L’eau, ça mouille

Pour celles et ceux qui ne seraient pas au courant ou, pire, qui ne l’auraient pas remarqué : la France est ou a été submergée par une vague de froid. 

-5 degrés début janvier, en Alsace, pendant trois jours, c’est une vague de froid. La presse fait appel aux plus grands spécialistes du froid, jusqu’aux « Himalayistes » !  pour expliquer au pékin moyen et démuni « comment » se protéger face aux grands froids » (Le Figaro).

A Montréal et Toronto on est mort de rire. C’est à se demander quel est le sens, s’il y en a un, à tout ce tapage qui confine à l’infantilisme. Cet acharnement dans l’excès devient grotesque.

C’est un matraquage institutionnel qui conduit à se demander s’il n’y aurait pas un sens caché derrière tout ce tapage médiatique : au moindre coup de chaud ou de coup de froid on sort les cornes de brume, on crie au loup au premier bêlement de brebis.

D’ailleurs, la sémantique a subtilement changé. On ne nous dit plus « il fait chaud » ou « il fait froid », mais « vous avez froid », « vous » ne savez plus comment vous habiller, « quels sont les risques pour la santé », « saurez-vous éviter que mémé meure de froid avant le printemps? ». La question n’est plus d’informer sur le temps qu’il fera, mais d’anticiper pour mieux influencer nos réactions potentielles. Il s’agit de rendre extraordinaire le plus ordinaire des événements.

On finira par se demander si la présence de l’espèce humaine sur la Terre ne relève pas d’un miracle permanent, puisqu’à en croire la presse, elle n’est confrontée qu’à des cataclysmes plus dévastateurs les uns que les autres…surtout dans les trente dernières années. Chaque jour désormais, l’Etat nourrice nous rappelle que le froid tue, le soleil tue, l’eau mouille et le feu brûle.

Jusqu’ici, nous aurait-on menti ? Au premier chef nos propres parents et grands parents lorsqu’ils évoquent l’hiver 1956 avec ses – 14° à Paris, – 11° à Marseille, – 20 en Alsace. Là où il y avait des étangs ou des canaux, on patinait et on creusait la glace pour attraper des poissons semi-anesthésiés par l’eau glacée. On s’habillait en conséquence, on se cassait la figure, on se relevait sans faire de procès à qui que ce fût. On avait un rhume, une grippe, certains mouraient. Et alors? On affrontait la vie et on était heureux. On était heureux parce que la vie s’offrait à nous, avec ses dangers.

En réalité, ce qui est de plus en plus perceptible, c’est cette petite musique de fond, lancinante, qui accompagne notre quotidien, cette berceuse dont la mélodie nous endort chaque jour un peu plus, avec ses recommandations lénifiantes « pour notre bien », dont le volume augmente progressivement et de plus en plus rapidement pour finir en matraquage aliénant. Le principe de précaution, qui est désormais inscrit dans la Constitution, n’a jamais eu pour but d’institutionnaliser la protection du citoyen, car son but ultime est la soumission « volontaire », à l’instar de la « servitude volontaire » de La Boétie, celle qui nous poussera à croire que la liberté est le premier des dangers.

Le système fait mine de se plaindre d’un peuple et d’une jeunesse assistés, alors qu’il fait tout pour qu’ils le soient. A l’exagération des faux dangers s’ajoutent les conseils et recommandations quotidiens qui ne sont que les faux-nez de la volonté d’abrutir les masses, autant d’injonctions dont on nous fait comprendre que leur non-respect ferait de nous des citoyens de second rang. On s’étonnera après que l’idéologie de la soumission prospère sur le terreau d’une société qui fait de la précaution la clé de voûte de son avenir et dont la jeunesse biberonnée à la consommation de masse ne s’est jamais cognée que contre la ouate.

A force d’être grotesques, les messages d’alerte finiront par être inaudibles; c’est là, peut-être, notre salut.

Klaus Schwab ne dit-il pas : à l’avenir, « vous ne possèderez rien et vous serez heureux ». Il omet de préciser que vous n’aurez plus la liberté non plus.

O.T.

Partager cet article :

Facebook
Twitter
LinkedIn