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Quid de l’imbroglio de la Bosnie-Herzégovine ?

Pourquoi est-il possible pour le peuple de Bosniaques d’accepter l’islam alors que la majorité de la population est d’origine chrétienne ? Beaucoup  de ceux qui sont devenus musulmans sont issus des Bogomiles ? Rejoignant l’ordre soufis Bektashi, certains devinrent musulmans sans changer leurs croyances bogomiles ?

Mon aventure bosnienne commença à l’Ecole d’Etat-major en 1964. J’avais parrainé un officier serbe, Jovan Divjak. Nous devinrent des amis inséparables dans la paix et la guerre. Pour l’inauguration du stade de Sarajevo, il me fit inviter par le maréchal Tito Je découvris un pays attachant dans son rejet du communisme soviétique et son attirance pour la démocratie européenne.

Avec l’apparition de Milosevic réapparut l’ambiguïté balkanique. La guerre intra-peuples différenciée par la religion ramena l’Europe à des siècles en arrière.  

Revenu d’Afghanistan, j’étais redevenu libre. J’ai rencontré à Paris l’ambassadeur de Bosnie pour lui proposer de m’engager au service de cette cause. Après m’avoir montré les murs de la pièce ( !) , nous avons pris un café à l’extérieur pour discuter en sécurité. Au moment de nous quitter, me souhaitant bonne chance, il avait glissé un papier dans sa main. Nous nous étions compris !

Revenu à Strasbourg, je suis allé à Kehl ( !) pour téléphoner au numéro inscrit sur le papier. Trois semaines plus tard, avec un groupe de quinze volontaires européens, nous nous sommes glissés dans le tunnel, creusé secrètement sous l’aérodrome de Sarajevo pour tromper la vigilance de l’ONU. J’y ai retrouvé mon ami Jovan Divjak, le général serbe défenseur de la ville contre les hordes de Milosevic : j’avais choisi la bonne cause !

La paix, revenue dans le jeu de domino conçu à Dayton en 1995, erre dans un pays quasi artificiel avec des frontières entre trois entités quasi religieuses et un gouvernement tripartite sous la houlette de l’Europe : un stratagème pour créer une nation homogène.

L’Europe n’a pas compris qu’on doit tenir son engagement parce que c’est le sceau de la liberté qui tient debout le sujet en elle.

En évoquant « une bombe à retardement djihadiste » en Bosnie qui « fait tic-tac à côté de la Croatie », la France a lancé un pavé dans le marigot européen. Cantonnant l’ampleur du danger à la Bosnie. c’est désigner l’arbre dans la forêt. Le processus de balkanisation par division interne crée les conditions d’une même guerre civile qui causa cent mille morts entre 1991 et 1995. Depuis, le salafisme s’est installé sur cette faille bosniaque qui inspira à Vladimir Volkoff le roman La Crevasse.

Durant la guerre, Izetbegović bénéficia du soutien de la communauté internationale. Les pays islamiques du Golfe, d’Iran, de Turquie, envoyèrent des volontaires fanatisés. Des largages aériens clandestins et des ONG pseudo-humanitaires acheminèrent des armes, des matériels, moyennant l’adoption de pratiques conformes à la charia. Les femmes bosniaques ont simulé le port du voile pour survivre. Cette guerre d’usure amena la population à s’islamiser visiblement, sinon sincèrement.

Aujourd’hui, le « tunnel de Sarajevo » est prolongé par les réseaux islamistes pour se ramifier insidieusement en Europe.

Depuis, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Macédoine, le Monténégro, la Serbie et la Slovénie sont devenues des États indépendants. Ce processus s’est déroulé au prix de milliers de victimes. L’intégration européenne de ces nouveaux États se poursuit tant bien que mal. La Slovénie (2004) et la Croatie (2013) ont déjà intégré l’Union européenne (UE), tandis que le Monténégro, sans faire partie de l’UE, est devenu le 29ème État-membre de l’OTAN en 2017. La demande d’adhésion à l’UE de la Bosnie-Herzégovine fut acceptée en 2016. La Serbie peine à intégrer l’UE.

Un « trou noir » au cœur de l’Europe

Aux antipodes des promesses de prospérité et de sécurité, la plupart de ces nouveaux États sont fragiles. Certains seraient en passe de devenir des « États faillis », selon le politologue Robert Bates. La corruption endémique des élites politiques de la région, l’expansion exponentielle de groupes criminels et l’instabilité chronique due à l’échec de l’éradication de la pauvreté de même que la persistance des revendications territoriales ethniques, font le lit de courants susceptibles de plonger les Balkans dans le chaos pour se propager à l’Europe.

En contrepoint aux scénarios optimistes de l’Occident sur l’avenir de la région, une grille de lecture différente de ces points de vue divergents devrait être bénéfique à l’analyse prospective qui s’impose en ce qui concerne cette région d’une grande importance géostratégique et dont l’évolution aura un impact sur le reste de l’Europe.

J’entendrai toujours le violoncelliste Vedran Smailovic jouer l’Adagio en G mineur d’Albinoni dans les ruines de Sarajevo sous le tir des snipers serbes…

Gérard Cardonne
Reporter Sans Frontières

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