La victoire de David contre Goliath

C’est la victoire de la démocratie aux portes de la Chine communiste. Taïwan est habitué aux séismes de la terre. Mais la menace de la Chine communiste, c’est comme un monstrueux tremblement de terre dévastateur pour la liberté. Les Taïwanais doivent s’y préparer. Ils sont prêts pour répondre à Enoch Wu de l’ONG Forward Alliance qui explique : « Nous présentons la guerre comme un risque parmi d’autres, afin que nos citoyens puissent se prendre en charge et ne pas peser sur les institutions en cas d’attaque contre Taïwan. » On aimerait entendre ce langage dans nos démocraties bavardes.

Les Taïwanais ont compris que leurs libertés, leur indépendance de facto, sont en danger depuis qu’en 2019, le président chinois Xi Jinping ne fait plus aucun mystère de sa volonté de « récupérer », par la force si nécessaire, l’île de Taïwan. Le nouveau timonier a mis au premier rang de ses projets la réalisation du datong, c’est-à-dire l’unification de l’empire.

Une antienne sacrée, qui se traîne depuis 1949, quand Mao avait réussi, au terme d’une guerre civile, à chasser le président de la République de Chine, Tchang Kaï-chek. Celui-ci s’était alors réfugié avec son armée sur l’île de Taïwan, située à 150 km de la côte. La République de Chine faisait face à la République populaire (sic) de Chine.

Le candidat du parti au pouvoir, Lai Ching-te, est sorti victorieux de l’élection présidentielle de Taïwan et ses adversaires ont concédé, un résultat qui tracera la trajectoire des relations de la démocratie autonome avec la Chine au cours des quatre prochaines années.

Ce qui est en jeu, c’est la paix et la stabilité de l’île, que Pékin revendique comme sienne et qui doit être reprise par la force si nécessaire !

La Chine avait qualifié le scrutin de choix entre la guerre et la paix.

L’indépendance sur le bulletin de vote ?

L’élection présidentielle à Taïwan s’est soldée par une course à trois. Le favori était l’actuel vice-président William Lai, candidat du Parti démocrate progressiste. Le DPP considère Taïwan comme un pays souverain et ne cherche pas la réunification avec la Chine.

Les adversaires de Lai étaient le maire de New Taipei City, Hou Yu-ih, du Kuomintang (KMT), et Ko Wen-je, ancien maire de Taipei candidat au Parti populaire de Taïwan (TPP). Le KMT embrasse l’idée d’une future réunification avec la Chine sous un gouvernement démocratique. Le TPP critique les plates-formes DPP et KMT et cherche un terrain d’entente qui maintient le statu quo : un Taïwan qui est de facto souverain, mais avec de solides liens économiques et culturels avec la Chine.

Consensus difficile

Les tensions transversales ont tendance à augmenter lorsque le DPP est au pouvoir et à se calmer quelque peu lorsque le KMT est au pouvoir. Mais ce dernier affirme l’idée qu’une éventuelle unification avec la Chine est son objectif pour Taïwan.

En 1992, les représentants du KMT et du PCC se sont réunis à Hong Kong et sont parvenus au « consensus de 1992 ». Malgré le nom, les deux parties ne sont pas entièrement d’accord sur ce que cela signifie. Le KMT affirme l’idée d’une Chine unique, mais note un désaccord sur ce que le gouvernement de cette Chine devrait être; la République populaire de Chine l’a interprétée comme affirmant une Chine unique sous la domination du PCC.

Pourtant, le Consensus de 1992 est devenu la base d’une série de politiques renforçant les liens transfrontaliers, et il a rendu les gouvernements dirigés par le KMT plus faciles à tolérer pour la RPC.

M. Lai et la présidente sortante Tsai Ing-wen rejetaient les revendications de souveraineté de la Chine sur Taïwan, une ancienne colonie japonaise qui s’était séparée du continent au milieu de la guerre civile en 1949. Ils avaient toutefois proposé de parler avec Pékin, qui avait refusé à plusieurs reprises de tenir des pourparlers et les avait qualifiés de séparatistes.

Un troisième candidat dans la course, Ko Wen-je, du Parti du peuple taïwanais (TPP), plus petit, avait obtenu le soutien notamment des jeunes désireux d’une alternative au KMT et au DPP, les partis d’opposition traditionnels de Taïwan. Ko a déclaré qu’il voulait parler avec Pékin et que sa conclusion serait que Taïwan devait rester démocratique et libre.

Démocratie taïwanaise

L’île de Taïwan est gouvernée en tant que « République de Chine » depuis 1949, lorsque le KMT a perdu une guerre civile contre le Parti communiste chinois. Le PCC a créé la République populaire de Chine sur le continent, et le KMT s’est retiré à Taiwan.

Pendant des décennies, la République de Chine et la République populaire de Chine ont divergé sur toutes les politiques possibles sauf une : les deux gouvernements ont convenu qu’il n’y avait qu’une seule Chine et que Taïwan faisait partie de la Chine. Ils ont tous cherché à unir Taïwan et le continent – mais sous leur propre règne.

Pour Taïwan, les perspectives ont commencé à changer.

Le changement commença avec la démocratisation taïwanaise – un processus qui débuta au début des années 1990. Après avoir progressivement mis en place des élections directes pour la législature, l’île a tenu sa première élection démocratique à la présidence en 1996.

Le vote du 13 janvier 2024 était considéré comme un test décisif pour l’avenir des relations transfrontalières, à un moment où le statu quo sur Taïwan, un territoire que Pékin revendique comme faisant partie intégrante d’« une seule Chine », est contesté. Si le parti sortant indépendantiste reste au pouvoir, le dirigeant chinois Xi Jinping pourrait penser qu’il n’a d’autre choix que de forcer la question de la réunification.

À l’inverse, si l’opposition, qui est d’accord avec Beijing pour dire que Taïwan et le continent font partie d’une « Chine unique », mais pas sur la question de savoir qui la gouverne, gagne, Beijing pourrait avoir plus d’espace pour être patient sur la question.

Dans la période précédant le vote, Pékin intensifia les exercices militaires dans et autour du détroit de Taiwan dans un avertissement aux électeurs taïwanais. Le 6 janvier, dans l’un des incidents les plus récents, la Chine a envoyé une série de ballons au-dessus de l’île, que le gouvernement taïwanais a cités comme une menace pour le transport aérien et une tentative d’intimidation.

Pendant ce temps, dans son discours annuel du Nouvel An, Xi Jiping déclara que « la Chine sera sûrement réunifiée », ce qui fit craindre à l’échelle internationale qu’il ait l’intention de poursuivre le dossier militairement.

Pour Washington aussi, le résultat du vote aurait des implications. Les États-Unis ont tissé des liens étroits avec les dirigeants actuels de Taïwan, mais les récentes tensions dans le détroit ont accru le risque de guerre. Les actions des États-Unis jugées provocatrices par Pékin, telle que la visite à Taïwan en 2022 de la Présidente de la Chambre des représentants de l’époque, Nancy Pelosi, ont amené la Chine à accroître ses menaces militaires dans le détroit. Cela suscita des spéculations selon lesquelles la patience de la Chine s’amenuise et son calendrier pour la réunification se raccourcit.

Pendant ce temps, les questions sur la capacité des États-Unis à répondre à toute agression chinoise contre Taïwan ont augmenté; le spectre de la guerre dans une troisième région du monde – après l’Ukraine et Israël – inquiète les dirigeants de la sécurité nationale à Washington.

Les États-Unis, qui sont tenus par leurs lois de fournir à Taïwan les armes nécessaires pour se défendre, se sont engagés à soutenir le gouvernement qui émergera, quel qu’il soit, renforcé par les plans de l’administration Biden d’envoyer une délégation non officielle composée d’anciens hauts responsables sur l’île peu après l’élection.

Pour Tony Chen, un retraité de 74 ans qui a voté à Taipei dans l’heure précédant la fermeture des bureaux de vote, l’élection se résumait à un choix entre le communisme et la démocratie. « J’espère que la démocratie gagnera », avait-t-il déclaré. Il avait ajouté que si des Taïwanais étaient ouverts au modèle de gouvernance de la Chine il y a des décennies, lorsque l’économie chinoise connaissait une croissance annuelle à deux chiffres, mais qu’ils étaient révulsés par la répression des libertés civiles sous l’actuel président chinois Xi Jinping.

Stacy Chen, 43 ans, avait déclaré qu’elle avait toujours voté pour le DPP parce que « Taïwan est un pays indépendant », car elle voulait que son fils grandisse dans un pays séparé de la Chine.

L’élection de Taïwan est considérée comme ayant « une influence réelle et durable sur le paysage géopolitique », déclara Gabrielle Reid, directrice associée du cabinet de conseil en renseignement mondial S-RM.« Le résultat du vote déterminera en fin de compte la nature des liens avec la Chine par rapport à l’Occident et aura une forte incidence sur l’état de la situation en mer de Chine méridionale.

Sentiment indépendantiste

Bien que les spéculations sur les retombées géopolitiques et la réaction de la Chine à l’élection aient dominé la couverture du vote dans le monde entier, pour les électeurs taïwanais, l’indépendance est l’un des problèmes critiques auxquels l’île est confrontée.

Sur cette question, les sondages taïwanais ont montré une dérive vers le sentiment pro-indépendance. En septembre 2023, près de la moitié des électeurs taïwanais ont déclaré qu’ils préféraient l’indépendance (48,9%) pour l’île, tandis que 26,9% souhaitaient le maintien du statu quo. Une minorité de moins en moins nombreuse – maintenant seulement 11,8 % – a dit espérer une réunification future.

Si le DPP reste au pouvoir, Pékin pourrait ressentir la pression de forcer la question de la réunification. Xi a appelé à ce que l’armée chinoise soit capable d’une invasion réussie à travers le détroit d’ici 2027, bien qu’un effort de réunification énergique puisse inclure une combinaison de blocus économiques et de pressions militaires.

Si tel était le cas, les engagements des États-Unis envers Taïwan, ainsi que la crédibilité des États-Unis auprès de leurs alliés asiatiques, pourraient être en jeu. Le président Joe Biden a déclaré à plusieurs reprises qu’il était prêt à défendre militairement l’île contre une attaque de la Chine continentale.

Déjà en 2024, les États-Unis doivent faire face à deux conflits importants qui exigent leur attention. La façon dont les électeurs taïwanais marquent leur bulletin de vote – et la façon dont les décideurs politiques à Beijing réagissent – peut déterminer si une troisième guerre est plus ou moins probable.

Pendant plus de deux décennies, la Chine populaire a envoyé des obus sur Taïwan. Un bon nombre de ces projectiles, souvent de fabrication soviétique, ont été récupérés par des artisans locaux qui en font toujours des couteaux d’excellente qualité, en vente dans des magasins de Taipei ! Serait-ce une aide économique « déguisée » !

La démocratie met Pékin de mauvaise humeur : 3° victoire consécutive du parti progressiste, opposé à tout rapprochement de Taïwan avec la Chine. Le ministère des Affaires étrangères chinois a ordonné aux pays étrangers de « ne pas se mêler des affaires internes de la Chine », l’ineffable Xi Ping ayant fait de la « réunification » de Taïwan avec le continent une priorité.

Ce pauvre homme ignore qu’un oiseau qui a pu quitter sa cage n’y reviendra jamais plus, car si la liberté est ivresse de vie: la politique, c’est l’art de mentir et d’oublier.                    

La hantise des Américains est d’empêcher que Taïwan devienne une deuxième Ukraine, avec des conséquences cataclysmiques pour l’ensemble de la planète. Cette hypothèse se pose avec la déclaration en octobre dernier de Xi Jinping : « ce sera en 2027, pour le centenaire de l’armée populaire de Libération. L’objectif est de faire de la Chine l’unique puissance de la région. »  

Taïwan risque d’être l’épicentre d’une guerre inimaginable entre ces deux superpuissances. Apocalypse corroborée par l’analyse de Sun Tzu-yun de l’Institut de Recherche sur la Défense et la Sécurité nationales : « Les courbes du développement économique et de l’investissement militaire dans la Chine depuis son entrée dans l’OMC en 1999, et dans l’Allemagne nazie des années 1930, sont très similaires. A l’échelle allemande, la Chine serait aujourd’hui en 1937. »

Gérard Cardonne

Reporter Sans Frontières

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