Le mur des obstinations

Le mercredi 5 avril,  en fin d’après-midi, à la préfecture de Nantes, j’ai participé à une énième rencontre des assises territoriales de l’islam de France, en présence de Monsieur le Préfet de Région des Pays de la Loire et d’une représentante du Ministère de l’intérieur chargée des cultes, pour débattre sur des sujets répartis en quatre thèmes. 

Des questions traitées en amont par le fantomatique et inconsistant FORIF, Forum de l’islam de France, cette nouvelle organisation représentative et « consultative » des musulmans français, créée en février 2022 par Gérard Darmanin et E. Macron, en vue de la dissolution et le remplacement du pathétique CFCM – Conseil Français du Culte Musulman, mais dont on ignore la composition de ses membres et le siège de cette nouvelle corporation. 

Ce fut pour moi l’occasion de rappeler, d’entrée de jeu, certains principes et appréciations qui me sont propres et que je ne cesse de marteler depuis plusieurs années. 

Contrairement à d’autres cultes, l’islam a cette fondamentale et singulière particularité de n’avoir jamais prescrit, ni préconisé, la constitution d’une quelconque autorité représentative ou structure cléricale en son sein. L’islam, dès son origine et son avènement, s’impose comme la doctrine la plus libérale, la plus émancipée et la plus anticléricale qui soit dans la stricte observance du monothéisme. 

Le Coran étant sa seule référence, ce dernier invite à la connaissance, à l’instruction, au savoir et s’adresse à l’intelligence et à l’esprit rationnel de chaque fidèle. 

En France, terre de culture ancestrale plus catholique que chrétienne, sans nulle offense dans mes propos, il semble qu’une religion sans clergé serait difficilement concevable pour les Pouvoirs Publics car, quoi que l’on puisse penser, même le protestantisme réformé, luthérien ou calviniste, ne peut s’exonérer d’une ou plusieurs structures représentatives du culte. 

C’est ainsi que l’islam de France doit lui aussi, selon la perception politique et utopique des gouvernements successifs, se structurer en pôles fédératifs et se rassembler, sous forme pyramidale, autour d’une contexture institutionnelle centralisée et nationale. 

Cependant, s’obliger à vouloir aller coûte que coûte à l’encontre d’un principe immuable, c’est attendre un énième échec en retour. 

Statut et professionnalisation des imams, structuration et nomination des aumôniers musulmans, sous quelle loi régenter les associations islamiques, loi 1901, 1905, 1907 ? Telles étaient en substance les questions débattues lors de la réunion. 

Un imam est par nature un fidèle lambda désigné, occasionnellement ou par habitude, pour diriger une prière collective. Il n’a donc pas de statut ministériel du culte, ni professionnel. De fait, la prélature n’a pas lieu d’exister en islam !!! La fonction d’aumônier, quant à elle, est propre au culte catholique, ce qui n’a aucune consistance en islam dans la mesure où chaque musulman est en lien direct, donc sans intermédiaire ni témoin, avec Dieu. 

Amoncelant erreur sur erreur, en voulant imposer ce pompeux Forif –  Forum pour l’islam de France, le gouvernement prend encore le risque de provoquer l’éboulement de cet ultime édifice, devant l’exaspération des français musulmans laïcs et rationalistes, ou le sentiment de rejet qui s’est incrusté dans l’opinion publique, à l’égard de l’islam dans son ensemble. 

Quand est-ce que le Pouvoir Exécutif comprendra-t-il enfin l’urgence de dissoudre toutes les congrégations prétentieusement représentatives des musulmans de France, toutes à caractère idéologique, qui prennent leurs consignes et reçoivent un financement, plus ou moins important, de l’étranger ?! 

Quand est-ce que le Pouvoir Exécutif décrétera-t-il le placement des associations de mosquées sous la loi de 1905, et non plus sous celle de 1901 ?! 

Quand est-ce que le Pouvoir Exécutif délèguera-t-il, aux Préfets de Régions, le suivi et le contrôle du culte musulman au niveau local et départemental, sans hiérarchisation pyramidale nationale de l’islam ? 

Marre de cet aveuglement de l’État, de cet entêtement et de cet acharnement à vouloir politiser, ou encourager la politisation du culte islamique, et tout autant le communautarisme, en France à l’échelle nationale, tout comme l’exercent les dits pays arabo-musulmans ! 

Décevant et déprimant…! Je suis consterné de voir comment le Pouvoir Exécutif français s’obstine délibérément à se cogner la tête dans le mur en voulant, très maladroitement, structurer un islam dit de France. N’est pas Empereur Constantin qui veut ! 

Mohammed Guerroumi (Délégué honoraire à l’instance nationale de dialogue avec l’islam en Loire-Atlantique)

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