Yelena

Chapitre XXXI

Arrivée à Casablanca

Alourdies par leurs ourlets et leurs soutiens qui regorgeaient de billets de banque, les voyageuses restaient assises, silencieuses, harassées par l’excitation de ces derniers jours. Ce voyage leur permettrait de découvrir cette terre de splendeur, perle de l’Océan Atlantique qu’elles allaient traverser. 

Les 8 voyageurs avaient emporté avec eux des jeux de société pour se divertir et rendre le voyage moins long. Fanny avait son jeu de l’oie, Moshé et Abdel un backgammon, il y avait aussi un jeu de cartes pour jouer à la Ronda et un jeu de rôle pour la gracieuse Alice qui comptait bien animer le voyage. Rose, dans son coin, avait déjà les misérables de Victor Hugo entre les mains. Zineb était préoccupée par l’organisation des victuailles qu’elle ne cessait de ranger en attendant avec impatience l’heure du repas. 

Assoupis, ils admiraient les panoramas magnifiques de la route côtière entre Safi et Casablanca. Ils traversaient des paysages très différents les uns des autres, des plaines fertiles parsemées d’oliviers et d’arganiers, des villages berbères traditionnels avec leurs maisons en pisé et leurs marchés animés. Des troupeaux de chèvres et de moutons paissaient paisiblement dans les champs verdoyants. Ils évoquaient l’image pastorale typique de la région. La route était bordée de plages tranquilles, de villages de pêcheurs pittoresques et de paysages côtiers préservés.

Plus ils se rapprochaient de Casablanca, plus les paysages se transformaient en une combinaison de plages urbaines, de ports commerciaux et de zones résidentielles modernes. Chacun d’entre eux interpellait les autres pour les inviter à admirer une splendeur des bords de l’Océan. « Regardez ! regardez comme c’est beau ». 

Zineb, Alice et Fanny confortablement installées sur des couvertures à même le sol du car dormaient paisiblement. Mazal et Symine jouaient aux cartes, elles s’exclamaient « ronda » ! lorsque l’une ou l’autre avait gagné. Elles étaient drôles et s’envoyaient des piques empreintes d’un humour mogadorien  qui provoquaient un doux sourire chez les 3 dormeuses. Abdel était enfin silencieux et calme et Moshé rêvait de sa future vie à Casablanca. 

Au cours de ce long voyage, il y eut quelques frayeurs lorsque les routes se faisaient désertiques. A ces instants, le chauffeur priait les dames de se cacher pour qu’on ne les voit pas à travers les vitres du car.  Il n’était pas nécessaire de provoquer la malveillance et les mauvaises intentions des curieux qui s’agglutinaient autour du car lorsqu’il devait ralentir pour contourner une rue étroite, ou pour aborder une montée périlleuse entre falaises et vides marins. 

Au moment du repas, l’estomac de Zineb sonna l’hallali à l’assaut de la mise à mort des victuailles dont la quantité aurait pu nourrir une caserne. Le chauffeur les avait conduits dans une petite crique à l’abri des regards. Zineb, Abdel et Moshé, posaient les plats sur les nombreux rochers autour de la crique en improvisant des buffets. Alice jouait des rôles muets qu’il fallait deviner, Fanny la squelettique, grignotait pour tout repas un biscuit, les garçons se battaient et plongeaient habillés dans les vagues avant de dévorer le contenu des plats et Rose riait et chantait divinement des airs de Joséphine Baker et de Rina Ketty.   

Le chauffeur convié à partager leurs agapes les  pria de se presser, il craignait que les rires les chants et la nourriture n’attirent les badauds. Il voulait quitter au plus vite cette région désertique et atteindre Casablanca rapidement. 

A Safi ils s’arrêtèrent encore pour une pause au centre ville, puis, repus, ils regagnèrent le car pour une sieste collective jusqu’ à Casablanca.  

A Casablanca nos mogadoriens observaient dédaigneusement la scène urbaine et dynamique de cette grande ville aux larges avenues bordées de palmiers, les quartiers modernes et les quartiers historiques dont les contrastes étaient fascinants.  Ils remuaient dans tous les sens pour voir derrière les vitres le front de mer animé avec ses restaurants, ses cafés et promenades qui les interpellaient.

Ils arrivèrent aux Roches noires au coucher du soleil, lorsque la lumière dorée baignait Casablanca, illuminant ses façades blanches dans l’atmosphère magique et romantique  que les casablancais affectionnent pour l’éternité.

Chez elle, Mazal reprit les rênes et demanda au personnel d’organiser les chambres selon les plans qu’elle leur avait préparés avant de partir. Le repas du soir était prêt. Mais un fruit suffisait aux voyageurs épuisés qui ne songeaient qu’à dormir jusqu’au lendemain matin. 

Slil

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