Nous les croyions Français. Ne serait-ce qu’à ce seul titre déjà, certains otages auraient mérité une publicité digne de leur sort, digne du pays dont ils sont pourtant des citoyens amoureux de leur France et de leur République. I
lls auraient mérité que leur nom soit cité en ouverture de chaque journal de 20h, comme ce fut le cas à une autre époque, que leurs visages soient montrés, que leurs jours de captivité soient clairement inscrits au bas de leur portrait, selon l’usage de la France pour tous ceux qui ont été des otages français.
Mais il n’en est rien. Aux yeux du monde, qui pleurent pour certains et rient pour d’autres, ils ne sont que des Juifs avant tout, et leur condition d’otages ne les sauve pas de la détestation obsessionnelle qui les accable. En s’attardant sur leur judéité, le curseur de notre inconscient collectif relègue au second plan outre leur nationalité, leur humanité.
Parce qu’ils sont juifs, ils ne bénéficient ni de la même attention, ni de la même empathie, ni surtout de la même détermination à les libérer, et dans les esprits des politiques, ils n’occupent qu’une place de second, voire de troisième choix.
Autant l’annonce de leur enlèvement avait suscité sidération et sympathie, autant celle de leur mort ne cause qu’une peine relative, contenue, tout au plus quelques réactions protocolaires d’usage puant l’hypocrisie. Parce qu’ils sont juifs, ils ne sont qu’une anecdote, moins qu’un fait divers, et parce qu’ils sont en plus israéliens, l’indifférence cède peu à peu le pas à une haine qui ne différencie pas les premiers des seconds et finit par se banaliser dans la pensée ambiante et dans les agressions jusqu’au cœur de nos villes.
Il y a longtemps que le sujet de l’antisémitisme moderne n’incite plus à se faire d’illusion, et d’ailleurs, ses manifestations ont cessé de n’être que des événements de seconde importance. Qu’elle soit peinte en blanc sur les vitrines brisées des commerces, au pochoir sur les murs dans nos rues, l’étoile à six branches raconte une même histoire. Cousue en jaune sur la poitrine en 1940 ou au milieu du drapeau bleu et blanc d’aujourd’hui, elle inspire les mêmes passions, les mêmes instincts et hélas avec eux, hier comme aujourd’hui, un négationnisme devenu le signe d’un monde renouant avec ses démons. L’une était le symbole d’une tragédie inédite dans l’histoire de l’humanité, l’autre est celui d’un espoir par-delà les épreuves endurées, les attaques de barbares, les résolutions de l’ONU, les avertissements du pape, les prédications de mort des Mollahs, les promesses de destruction, la parole virulente de millions de voisins fanatisés, sans parler, plus proches de nous, des drames quotidiens qui font une fois de plus des Juifs les cibles privilégiées, éternelles, expiatoires, de la folie universelle. Cette réminiscence marque la fin d’une époque, et le début de temps plus sombres.
Fernando Cortes