Naufrage, Ô désespoir !

Les dernières violences ont illustré de façon définitive le délabrement intégral de la société française, la désagrégation de son peuple et les désillusions de sa jeunesse.

Les propos tenus par le Président de la République après les dernières émeutes éclairent davantage encore le désastre. « Nous devons d’abord qualifier les évènements avant d’en tirer des conclusions« , explique-t-il en promettant de débuter « un travail minutieux pour comprendre en profondeur ce qui a pu conduire à la crise actuelle« . (Europe 1, 3 juillet 2023).

Donc, pour résumer, les crânes-d’oeufs-premiers-de-cordée qui nous gouvernent n’ont toujours pas les éléments pour qualifier » les actes de barbarie commis régulièrement depuis des années et en ignorent toujours les causes. C’est bien la peine de faire l’ENA ou Polytechnique s’il faut réunir une commission pour comprendre comment on fait de l’eau tiède!

Tout le monde connaît la cause, sauf les gouvernants. Tout le monde sait ce qui va arriver, sauf les gouvernants. Tout le monde veut agir, sauf les gouvernants.

Les affrontements qui ont lieu dans notre pays ressemblent de plus en plus à ceux d’une guerre civile, mais encore faut-il nommer les choses. « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde » a (presque) dit Camus*.

C’est à se demander s’ils ne cherchent pas à gagner du temps parce que les conditions du chaos total ne sont pas encore réunies. On ne réclame pas encore assez de vidéo surveillance…

Foncièrement, peut-on en vouloir aux « jeunes » pris dans l’engrenage, si facile, de la violence?

Ils naissent et vivent dans un pays dont le président lui-même dit qu’il n’y a pas de culture française ; alors autant qu’ils gardent la leur. Un pays dont le président affirme qu’il n’y a pas une Histoire nationale ; alors à laquelle se raccrocher à part celle de leurs parents, forcément enjolivée ou enlaidie selon que ceux-ci se sentent – plus ou moins sincèrement – victimes d’une colonisation qu’ils n’ont pas connue ? 

Pourquoi aimeraient-ils un pays que leurs propres parents détestent ? Comment pourraient-ils respecter les règles de la vie en commun si on ne leur apprend pas le vocabulaire pour les comprendre? Pourquoi feraient-ils corps avec une société dont les règles, notamment sanitaires, s’appliquent différemment dans leur quartier ? Pourquoi retiendraient-ils leurs coups quand ils savent que la sanction ne tombera pas ?

Comme le dit Georges Bensoussan, « Un antiracisme dévoyé nous a empêchés pendant des années de nommer la réalité. » S’en tenir à cela serait pourtant réducteur, tant les fautes d’inattention, les excès de prudence et les ambitions lâches des politiques qui se sont succédé depuis les années soixante ont creusé la fosse dans laquelle nous sommes en train de tomber.

L’opportunisme électoral sans scrupules de la gauche s’est confondu avec l’obsession morbide de la droite de lui ressembler, persuadée que son salut passait par l’imitation du gauchisme pour faire « moderne ».

Même s’ils sont sincères – ce qui n’est pas certain – et même si leur intention d’affronter ces problèmes est effective, il est probablement trop tard, pour les gouvernants, pour parvenir à un règlement pacifique de la crise actuelle.

 Il est à craindre que le citoyen, désabusé et lassé d’attendre, décide de régler le problème lui-même, comme il l’a déjà fait dans le passé. L’Histoire, bègue de nature, est bien partie pour se répéter.

*Ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie ! 

N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?

O.T.     

* Les propos exacts de Camus sont : « Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde »,  extraits d’un texte intitulé « sur une philosophie de l’expression », paru dans la revue Poésie 44.
*(Le Cid, Corneille)

Partager cet article :

Facebook
Twitter
LinkedIn