Le cas Bill Evans

Mais qui était Bill Evans (1929 – 1980), un pianiste et compositeur de jazz ou un romantique classique ?

Bill Evans est mondialement connu et de nombreux ouvrages, articles et films lui ont été consacrés. Il fait partie des quelques rares musiciens, que l’on ne peut situer dans un style ou dans un courant musical. Véritable maître de l’harmonie au toucher délicat, il ouvre une nouvelle voie au trio en créant une interaction avec ses partenaires. La contrebasse et la batterie n’accompagnent plus le pianiste, mais dialoguent avec ce dernier. Le trio joue en osmose et forme un tout.

Bill Evans possède une technique sans limite et une grande connaissance de l’harmonie. Son jeu mélodique est fortement influencé par Chopin, mais aussi Debussy. 

Il fait ses débuts dans des orchestres de danse, puis enregistre avec des novateurs, comme George Russell (concept lydien de l’organisation tonale), Charles Mingus (le rebelle à l’ordre musical établi) avant d’intégrer la formation de Miles Davis. Le trompettiste l’engage pour profiter des connaissances harmoniques novatrices du pianiste (disque Kind Of Blue, Sony/Columbia).

Seul Blanc de l’orchestre, Bill Evans subit le Jim Crow (racisme inversé). Son approche musicale bien différente de son entourage le conduit à quitter Miles pour former son propre trio.  

Bill Evans est un introverti, qui nous plonge dans sa méditation et ses souffrances. Sa vie fut en effet parsemée d’épreuves : le suicide de sa première femme Ellaine, la mort accidentelle de son bassiste Scott La Faro, le décès de son père, celui de son frère Harry, pianiste lui-aussi auquel il vouait une profonde admiration.

Sa sensibilité trouve refuge dans l’usage de la drogue. C’est un romantique, qui ne possède pas le coté bluesy, ni le swing du jazz noir. 

J’ai eu le privilège d’être un proche de Bill

Lorsque je lui ai demandé pourquoi il jouait la tête en avant penchée et parallèle au clavier, il m’a répondu : « Pour mieux entendre l’accord, car lorsque je joue celui-ci, j’utilise quelques doigts et j’ajoute une fraction de seconde plus tard les autres doigts. Ces notes complémentaires enrichissent le son d’ensemble. » Bill était un perfectionniste.

A ses côtés et avec le regretté pianiste Bernard Maury, nous écoutions en 1979 son dernier disque paru « Since We Met ». Bernard lui fit part de ses difficultés à interpréter ce morceau. La réponse nous surprit : « Mais, qu’est-ce que vous croyez ! J’écris tout, mélodie et solo, y compris la partie de la main gauche, lentement, note par note, mesure par mesure et j’ai beaucoup de mal à me rejouer dans le tempo. » Son bassiste Marc Johnson m’a confirmé que Bill n’improvisait pas. Sans improvisation, la musique s’apparente à la musique classique. 

Bill vivait pour sa musique. « Je sais que la drogue me détruit, mais peu m’importe de vivre quelques années de moins si cela me permet de me surpasser et délivrer toute la musique que j’ai en moi. »

Pianiste de jazz ou pianiste classique, peu importe, Bill Evans est l’un des plus grands pianistes du XXème siècle.

Sur le sujet : A écouter : CD (Warner Bros) : « You must believe in spring » (Bill m’avait confié un mois avant son décès que son plus beau disque n’était toujours sorti. Il paraîtra en 1981). Propos de Miles Davis sur Bill Evans : « Son approche du piano, le son qu’il en tirait, c’était comme des notes de cristal, une eau pétillante tombant en cascade d’une chute limpide.». Un disque qui séduira tous les pianistes classiques et de jazz. A lire : Le meilleur livre sur Bill Evans « How my heart sings ” de Peter Pettinger (en anglais).

Cole Porter

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