La droite et les idées ?

À l’ère du post-politique, il est plus que temps que la droite française se rebâtisse autour des idées tout en conservant la typologie de René Rémond, à savoir une droite orléaniste, une droite bonapartiste et une droite légitimiste. Les trois doivent exister, et être capables de gouverner ensemble. La gauche doit également se renouveler à travers les idées.

L’extrait ci-dessous du livre de Georges Pompidou, le nœud gordien, est d’utilité publique :

CHOIX DES DIRIGEANTS

Je veux dire que la République ne doit pas être la République des ingénieurs, des technocrates, ni même des savants. Je soutiendrais volontiers qu’exiger des dirigeants du pays qu’ils sortent de l’ENA, de Polytechnique est une attitude réactionnaire qui correspond exactement à l’attitude du pouvoir royal à la fin de l’Ancien régime exigeant des officiers un certain nombre de quartiers de noblesse. 

La République doit être celle des « politiques » au sens vrai du terme, de ceux pour qui les problèmes humains l’emportent sur tous les autres, ceux qui ont de ces problèmes une connaissance concrète, née du contact avec les hommes, non d’une analyse abstraite, ou pseudo-scientifiques, de l’homme.

C’est en fréquentant les hommes, en mesurant leurs difficultés, leurs souffrances, leurs désirs et leurs besoins immédiats, tels qu’ils les ressentent ou tels parfois qu’il faut leur apprendre à les discerner, qu’on se rend capable de gouverner, c’est-à-dire, effectivement, d’assurer à un peuple le maximum de bonheur compatible avec les possibilités nationales et la conjoncture extérieure.

L’époque n’est plus à Louis XIV dans son palais de Versailles, au milieu de ses grands, mais rien n’y ressemblerait davantage qu’un Grand Ordinateur dirigeant de la salle de commande électronique le conditionnement des hommes. Mieux vaut encore, pour prendre un exemple concret, un patron de combat contre lesquels des syndicats puissants défendent les droits des travailleurs, qu’une machine IBM réalisant les conditions propres à obtenir le rendement maximum dans une ambiance de musique douce et de couleur apaisante. 

Le bonheur que nos ingénieurs préparent à l’homme de demain ressemble vraiment trop aux conditions de vie idéales pour animaux domestiqués. En vérité, l’avenir serait plutôt à Saint Louis tel qu’on se l’imagine sous un chêne au milieu de son peuple, c’est-à-dire à des chefs ayant une foi, une morale et répudiant « l’absentéisme du cœur ».

À défaut qu’on puisse en arriver là, et nous en sommes loin, il faut des institutions, des institutions qui assurent à toutes les étapes de la vie, à tous les échelons de la société, dans tous les cadres où s’insère la vie individuelle – famille, profession, province, patrie – le maximum de souplesse et de liberté. 

Cela, afin de limiter les pouvoirs de l’État, de ne lui laisser que ce qui est sa responsabilité propre et qui est de nos jours déjà immense, de laisser aux citoyens la gestion de leurs propres affaires, de leur vie personnelle, l’organisation de leur bonheur tel qu’ils le conçoivent, afin d’échapper à ce funeste penchant qui, sous prétexte de solidarité, conduit tout droit au troupeau. 

Cela, afin de permettre au peuple de choisir ses dirigeants en connaissance de cause, de percevoir à l’extérieur et avant qu’il ne soit trop tard ceux qui pourraient être tentés par le pouvoir sans

limites que donnent les moyens techniques.

CAR CETTE ÉVOLUTION PARALLÈLE à laquelle nous avons assisté de l’anarchie des mœurs et de l’accroissement illimité du pouvoir étatique va bien au-delà des récriminations contre la dictature des bureaux ou alors faut-il l’entendre au sens de l’univers de Kafka. Elle porte en elle-même un péril immense et dans lequel nous pouvons tomber de deux manières opposées. 

Soit en faisant prévaloir l’anarchie, qui détruirait rapidement les bases mêmes de tout progrès et déboucherait fatalement sur un totalitarisme de gauche ou de droite ; soit en allant directement vers la solution totalitaire.

Le péril n’est pas illusoire. Les théoriciens peuvent, dans l’abstraction, accumuler les raisonnements subtils et compliquer à l’envi les nœuds du problème humain. Nous sommes arrivés à un point extrême où il faudra, n’en doutons pas, mettre fin aux spéculations et recréer un ordre social.Quelqu’un tranchera le nœud gordien. La question est de savoir si cela sera en imposant une discipline démocratique garante des libertés ou si quelque homme fort et casqué tirera l’épée comme Alexandre.

Le fascisme n’est pas si improbable, il est même, je crois, plus près de nous que le totalitarisme communiste. À nous de savoir si nous sommes prêts, pour l’éviter, à résister aux utopies et aux démons de la destruction. « Je n’étais bon ni pour tyran ni pour esclave », disait Chateaubriand. Je souhaite que demain les dirigeants et les citoyens de mon pays soient pénétrés de cette maxime.

Donald Duck

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