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« Bougeons les lignes ! »

Le député du Haut-Rhin, Raphaël Schellenberger, dans le débat sur l’avenir institutionnel de l’Alsace, propose dans une récente interview publiée dans les Dernières Nouvelles d’Alsace, que la stratégie des partisans d’une sortie du Grand Est soit revue. En effet, si celle-ci a abouti avec succès à la création de la Collectivité européenne d’Alsace qui a vu le jour en 2021, depuis, nous faisons du surplace. La médiation entamée entre le président Bierry et le président du Grand Est, Franck Leroy, conduit à une impasse. Il propose d’arrêter de se focaliser sur l’aspect institutionnel et de se concentrer sur le projet qu’il faut proposer aux Alsaciens. 

Voilà une excellente initiative !  

Il exprime ici ce que beaucoup pensent aujourd’hui. Le débat institutionnel n’intéresse pas les Alsaciens. Ils ne saisissent pas l’impact que pourrait avoir une collectivité alsacienne à statut particulier sur leur vie quotidienne, faute d’explications. Ce fût malheureusement déjà le cas lors du référendum du 7 avril 2013 et la raison principale de son échec.  

Aujourd’hui, les partisans d’une sortie du Grand Est n’ont pas de stratégie et de démarche communes. Chacun joue sa petite musique en solo. Pour les Alsaciens, c’est une cacophonie inaudible. Nous avons l’impératif de jouer ensemble, le regard vers Paris car la décision ne sera pas le fait des Alsaciens ni du Grand Est, mais des parlementaires à Paris.

Alors oui, la médiation entamée entre le président Bierry et Franck Leroy sous la tutelle de Josiane Chevalier est une impasse. 

D’abord elle n’a pas de base légale, c’est une initiative verbale du président Macron qui ne s’appuie sur aucun texte juridique. Ensuite un transfert de compétences ne saurait être le fait du président du Grand Est mais du législateur. Enfin, comment imaginer qu’une loi qui transfèrerait certaines compétences du Grand Est vers l’Alsace en étant accompagnée d’un transfert de moyens et de personnels ne créerait pas un imbroglio dans la gestion de la Grande Région avec une partie de ses compétences amputées pour un territoire et pas pour les autres. Sans même évoquer une avalanche d’amendements qui ne manquera pas de se produire entre les discussions devant le Sénat et l’Assemblée avec le risque d’aboutir à un texte bancal et mal ficelé, faute d’une majorité qui n’est que relative. 

 Sortons de ce piège !

 Le président Bierry doit par conséquent sortir de ce piège dont rien de positif n’émergera pour l’Alsace car ni les acteurs, ni l’échelon de la discussion ne sont les bons.  Il faut savoir renverser la table et s’en aller quand on se rend compte que les dés sont pipés ! 

Ce n’est en aucun cas une politique de la chaise vide si la conviction existe que cette médiation mène à une impasse. C’est tout l’honneur d’un homme ou d’une femme politique de dire non à un numéro de cirque dont le dompteur se tient en dehors de la cage. 

Nos parlementaires alsaciens doivent faire bloc et entraîner nos élus locaux ainsi que les Alsaciens avec eux. Les egos doivent être mis dans la poche ainsi que les appartenances politiques. Cessons cette division et cette cacophonie pour créer un orchestre à la hauteur de l’enjeu !

C’est un combat pour l’Alsace et un projet, qu’il convient désormais de définir et d’écrire. On parle ici du contenu des futures politiques alsaciennes dont une des grandes particularités est notre situation et notre histoire indissociables du bassin rhénan. Seule la récupération intégrale de nos compétences régionales perdues en 2015 peut faire de l’Alsace une collectivité à statut particulier en phase avec sa situation géographique. 

Le temps n’est plus aux grandes manifestations alsaciennes qui n’ont jamais abouti à quoi que ce soit de concret.  

Le temps est venu de la réflexion stratégique commune et de la rédaction d’un projet alsacien.  

Voyons si nos responsables politiques sauront se mobiliser, se souder puis entraîner avec eux des Alsaciens convaincus.  

C’est cela qu’il faut désormais entreprendre.  

Soyons efficaces, déterminés et enthousiastes ! 

Michel Naudo 

(Auteur de « l’Alsace malgré elle » paru aux Éditions de la Nuée Bleue en mai 2021) 

PS : Dans plusieurs articles à suivre, l’auteur s’attachera à faire un résumé du volumineux rapport commandé par les Départements de France à l’occasion de leurs assises qui se sont tenues à Strasbourg du 8 au 10 novembre 2023. Ce rapport intitulé « Le destin contrarié de la décentralisation française » (Par Arnaud Duranthon, Maître de conférence à l’université de Strasbourg), retrace et analyse toute l’évolution de la décentralisation en France depuis ses origines à la fin du 19ème siècle jusqu’à nos jours. C’est un éclairage intéressant et révélateur qui explique pourquoi et comment nous avons atteint un tel niveau de complexité territoriale. Cela replace également le débat institutionnel au sujet de l’avenir de l’Alsace dans son contexte national.

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