Chapitre XXV

 LES ARUMS BLANCS

 

 

Pendant l’opération Torch, Rose se replongeait dans les lettres de Berthold, écrites sur un délicat papier bleu céladon. Chaque lettre portait des mots empreints de passion. Elle les avait conservées comme des trésors. Ce papier devenu le symbole de leur histoire d’amour, devint plus tard le papier à en-tête de leur entreprise.

En fin de matinée, Rose reçu, un bouquet d’arums les fleurs préférées de Berthold. Dans l’enveloppe, glissée au milieu des tiges délicates, il y avait un message : « Je suis à Mogador. » Rose fit sa moue mogadorienne, leva les yeux au ciel, et maugréa « Il aurait pu la prévenir avant ! »

Elle choisit sa robe jaune, à plis plats et des chaussures blanches, pour être en harmonie avec les arums.

Symine, l’observait avec bienveillance perdue dans ses propres souvenirs.

« Mon mariage n’était ni un mariage d’amour, ni un mariage arrangé, ni une rencontre, il n’y avait ni regards furtifs, ni coup de foudre. Ce n’était qu’une série de jours où Moïse me regardait dans le parc. Je lui plaisais. Les parents de Moise avec organisé notre union. Comme le temps file… Je suis encore si jeune et déjà ma fille aînée marie… Et moi, je resterai là, à regarder ma vie passer. »

Soudain, l’excitation d’Abdel rompit le fil de ses pensées :

« Rose ! Rose ! Berthold est ici ! ».

Symine, agacée cria, « Calm dawn Abdel ! » 

Berthold, montait les escaliers à vive allure, il la serra fougueusement dans ses bras. Elle éclata de rire, heureuse de le revoir.

De son côté, Symine s’attelait à son rôle de mère envahissante. Elle énuméra à Berthold le contenu des bocaux de verre gigantesques : des briouates, des cornes de gazelle, des ghribas… 

Mille « Non merci. », ne suffisaient pas à freiner son insistance. Elle remplissait les assiettes comme si sa vie en dépendait.

 » L’amour des mères juives se mesure aussi à la quantité de nourriture qu’elles vous font absorber »  pensait Rose  pendant que Berthold jouait le jeu avec patience.

Après cette pause gourmande imposée par Symine, Berthold demanda à Rose de l’accompagner chez Joseph. Il avait besoin de calme pour parler avec Rose préoccupée de l’indifférence de Berthold.

« Il n’a même pas remarqué tous mes efforts pour ressembler à un arum. »

Dans sa chambre, Berthold s’allongea, épuisé par sa crise d’asthme. Rose, s’installa près de lui, dérogeant à toutes les conventions. Leur relation était une évidence, naturelle et simple. En lui caressant les cheveux, Berthold lui parla de son entrevue casablancaise avec Mazal qui lui proposait de diriger son entreprise.

Rose réagit immédiatement. Sa réponse était sans appel. Sous une apparente naïveté, elle fit preuve d’une lucidité implacable.

« La famille doit rester un espace de confiance et d’affection, épargnées par les tensions liées à l’argent. L’autoritarisme et le tempérament difficile de Mazal, rendent cette collaboration impossible. »  Berthold acquiesça fier du bon sens de cette jeune fille à peine sortie de l’adolescence.

Le soir, chez Joseph, la guerre pesait sur les esprits. Ils mais nourrissait pourtant l’espoir et l’envie de nouveaux départs, et de nouveaux défis. Symine exprima son souhait de rejoindre sa famille à Casablanca. Moïse et Albert proposèrent de vendre le garage, Berthold se mettrait à la recherche de locaux pour ses projets, et Mazal, fidèle à sa parole, réitéra sa promesse de soutenir chaque projet.

Avant de partir, Rose,  espiègle, glissa dans l’oreille de Berthold :

-Alors ? Tu as remarqué ma tenue « fleur d’arum » ? Il éclata de rire. Il n’avait rien vu.

Joseph clôtura la réunion en annonçant : « Tout doit être prêt en septembre, après les fêtes de Tichri. Je m’occuperai de la logistique. » 

Slil

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