt un journal où toutes les obsessions de l’artiste italien, notamment sur la sexualité et le pouvoir, sont déclinées à satiété.
On a l’impression que l’intellectuel marxiste veut écrire le livre des livres, tout brasser, tout embrasser du monde extérieur et intérieur, jeter son corps tout entier dans la lutte politique et la sexualité car « Pétrole » est aussi l’histoire d’un homme divisé en deux, à la fois acteur et victime d’un système qu’il contribue à alimenter, Carlo Valetti, interprété par deux comédiens, très convaincants (Gabriel Dahmani et Sébastien Lefebvre). Travaillé de l’intérieur par ses contradictions, il gravit les échelons et se prostitue face aux puissants, tout comme derrière des baraquements de terrains vagues, dans les bras d’ouvriers qu’il paie pour qu’ils le sodomisent. C’est aussi une enquête policière qui met en lumière les liens entre la Démocratie Chrétienne, les groupuscules extrémistes, les multinationales de la chimie, et les dirigeants des pays pétroliers. Elle tisse une cartographie de forces occultes qui manipulent la société italienne et détiennent le pouvoir réel.
Le décès tragique de Pasolini, mu par une sexualité débridée et déviante, laissa inachevé ce chantier traduit en français par René de Ceccatty. Huit comédiens (trois femmes et cinq hommes), deux vidéastes dont un unique cadreur, et une équipe de scénographie, sons, musiques, lumières, costumes, masques et maquillages participent à cette aventure aussi longue et fatigante qu’extravagante et énigmatique.
Dans la première partie, on ne voit guère les huit comédiens en direct pendant l’heure et quart. Un container est descendu des cintres à l’orée du spectacle et va servir d’espace caché, de studio, aux premières scènes, filmées en direct par un cadreur omniprésent, François-Joseph Botbol, tandis que Simon Anquetil a dû concevoir les découpages et cadrages. Hélas ce jeu, constitué trop souvent de gros plans et longues prises de parole, tient au bout d’un moment le spectateur à distance.
Au début de la deuxième partie plus théâtrale, après un court entracte, les comédiens surgissent en une danse d’une vitalité orgiaque, comme des « personnages » enfin libérés de la boîte mystérieuse dans un maelström de mots, d’images et de sons pendant deux heures… Dans un décor à la Beckett qui n’attendrait plus Godot pour jouir sans entraves, on se croirait dans le monde de « Soleil Vert », film de Richard Fleischer quand la végétation a presque disparu, la terre est devenue stérile, la lumière s’est affaiblie et les saisons n’existent plus. Tout est jaunasse, maladif, et le spectateur voyeur regarde par le trou de la serrure des scènes dignes du septième cercle de l’enfer de Dante quand, sur une lande brûlante, les sodomites sont condamnés à courir dans le désert et les usuriers, forcés de s’asseoir sur les flammes. On ne peut qu’admirer la performance des acteurs, munis de pénis en plastique, grotesques et décalés, à qui Sylvain Creuzevault a dû demander d’accélérer sans cesse comme des allégories fantasmées qui s’entrechoquent.
Dans cette version sur les planches de « Pétrole », on peut parfois trembler, souvent être agacé, surtout rapidement s’ennuyer en raison de multiples idées qui se perdent dans des digressions stériles d’une part et d’un rythme bien trop lent d’autre part. Sylvain Creuzevault recourt un peu trop systématiquement aux mêmes effets, la vidéo notamment, submergés d’informations, on décroche. Viol de la mère, et autres incestes, pratique frénétique du sexe, Creuzevault montre tout sans faiblir. Parfois longuement. Trop longuement. Comme ces orgies sexuelles où l’on avale tout, se masturbe collectivement, dépèce, régurgite à l’infini, le tout dans un mélange de rires démoniaques, gloussements, soubresauts. Sans oublier le SM où le bourgeois dominant ne rêve que d’une chose, être humilié par la classe sociale dominée composée de prolos dominateurs sexuellement et forcément TTBM…
Scéniquement, la multiplication des mises en scène de masturbations frénétiques, d’exhibitions de phallus en érection, comme de fellations en gros plan, diffuse une atmosphère délétère et ne peut qu’illustrer à la perfection le naufrage auquel mène le virus woke, inspiré du déconstructivisme et porté par l’autodestruction, qui s’oppose à la raison même : l’obscurantisme et la décadence. Bombardés d’images, de voix en tous sens qui vous crachent à la figure durant … trois heures trente, on s’accroche. Avez-vous déjà eu l’impression d’avoir la tête broyée dans un rouleau compresseur ? Le spectateur masochiste aime se faire fouetter, à défaut de sortir enrichi et heureux de ce spectacle…
Un Ami