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L’Alsace, un combat politique ! 

Le sénateur André Reichardt, président du MPA (Mouvement Pour l’Alsace), a déclaré, s’agissant des prochaines élections européennes : « J’appellerai à voter pour les listes qui auront un discours clair à l’égard de l’Alsace et qui s’engageront à un retour à une Région Alsace pleine et entière » (Dernières Nouvelles d’Alsace du dimanche 28 janvier 2024) 

A-t-il raison de dire cela ? 

Récupérer les compétences régionales, comment ça marche ? 

L’objectif est que l’Alsace récupère les compétences régionales qu’elle a perdues en 2015 avec la création de la Région Grand Est et devienne ainsi une Collectivité territoriale à statut particulier (Art 72 de la Constitution). A la suite de quoi, les services de l’État, organismes parapublics et privés, seront rétablis au niveau alsacien.  

Pour cela, il faut 

1) une loi qui doit d’abord dissoudre le Grand Est et définir le sort de toutes ses composantes hors Alsace (Départements, Régions Lorraine et Champagne-Ardenne).  

2)  Pour que cette loi ne soit pas une usine à gaz comprenant plusieurs centaines d’articles, il faut qu’elle renvoie à des ordonnances qui fixent les modalités et les conditions de la « défusion » dans le détail (partage des biens, de la dette, des personnels etc…) ainsi que le régime des nouvelles collectivités (budget et comptabilité, statut des agents…).  

Précision : seul un projet de loi du gouvernement peut renvoyer à des ordonnances ; ce n’est donc pas le cas pour les six propositions de loi déposées par les parlementaires alsaciens. 

3) Le préalable à cette loi est bien entendu un débat en Lorraine et en Champagne-Ardenne portant sur leur avenir en tant que collectivités territoriales et

4) un accord entre les différentes forces politiques du Grand Est.  

A cela s’ajoute, 

5) une consultation des citoyens et/ou des collectivités concernées, s’agissant d’un changement du périmètre de ces dernières (Charte Européenne de l’Autonomie Locale), sans oublier 6) un gros travail préalable avec les services compétents de l’État pour la rédaction des textes… 

État des lieux : 

Le président de la république a confié la mission à Éric Woerth de se pencher sur « la simplification de l’organisation territoriale en vue de réduire le nombre de strates décentralisées, aujourd’hui trop nombreuses ». Celui-ci, d’après les derniers contacts pris, semble de pas connaitre le dossier alsacien ni même la CEA (Collectivité européenne d’Alsace) et la réduction des strates administratives n’est pas sa tasse de thé…  

Par ailleurs les récentes déclarations de Gabriel Attal (31 janvier 2024), ne sont pas faites pour nous rassurer puisque s’agissant de la réforme territoriale qu’il souhaite avant la fin de l’année, il dit « il faut dépasser les débats stériles sur l’échelon à conserver ou à supprimer, et nous concentrer sur les moyens d’améliorer l’action publique »… 

Concomitamment, deux ministres, (Thomas Cazenave et Dominique Faure) ont confié à Catherine Vautrin (présidente du Grand Reims) et Boris Ravignon (maire de Charleville-Mézières) la mission d’évaluer les coûts de l’enchevêtrement des compétences et des normes applicables aux collectivités territoriales. Il est de notoriété publique que ces deux personnes qui ne sont pas des parlementaires et n’ont aucune compétence connue dans ce domaine, sont par contre très proches du président du Grand Est (Franck Leroy) qui n’est pas identifié comme faisant de l’émancipation territoriale de l’Alsace son combat politique, c’est le moins que l’on puisse dire… 

Pour compléter le tableau, la délégation pour la décentralisation à l’Assemblée nationale est présidée par David Valence, maire de Saint-Dié et Vice-président du Grand Est. 

En Alsace, mis à part des gesticulations alsaco-alsaciennes, plus personne ne travaille sur les six propositions de loi déposées par nos parlementaires qui d’ailleurs sont très nettement incomplètes et insuffisantes en termes de contenu comme vu plus haut. 

La cerise sur le gâteau : il se dit que les Dernières Nouvelles d’Alsace, sur consigne du président du Crédit Mutuel auquel elles appartiennent semblent de plus en plus prendre fait et cause pour le Grand Est au détriment de l’Alsace… 

 Objectivement, quand on réalise la difficulté du projet et le contexte national et régional dans lequel il va falloir se bouger, on peut dire que c’est l’Everest au pied duquel nous sommes ! 

Les Alsaciens ne sont ni les Corses ni les Bretons, ils ne font pas péter des bombes, n’assassinent pas un préfet de la république et ne mettent pas le feu à des bâtiments publics. C’est ainsi. Alors que faire ? 

Faire parler les urnes ! 

Il nous reste cependant encore nos bulletins de vote. 

Le député haut-rhinois Hubert Ott (Modem) rejoint le sénateur Reichardt quand il déclare : « cela se décidera sur des considérations exclusivement politiques ». 

Le 9 juin prochain, nous élirons nos députés au Parlement Européen. Comme d’habitude nous ne parlerons que très peu de l’Union Européenne et cela se résumera à des débats sur un terrain franco-français.  

Tant qu’à faire, soyons au cœur du sujet avec l’Alsace et Strasbourg ! 

Il faut défendre fortement le statut de Strasbourg comme capitale européenne. Son statut s’est considérablement affaibli depuis la création du Grand Est.  

En effet, Strasbourg, si elle accueille le siège du Parlement européen, du Conseil de l’Europe avec sa Cour européenne des droits de l’homme, du Médiateur de l’Union européenne (en l’occurrence une médiatrice en la personne d’Emily O’Reilly), de la Commission centrale de la navigation sur le Rhin,  a vu depuis 2015, la perte de dizaines de centres de décisions (enseignement, santé, sécurité, ordres professionnels, organismes économiques).  

Ces délocalisations se sont faites principalement vers Nancy ou Metz, faisant de Strasbourg un simple chef- lieu administratif du Grand Est dont les populations ne lui reconnaissent pas le caractère de capitale.  

Le plus grave, c’est que tous ces départs qui concernent le rectorat, l’ARS etc…, se sont fait sous le regard des 90 représentants de pays étrangers établis à Strasbourg (46 représentations auprès du Conseil de l’Europe, 15 consulats généraux et 29 consulats), entraînant quasi simultanément, à l’époque, la perte du soutien d’Angela Merkel pour le maintien à Strasbourg du siège du Parlement européen… 

Il faut par conséquent utiliser l’opportunité de ces élections européennes pour revendiquer le retour de l’Alsace comme acteur dans l’Europe des Régions, ce qu’elle était avant 2015.  

Que ce soit dans le cadre de la coopération transfrontalière, ou dans nos relations avec nos partenaires européens, seul le retour de nos compétences régionales sera en mesure de nous permettre d’utiliser avec profit tous nos atouts en recréant la dynamique que nous avons perdue. J’ajoute que seule la récupération de nos compétences régionales permettra à Strasbourg de voir le retour de toutes ces structures qui se sont délocalisées, y compris des administrations d’État qui sont dédiées à une Région. 

La volonté des Alsaciens pour un retour à une Alsace pleine et entière est très forte comme le montrent tous les sondages et autres consultations depuis des années et il faut oser affirmer que le risque d’un vote des Alsaciens allant cette fois ci vers le parti qui affiche clairement la couleur en la matière existe !   

Le Rassemblement National est le seul parti qui aujourd’hui prône clairement et ouvertement le retour des compétences régionales pour l’Alsace.  

Même si ce parti était opposé frontalement au Conseil d’Alsace lors du référendum du 7 avril 2013 et fût par conséquent un acteur majeur du désastre qui s’ensuivit, chacun sait qu’en politique, les électeurs ont la mémoire courte.  

Ce parti est très loin de réaliser des scores anecdotiques en Alsace et un basculement des Alsaciens aux élections européennes, aurait de fortes chances d’entraîner celui du Grand Est, compte tenu des équilibres démographiques qui se reflètent dans la composition des listes, lors du prochain scrutin régional. Quand les digues sont rompues, il est trop tard… 

C’est donc sur le terrain politique que ce combat doit être mené et les partis en présence doivent prendre clairement position pour l’Alsace telle que la veulent les Alsaciens au risque de les voir céder aux sirènes de ceux qui habilement se parent d’une vertu et d’une respectabilité qu’ils n’ont pas. 

Arrêtons de nous complaire dans des postures et des jérémiades alsaco-alsaciennes car l’Alsace ne reviendra pas toute seule. Il faut du courage, de la persévérance, beaucoup de conviction et de volonté pour mener ce combat. 

Nous n’avons pas à nous excuser d’être des Alsaciens, nous devons le revendiquer haut et fort et pour cela il faut des leaders, une task force, une tactique au service d’une stratégie, des hommes et des femmes qui se mouillent et agissent en conséquence.  

Croyez-vous qu’un Henri Goetschy ou un Adrien Zeller auraient laissé l’Alsace se faire marcher sur les pieds ? Le temps des arguments objectifs contre le Grand Est, dont Paris n’a que faire, est révolu car c’est inopérant. On ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif !  

Il nous reste les urnes, et foutu pour foutu, je fais le pari que beaucoup d’Alsaciens, s’ils sont déçus, iront le 9 juin prochain déposer un bulletin en faveur de ceux  «qu’on n’a pas encore essayés… ».  

 Michel Naudo 

(Auteur de l’ouvrage « L’Alsace malgré elle » paru en 2021 aux Éditions de la Nuée Bleue.)

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