Chapitre XXII
Les Roches Noires
Rose et Berthold, séparés par la guerre, vivaient dans un pays qui n’avait pas subi les affres les plus atroces de la guerre menée en Europe. Ils vivaient avec les marocains, les français, les américains, les anglais, les espagnols, les réfugiés, un melting pot harmonieux qui aurait été probablement plus harmonieux si l’ombre de Pétain n’était pas aussi présente dans les esprits des colons français.
Malgré tout, l’atmosphère restait oppressante et provoquait des bouleversements sociaux économiques, des tensions politiques, des revendications territoriales, des différences religieuses ou des rivalités historiques.
Les pertes humaines dues à l’opération Torch, eurent des conséquences dévastatrices sur la population tant sur le plan physique que sur le plan psychologique. On pouvait voir dans les rues de Casablanca, des malheureux déambuler en criant le nom d’un parent perdu, un enfant, un conjoint, une mère, morts ou disparus. Le bruit des cannons ne fait pas le choix des victimes, cette guerre rude, effroyable, terrifiante avait mené à la shoah, à l’anéantissement d’un homme parce que juif ,gitan, homosexuel… et qu’il ne répondait pas au critères de la supériorité de la « race aryenne » selon l’idéologie du Troisième Reich.
Les sacrifices des guerres sont lourds et insoutenables certes, mais lorsque les enjeux d’une guerre sont liés à l’existence même des peuples, la guerre devient elle une guerre morale lorsqu’elle est destinée à rendre à l’homme ses droits ses libertés et sa dignité en dépit des sacrifices ? Pour la majorité quasi absolue, l’Allemagne avait été l’agresseur qui avait entrainé son propre peuple et le monde dans un chaos jamais vu dans l’histoire de l’humanité. Il fallait coute que coute gagner cette guerre menée contre le monde apocalyptique nazi. Berthold était convaincu que le monde ne saurait jamais vivre dans une paix durable, que la paix ne pouvait se gagner que par la guerre, là où la politique et la diplomatique avaient échouées.
Malgré leur jeune âge, Rose et Berthold connaissaient parfaitement l’histoire du conflit mondial qui terrorisait les populations et qui leur faisait vivre un cauchemar quotidien. Ils savaient quand il fallait traverser la rue, changer de trottoir, baisser les yeux, faire semblant de rire, s’engouffrer dans une épicerie… Un simple clin d’œil suffisait à traduire une phrase ou une situation et pouvait être salvateur. Le langage des gestes que la peur leur avait appris, ne les quitta jamais. La vie des gens pendant la Seconde Guerre mondiale dépendait en grande partie de leur lieu de résidence, de leur nationalité et de leur rôle dans le conflit.
La corruption et a propagande étaient intenses pendant la guerre, elle avait fait beaucoup de dégâts. On distribuait sous le manteau des affiches, des tracts, des messages antisémites dont la morale glorifiait Philippe Pétain, l’ennemi numéro 1 de la France qui avait poussé la traitrise jusqu’à déclarer que la Collaboration «doit permettre d’obtenir des concessions significatives et rapides qui amélioreront la vie des Français et permettront ainsi de renforcer sa popularité et de renforcer l’assise du régime ». Berthold disait que Pétain voulait surtout obtenir des français qu’ils acceptent les sacrifices, les privations, et la collaboration imposée par les renégats avec l’Allemagne nazie.
Les amoureux prenaient conscience de toutes les contraintes, les peurs, les difficultés liées à la guerre c’est tout cela qui les avaient poussé à rencontrer Mazal.
Berthold rencontra Mazal à Casablanca pour lui parler de l’éventualité de faire venir Rose et sa famille à Casa, avant la fin de la guerre, comme cela avait été décidé par le conseil de famille lors de la cérémonie de la demande en mariage.
Mazal l’avait reçu très rapidement dans son domaine des Roches Noires. Il découvrait une femme déterminée et passionnée. Elle lui avait fait découvrir la boucherie chevaline et ses écuries bien entretenues où de magnifiques chevaux étaient soignés avec la plus grande attention. Berthold était subjugué par le courage et la persévérance qui permettaient à cette femme incroyable de naviguer dans cette période complexe de l’histoire, en maintenant ses activités malgré les défis de l’époque. Il découvrait aussi le charme et la grâce naturels de Mazal qui attirait l’attention de tous ceux qui la rencontraient.
Elle l’invita à partager son repas dans le jardin près de la fontaine en forme d’étoiles au zeliz turquoise que des petits crapauds remplissaient d’eau.
« Viens mon petit, lui avait elle dit, seat and see l’phor »*.
Slil
*assieds toi et regarde la mer