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Poutine voulait moins d’OTAN, il a obtenu plus d’OTAN, constate Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’Alliance en officialisant le processus d’adhésion de la Finlande.

Le glacis forgé par l’empire tsariste, puis l’Union soviétique, n’est plus qu’un souvenir. En intégrant l’Otan le 4 avril, la Finlande met fin à ce reliquat qu’elle présentait sous les oripeaux d’une neutralité accommodante.

Avec l’arrivée de ce 31e État membre, l’alliance militaire fondée en 1949 est désormais aux portes de la Russie. Cette nouvelle situation ne manquera pas de réactiver la fièvre obsidionale de Moscou !

Le 6 décembre 1917, la Finlande s’émancipe de la Russie et proclame son indépendance en profitant des désordres occasionnés par la guerre de 1914-1918 et les Révolutions russes de 1917.

La Finlande a obtenu son indépendance vis-à-vis de la Russie en décembre 1917, donnant naissance à la frontière russo-finlandaise. Les premières délimitations officielles datent du Traité de Paris (1947) qui met fin à la « guerre de continuation » qui opposait les deux pays. Suite à ce Traité, la Finlande cède la Carélie finlandaise et la Province de Petsamo à l’Union Soviétique.

La frontière maritime est établie en 1940, mais son tracé est précisé en 1965.

Aujourd’hui, le tracé frontalier n’est soumis à aucune controverse et est minutieusement défini par la loi. Tsarisme ou bolchévisme, Moscou ne conçoit la paix avec ses voisins qu’avec des concessions coloniales.

Pour la première fois libérée de la tutelle de ses voisins, d’abord la Suède puis la Russie, ce pays européen à nul autre pareil va défendre âprement sa liberté pendant un siècle avant de ressentir à nouveau le souffle de l’Histoire : immigration et retour de la menace russe… En 1940, Staline met à profit son alliance avec Hitler pour attaquer la Finlande, sans déclaration de guerre préalable.

Après une éprouvante « Guerre d’Hiver », la Finlande s’incline par le traité de Moscou du 12 mars 1940, et cède à Staline la province orientale du pays, la Carélie (celle-ci, aujourd’hui, fait encore partie de la Russie). Mais, dès l’année suivante, elle tente de prendre sa revanche en joignant ses troupes à celles de Hitler dans l’invasion de l’URSS. Encore un mauvais calcul !

Après l’effondrement du nazisme et le triomphe de Staline, la Finlande échappe de peu à une annexion pure et simple par l’URSS.

Par le traité de Paris du 10 février 1947, elle recouvre son indépendance, amputée de la Carélie.

La Finlande verse un lourd tribut aux Soviétiques et doit se résigner à subordonner sa politique étrangère à celle de l’URSS. En échange, elle préserve ses institutions démocratiques. C’est ce qu’on appellera jusqu’à la fin de la guerre froide la “finlandisation “ !

Après trois décennies de non alignement militaire, la Finlande est officiellement devenue mardi le 31e pays membre de l’Otan, une « journée historique » pour l’Alliance qui a déclenché la colère de la Russie. 

« Nous déclarons la Finlande 31e membre de l’Alliance avec la réception de ces documents », a lancé le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken dont le pays est dépositaire du traité de l’Atlantique nord, lors d’une brève cérémonie au siège de l’Otan à Bruxelles. « C’est bien sûr un grand jour pour la Finlande (…) C’est aussi une bonne chose pour l’Otan », a déclaré le ministre finlandais de la Défense Antti Kaikkonen avant la cérémonie.

Une « journée historique »

De son côté, le secrétaire d’Etat américain, à qui ont été remis les documents d’adhésion, et le chef de l’Otan Jens Stoltenberg ont salué une journée historique. « Je suis tenté de dire que c’est peut-être la seule chose pour laquelle on peut remercier le président Vladimir Poutine, parce qu’il a, une fois de plus, précipité quelque chose qu’il disait vouloir éviter en agressant l’Ukraine », a commenté Antony Blinken. Moscou a dénoncé une « atteinte » à sa sécurité et promis des « contre-mesures ».

La Finlande devient le 31e membre de l’Alliance

Le pays nordique, qui partage une frontière de 1.300 kilomètres de long avec la Russie, est devenu le 31e membre de l’Alliance le jour anniversaire de sa création, le 4 avril 1949. Le drapeau finlandais devait encore être hissé dans la cour d’honneur du siège de l’organisation à Bruxelles à 15H30 (13H30 GMT), entre ceux de l’Estonie et de la France, suivant l’ordre alphabétique.

« La Finlande est maintenant en sécurité », a affirmé Jens Stoltenberg. « Ensemble, les Alliés de l’Otan représentent 50% de la puissance militaire mondiale. Donc, tant que nous restons unis, que nous nous protégeons mutuellement et que nous le faisons de manière crédible, il n’y aura pas d’attaque militaire contre un allié de l’Otan », a-t-il expliqué.

L’Otan, un parapluie protecteur

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a bouleversé la sécurité en Europe et rebattu les cartes, poussant la Finlande et la Suède à vouloir rejoindre le parapluie protecteur de l’Otan.

En adhérant à l’Otan, la Finlande, qui fut envahie par l’Union soviétique en 1939, double la longueur de la frontière avec la Russie de l’alliance dirigée par les Etats-Unis. Elle obtient la protection de l’article 5, l’engagement de défense collective selon lequel une attaque contre un membre “sera considérée comme une attaque contre tous les membres.


Les objections de la Turquie et de la Hongrie ont retardé l’adhésion d’Helsinki pendant des mois, et bloquent toujours celle de Stockholm ».Je suis absolument confiant dans le fait que la Suède deviendra également membre. C’est, pour l’Otan, pour moi, une priorité de s’assurer que cela arrivera aussi rapidement que possible », a assuré Jens Stoltenberg.

La Suède doit rejoindre l’Otan « sans tarder » car avec ces deux pays notre Alliance sera plus forte pour assurer la sécurité de l’espace euro-atlantique, a déclaré la ministre française de l’Europe et des Affaires étrangères Catherine Colonna. « Nous espérons que le drapeau de la Suède flottera à l’Otan pour le sommet de Vilnius », a commenté son homologue lituanien Gabrielius Landsbergis.

« J’appelle le président Erdogan à ne pas ruiner le sommet de Vilnius« , a-t-il lancé. Hasard de l’ordre alphabétique, les couleurs de la Suède seraient alors hissées entre celles de l’Espagne et de la Turquie.

« L’Ukraine deviendra membre » de l’Otan

Les adhésions de ces deux pays nordiques sont la démonstration que « la porte de l’Otan reste ouverte », a martelé Jens Stoltenberg. « La position de l’Otan reste inchangée : l’Ukraine deviendra membre de l’Alliance », a-t-il poursuivi. Cependant, a-t-il ajouté aussitôt, « l’objectif principal pour l’heure est sa survie comme un pays souverain et indépendant, sinon parler d’adhésion n’a aucun sens ».

Les ministres des Affaires étrangères de l’Otan rencontreront leur homologue ukrainien Dmytro Kouleba et vont discuter du « soutien à long terme » à Kiev. « L’Ukraine vise le même objectif que la Finlande en devenant membre à part entière de l’Otan, et nos conversations ici à Bruxelles porteront sur la façon dont nous pouvons aller de l’avant », a déclaré le ministre ukrainien à son arrivée.

Une réunion de la Commission Otan-Ukraine a été organisée à cette fin, malgré les objections de la Hongrie. Dans la nuit de lundi à mardi, des drones russes ont frappé le port ukrainien d’Odessa, sur la mer Noire, faisant des dégâts matériels, selon les autorités.

Les ministres doivent également rencontrer leur homologue japonais pour discuter de la situation dans la région Asie-Pacifique et des défis posés par la Chine et « son alignement avec la Russie ». « Pour relever tous ces défis, il est essentiel que nous investissions davantage dans la défense », a insisté Jens Stoltenberg. « J’attends des alliés qu’ils s’engagent lors du sommet de Vilnius en juillet sur une nouvelle promesse d’investissement ambitieuse, avec 2% de leur PIB comme plancher et non plus comme plafond ».

Gérard Cardonne

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