Yelena

Chapitre V

Rose

La tradition voulait que les hommes demandent la main d’une jeune fille à ses parents avant de se fiancer. Le jeune homme  devait avoir une attitude courtoise, souligner ses propres qualités, ses aspirations ainsi que sa position sociale et financière.  

Il devaient encore expliquer sa relation avec la jeune fille, son désir de demander sa main en mariage, ses intentions envers elle, ainsi que la promesse du respect des valeurs et des traditions de la jeune fille.  Les questions que les parents posaient variaient selon les circonstances et les préoccupations de la famille. Cependant, il y avait des questions courantes, qui constituaient la partie incontournable du questionnaire de l’époque; elles portaient sur le travail, le salaire et le patrimoine du prétendant.

Dans la famille de Rose, l’identité, la position sociale, l’éducation et une bonne culture générale étaient essentielles. L’entrevue ne durait pas longtemps. Au bout d’une heure, le père donnait congé au jeune homme en refusant ou en acceptant que celui-ci fréquente sa fille jusqu’au mariage. 

Mais Rose ne l’entendait pas ainsi. Les quelques renseignements fournis par les voisins amis du jeune homme n’étant pas complets, elle demanda à ses parents de s’informer avec soin sur la famille de Berthold. L’enquête parentale fut concluante, et Rose suggéra alors l’idée du Tea time. Elle pensait que cette réception lui permettrait de mieux faire connaissance avec Berthold dont les yeux verts l’avaient tant troublée..   

Elle avait organisé la scène avec l’aide de sa mère. Symine avait pour mission de les installer dans un coin tranquille de la salle de réception pour qu’elle puisse mieux le découvrir. Rose avait convenu avec son père qu’à l’issue de l’Afternoon Tea, elle lui chuchoterait en catimini, la réponse qu’il donnerait à Berthold.

A 16 ans, Rose était une jeune fille remarquable, réfléchie et savait ce qu’elle voulait. Elle avait un caractère plutôt trempé, elle était déterminée, autonome indépendante, et capable de faire face à des situations délicates sans jamais être déstabilisée. Elle avait appris à éviter les fioritures pour passer à l’essentiel en prenant des décisions en fonction de son propre jugement, plutôt que de se conformer aux opinions des uns et des autres membres de la famille ou des amis, qui se mêlaient de tout.

Ce sont tous ces traits de sa personnalité qu’elle voulait dévoiler à Berthold. Pour Rose, être attachée aux traditions ne signifiait pas qu’elle subirait le joug d’un homme comme c’était trop souvent le cas des femmes de l’époque. Elle ne voulait pas dépendre de son époux. Elle exigerait une liberté financière, des réponses sur la manière d’éduquer les enfants, de gérer les conflits et les difficultés dans les relations conjugales et sur la manière de construire une relation stable et durable.

Elle avait des idées bien arrêtées sur de nombreux sujets, elle souhaitait que ses filles fassent des études au même titre que ses fils, et qu’elles voyagent pour découvrir le monde. Elle voulait se charger exclusivement de l’éducation de ses filles dont elle voulait faire des femmes libres et non pas des torcheuses d’enfants, des bonnes à tout faire, ou des esclaves sexuelles prêtes à servir à tout moment.  Chaque semaine, elle entendait ses tantes raconter, autour d’un thé et d’un gâteau au haschich fait maison, les plaintes des femmes de l’époque dont l’à peu près certitude, se limitait à une protection financière d’un époux qui se comportait le plus souvent avec la sévérité d’un général d’armée. 

Rose était éduquée, délicate, raffinée et pleine de grâce. Elle avait un don pour le dessin et pour le chant, et un faible pour Victor Hugo. Elle savait tout faire, et tout ce que Rose faisait était parfait. Sa mère l’avait inscrite à un cours de broderie où elle excellait, en pensant qu’après le certificat d’études elle ouvrirait son atelier et travaillerait pour les plus grandes maisons de couture, mais elle n’avait pas prévu l’irruption inattendue du beau Berthold.

Rose avait un grand frère, Albert, et deux sœurs. Elle était la seconde de la fratrie. Ses sœurs étaient  à peine moins âgées qu’elle. Déjà, Fanny et Alice se faisaient une joie d’être les chaperons des futurs fiancés. Albert, se mêlait très peu des affaires de ses sœurs, pourtant il était de ceux qui avaient poussé Rose à poursuivre une relation sérieuse avec Berthold.  

La réception de l’afternoon tea serait déterminante. Rose était suffisamment sensible et intuitive pour savoir si son coup de cœur pour ce jeune homme durerait toute une vie. 

Slil

Partager cet article :

Facebook
Twitter
LinkedIn