Je ne sais pas désirer comme il faut

Je ne sais pas désirer comme il faut. Je ne sais qu’aimer trop. Au galop. A perte de moi, au milieu des flots. A fond. Sans fond. S’enfonce. A se blesser les paumes, se baiser les paupières, déchirer les chiffons à la recherche de la lumière. Se déchiffrer les mystères au son de nos phylactères. Se lier pour toujours. Pour se perdre à jamais. Et recommencer. 

Je ne suis pas comme il faut. Et je me moque bien de ce qu’ils disent qu’il me faut. 

Je ne rentre pas dans leurs cases ni leurs casiers. 

Je ne sais jamais vraiment ce que je dois cocher. 

Je tombe amoureuse comme on se prend un étage, comme une violente erreur d’aiguillage. 

Je m’arrache le cœur et je reprends mon voyage. 

Vers le bonheur. 

Je ne sais pas aimer ceux qu’il faut. 

Je n’aime pas leur air normal, leur bras droit hormonal, leur bras gauche carcéral et leur sourire triomphal. 

Je ne sais pas embrasser comme une bourgeoise, les mains sur les cuisses et le sourire tout lisse.

Je ne sais pas simuler, prendre des airs sans vices ou sans malice. 

J’embrasse comme je dévore, entre la folie et le bruit intense de la nuit lumineuse des corps. 

Ou rien. 

Rien. 

Le vide abyssal de l’attente des déserts sans lendemains. 

Je m’assois en tailleur, tout en haut de la dune, et je contemple, en silence, l’immense lune. 

J’écoute le bruit de l’immensité, moitié comblée, moitié brisée, entre la vie fantastique qui palpite, que j’entends dans mes secrètes boutiques et l’espoir chevronné qui périclite 

devant ce qu’ils appellent réalité. 

Soudain, je me souviens qu’elle n’existe pas. 

Le réel, c’est tout ce qui n’est pas matériel, tout ce que l’on ne voit pas ! 

J’ai bien fait de ne pas les écouter. 

J’attends ma réalité.  

Assise comme une petite fille.

Bien.

Élevée.

©️ Martine Benz

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