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Portraits in Jazz : JABBO SMITH et JIMMY HARRISON

Voilà deux musiciens inconnus du grand public et même oubliés des amateurs. Ils furent pourtant de grands novateurs dans les années 20 souvent mésestimés dans l’histoire du jazz.

Jabbo Smith 

Il est né en Georgie en décembre 1908. Turbulent, sa mère le met à l’âge de six ans dans le fameux orphelinat Jenkins de Charleston par lequel sont passés de nombreux jazzmen. On lui enseigne la trompette, le trombone à pistons et l’harmonie. Renvoyé à plusieurs reprises pour ses fugues répétées, il part pour Philadelphie. A 17 ans, Jabbo Smith possède déjà un sérieux bagage musical. Il est sûr de lui, persuadé d’être une star de la trompette. Il joue à droite et à gauche et sa réputation est telle que Charlie Johnson l’engage en 1925. 

Dans l’orchestre d’Atlantic City, rival de Duke Ellington, Jabbo Smith côtoie les grands noms du jazz : Thomas Morris, Sidney de Paris, Charlie Irvis, Benny Carter, Ben Whittet, Benny Waters. Durant son séjour il enregistre avec l’orchestre et également comme musicien de studio avec Thomas Morris, la chanteuse Eva Taylor, Les Louisiana Sugar Babies avec James P. Johnson et Fats Waller, et Duke Ellington où il remplace au pied levé le grand Bubber Miley. 

Jabbo Smith quitte Charlie Johnson en 1928 et entre chez Ikey Robinson. Les disques Okeh de Louis Armstrong se vendent comme des petits pains. Brunswick, compagnie concurrente, cherche quelqu’un qui puisse rivaliser avec Louis Armstrong et Jabbo enregistre quelques faces semblables à celles du Hot Five de Louis. En 1929 vingt titres de sa composition sont gravés en petite formation. Le public et la critique ne voient en lui qu’un imitateur et les disques, publiés en pleine crise économique, ne se vendent pas. 

Jabbo Smith est bien meilleur technicien que Louis Armstrong, mais la modernité de son phrasé déroute les amateurs au goût conservateur. Son jeu de trompette flamboyant comme un véritable feu d’artifice cache une profonde connaissance de l’harmonie. Il utilise des intervalles comme la sixte, la neuvième et l’octave dans un style diatonique ; ce qu’aucun de ses contemporains n’employait à l’époque. Cette série de disques nuira à sa carrière car il sera considéré comme un épigone.

Musicien pour musicien, Jabbo Smith fut reconnu par ses pairs. Pour le grand contrebassiste Milt Hinton : «…Il était aussi bon que Louis, c’était le Dizzy Gillespie de l’époque… ». 

Les faces de Jabbo Smith et ses Rhythm Aces ont été souvent rééditées : en LP MCA (US) 1347, MCA (F) 510139 ou CD (F) Classics 669, EPM (F) 158112. Pour plus d’informations biographiques voir mes liner notes des pochettes MCA.

Jimmy Harrison 

Il est né en octobre 1900 à Louisville. Il travaille à Detroit dans le restaurant familial et devient semi-professionnel de baseball. Il est également un boute-en-train et se produit en ville en tant que comédien, clown, chanteur et tromboniste. Son père lui demande de quitter son emploi car sa boulimie hors du commun met en péril la situation financière du restaurant. Il choisit d’être musicien et intègre à partir de 1919 de nombreux orchestres : Charlie Johnson, Sam Wooding, Hank Duncan, Roland Smith, James Johnson, Fess Williams, Viola McCoy, June Clark dont le pianiste est un certain William Basie pas encore « Count », Elmer Snowden dont Duke Ellington prendra la direction. 

Jimmy Harrison et son ami Benny Carter entrent dans l’orchestre de Fletcher Henderson fin 1926. Il partagera ses activités en 1929 entre cet orchestre et celui de Charlie Johnson. En 1931 Fletcher Henderson fait un échange de musiciens avec Chick Webb et Jimmy Harrison devient membre de la formation de ce dernier. Peu après Jimmy Harrison meurt d’un cancer de l’estomac. Il avait trente ans.

Jimmy Harrison est le premier à donner ses lettres de noblesse au trombone, qui, à son époque, était relégué au second plan. On peut constater le chemin parcouru en si peu de temps en comparant son premier solo au dernier. Il a épuré le style tailgate (en glissando) des premiers trombonistes New Orléans et fut un novateur, un progressiste en phrasant dans le style des trompettistes.  La construction et l’articulation de ses solos sont exemplaires et son discours toujours inspiré. 

Jimmy Harrison n’a enregistré aucun disque sous son nom. On peut apprécier ses solos dans les titres suivants : Santa Claus Blues (Blue Rhythm Orchestra, 1925), les deux titres pour Columbia du Gulf Coast Seven 1925, Tampeekoe et Deep Henderson (Charlie Skeete, 1926), Would ya? (Clarence Williams 1926) – The Boy And The Boat – et Walk That thing (Charlie Johnson, 1928) – magnifiques solos d’ Harrison dans les disques de Fletcher Henderson dont: Fidgety Feet – SensationSt Louis Shuffle –   Variety Stomp – Goose Pimples (1927)– King Porter Stomp (1928), Cloudy SkiesBugle Call Rag (Les Chocolate dandies 1931), Heebies Jeebies (Chick Webb, 1931).

Les passionnés de l’histoire du jazz trouveront de plus amples détails sur Jimmy Harrison dans mon article sur ce musicien, publié en 2022 dans les numéros 700-701 et 702 du Bulletin du Hot Club de France.

Cole Porter

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