Chapitre XXXIV
Les âmes sœurs
Rose était pragmatique, elle avait tendance à appréhender la vie de façon concrète. Malgré son jeune âge, elle avait appris à faire face aux difficultés engendrées par la guerre. Chaque situation nouvelle et délicate l’obligeait à trouver une solution rapide et efficace. Cette école de la vie l’avait aidée à développer une compétence pragmatique qui lui permettait de s’adapter très rapidement aux contraintes de la réalité. Face aux obstacles elle se souciait de toujours mener à bien son action. Lorsqu’elle cherchait des solutions elle demandait le silence autour d’elle et faisait toujours le même geste en tournant son index près de sa tempe pour se concentrer. Rose avait toujours une solution magique.
Berthold était un romantique. Il mettait l’accent sur l’expression des sentiments profonds, il avait le don de valoriser la beauté dans toutes ses formes, que ce soit dans la nature, l’art, la musique ou dans la personne aimée. Il voyait la beauté comme une source d’inspiration et d’émerveillement. Une feuille, une brindille, une coccinelle, la nature était pour lui un lieu propice à l’introspection.
Au cœur de la nature Berthold sortait de sa réserve, il explorait et exprimait ouvertement ses émotions, même les plus intimes et les plus vulnérables. Il passait des heures à contempler la mer ou un coucher du soleil, à observer les astres avec ses jumelles astronomiques sophistiquées, se laisser aller en traduisant son enchantement, son étonnement et son extase. Il y avait entre cet homme et la nature une connexion étrange profonde qu’il garda jusqu’à la fin de sa vie.
Il avait une inclination pour la littérature amoureuse et la poésie qui tenaient une place capitale dans sa vie. Il vouait une importance particulière aux déclarations d’amour passionnées, aux cadeaux, aux surprises romantiques. Il écrivait sur son papier bleu, des lettres et des mots d’amour à Rose qu’il désignait comme son âme sœur destinée à être auprès de lui contre vents et marées et lui disait la chance qu’il avait de l’avoir rencontrée.
Berthold cherchait à atteindre le sublime, il privilégiait l’esthétique, l’émotion qui dépasse les limites de l’expérience quotidienne. Par sa seule présence les moments les plus simples se transformaient soudain en des moments de grandeur de transcendance et de beauté. Dès le début de leur relation, il partageait avec Rose une connexion émotionnelle mentale et spirituelle naturelle. Ils se comprenaient sans même avoir à parler. Ils partageaient les mêmes valeurs, les mêmes intérêts, les mêmes objectifs de vie, ils étaient en harmonie totale.
Berthold attendait toujours la réponse à ses propositions d’achat des locaux commerciaux. Le courtier immobilier lui assura qu’il lui donnerait une réponse ferme et définitive dans quelques jours, la famille des vendeurs, des colons qui vivaient comme des nababs dans les bleds autour de Casablanca, possédaient des propriétés agricoles et devaient se réunir pour en parler et pour être présents au moment de la signature le cas échéant. Le courtier confiait à Berthold qu’il avait bon espoir. La guerre avait affaibli économiquement beaucoup de colons. Les vendeurs potentiels trouveraient dans cette transaction l’opportunité de se reconstruire.
Selon la réponse du courtier, Berthold parlerait à Rose. Il avait l’intention de lui demander d’avancer la date du mariage. Il envisageait de lui proposer une date dans les six prochains mois au plus tard.
Slil
