Chapitre XXVI
Lily ou zantedeschia
Les arums blancs, les arum Lily ou zantedeschia , sont des fleurs élancées, d’un blanc pur, presque immaculé, portées par une tige ferme et droite. Elles évoquent la grâce, la pudeur, un romantisme presque religieux. Les cannas, au contraire, sont exubérants, tropicaux, flamboyants. Leurs larges feuilles et leurs fleurs rouge feu, orange ou jaune jaillissent avec une vigueur charnelle, solaire. Là où l’arum est silence, le canna est éclat. L’un est verticalité calme, l’autre explosion de couleurs.
Un amoureux qui aime les arums blancs et les cannas est un homme à la fois sensible et sensuel. Mais Berthold marquait une attirance plus spontanée pour les arums blanc qu’il offrait inlassablement à Rose. Dans le Riad de Joseph, il avait planté à l’abri des murs ocre, un parterre d’arums blancs qui formaient une nappe de lumière dans l’ombre tiède de la cour. Les fleurs, émergeaient d’un lit de feuillage vert sombre.
À l’aube, une brume légère s’y déposait, et les arums semblaient alors respirer lentement, comme si le jardin lui-même s’éveillait. Le blanc des corolles tranchait sur la terre rouge et les mosaïques bleues et l’atmosphère devenait presque mystique à certains moments de la journée. Pour Berthold chaque fleur était une pensée, un souvenir, un geste ancien. C’était son jardin de mémoire.
Berthold incarnait en silence, la pureté et le romantisme.
C’était un homme volontaire, décidé, vertical, constant mais aussi un rêveur visionnaire.
Il y a des hommes qui aiment les roses d’autres qui préfèrent les orchidées, Berthold, aimait les arums blancs. Ce n’était pas un goût de fleuriste, mais un langage intérieur.
Comme Berthold l’arum blanc n’est pas une fleur bavarde. Elle ne séduit pas par son parfum et ne s’habille pas de fioriture. Elle est droite, orgueilleuse et sévère, et offre simplement la pureté qu’incarnait Berthold.
Les cannas, qu’il aimait aussi, racontaient l’autre Berthold. Un homme solaire, comme le feu rouge des pétales, l’éclat tropical, la vigueur des tiges. Tout cela trahissait en lui une sensualité contenue. Il ne montrait pas son désir : il l’enfouissait dans le bouillonnement de de son jardin intérieur. Il aimait en retenue, mais il aimait profondément.
L’arum blanc est la fleur des grands silences habités.
C’est la fleur qu’on pose dans les lieux sacrés, sur les tombes, dans les mains des mariées. Elle parle d’élévation, de pureté, d’amour.
Dans certaines cultures, elle symbolise la renaissance car elle pousse souvent là où la terre est pauvre, et pourtant elle s’élève, fière de sa blancheur intacte.
Pourquoi les humains sont-ils spontanément attirés par ce qui leur ressemble ?
Pourquoi cet élan vers ce qui résonne en eux, vers ce qui les reflète, parfois même sans qu’ils s’en rendent compte ?
Certaines personnes, comme Berthold, ont une vie intérieure structurée par la discrétion, la droiture, la pureté, la retenue.
Berthold est attiré par l’arum blanc non par goût, mais par affinité symbolique, spontanée.
Il ne voyait pas l’arum pour ce qu’il est, botaniquement, décoratif, biologique. Il le voyait pour ce qu’il représentait une verticalité sans arrogance, une blancheur sans naïveté, une élégance sans démonstration.
Et c’est tout cela qu’il avait retrouvé en Rose.
Slil