Mon Tonton Léon de Bournazel
Le fascisme, disait mon tonton, est une pieuvre.
Et une pieuvre n’a pas de tentacules gauches ou droites. Elles sont toutes pareilles. À bien y réfléchir, Fronts Populaire ou National, c’est noir bonnet et bonnet rouge.
Le même antisémitisme, la même allégeance à Poutine, la même haine de l’Europe et de l’autre et les mêmes résurgences nationalistes du siècle dernier.
Pourtant, j’ai noté une petite différence.
Dans le marigot parlementaire, à la violence des propos d’une Poissonnière surexcitée, s’opposent le calme apparent d’une Marine et le sourire ravageur de son poulain.
Les outrances des uns renforçant les rangs des autres, l’ombre de l’Hydre brune s’étend sur notre pays.
Orban, Melloni, Vlaams Belang ou Geert Wilders, salués par les uns ou la horde des dictateurs sud-américains, fréquentés par les autres, deviennent des modèles pourtant si éloignés de nos valeurs et de notre culture.
La déception et la colère sont mauvaises conseillères et font tomber les garde-fous. Désorientés ou déçus, nombre d’électeurs, succombent au chant des serpents à sornettes et s’apprêtent à croquer le fruit défendu.
Ils se rendront compte, mais un peu tard, comme disait Jean de La Fontaine, que si tout flatteur vit au dépend de celui qui l’écoute, le ramage ne vaut pas toujours le plumage.
D’ailleurs, comme disait mon tonton Léon de Bournazel (Aveyron), bougnat de service dans le 5ème arrondissement : « T’as beau planter des plumes de paon dans l’cul d’une poule, ça restera une poule et au bout de l’histoire, les plumes, c’est toi qui les auras dans l’cul ».
Il m’a toujours fait rire mon tonton de Bournazel. Il avait l’accent du terroir et la vérité du terrain. Les vérités restent, mais le monde de Forrest Gump est révolu. La vie n’est plus une boite de chocolat, mais un paquet de M&M’s (Méluche & Marine). Tu choisis la couleur, mais le goût est le même et sous le sucre il y a la cacahuète… et celle-là est salée et sera d’autant plus difficile à recracher, qu’elle reste souvent en travers de la gorge
Françoise Giroud disait: « Ainsi commence le fascisme. Il ne dit jamais son nom, il rampe, il flotte, quand il montre le bout de son nez, on dit : C’est lui ? Vous croyez ? Il ne faut rien exagérer ! Et puis un jour on le prend dans la gueule et il est trop tard pour l’expulser. »
« Écrire l’Histoire plutôt que la subir »
Si le choix d’Emmanuel Macron a surpris et désorienté nos leaders politiques, il est courageux et risqué, mais a l’avantage de clarifier la situation et de faire tomber les masques.
En avait-il d’autres ? Sinon s’enfermer dans son palais pour le reste de son mandat et laisser une non-majorité parlementaire tenter de survivre entre deux 49-3.
Qu’avait à gagner la France ?
Aujourd’hui tous sont au pied du mur et les masques sont tombés.
Déjà, nombreux sont ceux qui, pour sauver leur siège et leurs avantages, vendent leurs âmes et se renient.
Dans ce jeu minable des fauteuils musicaux, écologistes et socialistes ne sont pas en reste. Après avoir tant bavé sur la NUPES, ils s’acoquinent avec un Mélenchon qui, l’air faussement modeste, se revoit Premier Sinistre.
Le Front Populaire sauve la face pour sauver des sièges. Tous font mine d’oublier les critiques qu’ils se jetaient hier à la face et s’empressent de pousser leurs différences sous le paillasson de Matignon. Le temps d’une élection…
Tonton Léon avait raison. Mélenchon a beau se pavaner, il n’a du paon qu’une paire de plumes anales.
À l’extrême droite, Bardella, encore auréolé de sa victoire, lui aussi debout sur le perron de Matignon, fait la fine bouche, préférant la main tendue de Ciotti, dont l’appel du 11 juin a fait flop, à celle d’une Marion venue à Canossa sans Zébulon-Zemmour.
C’est la ronde des courtisans.
Le choix offert aux électeurs du 30 juin ne peut se limiter à l’affrontement de deux blocs extrémistes.
Même s’il a du mal à se dessiner, je veux croire en la naissance d’un arc républicain allant de la gauche non mélenchoniste à la droite non lepéniste.
Je veux croire à l’intelligence d’élus capables de servir plutôt que de se servir, capable de porter des valeurs plutôt que de quémander un strapontin.
Je ne peux imaginer une France, dont on aurait oublié que dans sa devise figure le mot FRATERNITÉ.
Hier, il m’a bien fait rire, mon tonton Léon de Bournazel, quand il m’a dit :
- Regarde comme ils courent et se vendent pour un fauteuil, mais ils n’y seront assis que sur leur cul.
Avant de retourner à Bournazel, mon tonton Léon m’a offert des plumes de paon.
– Garde les en souvenirs. Il n’en a plus besoin.
Jean Marie Kutner