Le cri du cœur de Gérard Cardonne

L’étincelle de la liberté contre l’obscurité de la servitude

Une « opération militaire spéciale »

Il n’est pas besoin d’être un géostratège pour comprendre que nous vivons un tournant historique.
Dans un discours diffusé le 24 février à la télévision russe, Vladimir Poutine justifie l’invasion de l’Ukraine. 

Quand il annonce le déclenchement d’une « opération militaire spéciale », il donne le signal de l’invasion de l’Ukraine par son armée, qui patientait depuis des semaines à la frontière devant les puissances occidentales qui « s’interrogeaient »! 

Or, ce discours fut enregistré le 21 février. Soit peu après que le président russe ait reconnu l’indépendance des deux « républiques populaires » du Donbass, où sévit une guerre civile depuis 2014. Il y justifie une intervention militaire que les États-Unis, l’Union européenne, l’Otan et Londres considèrent comme une « violation flagrante du droit international ». 

On hésite entre le rire et l’ironie en écoutant « En vertu de l’article 51 de la partie VII de la charte des Nations unies, avec l’autorisation du Conseil de la Fédération de Russie et en vertu du traité d’amitié et d’entraide, j’ai décidé de mener une opération militaire spéciale. »
L’imposture apparaît quand, même si ce sont ses troupes qui ont pris l’initiative de la guerre, Vladimir Poutine tente de justifier l’invasion sur le plan du droit. Cet article 51 fait référence au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective », qui est prévu par la charte des Nations unies dans le cas où l’un des membres – ce qui n’est pas le cas des « républiques » du Donbass – fait l’objet d’une agression armée. 

Un nouvel Holodomor pour l’Ukraine

Au nom de la fausseté, c’est une fois de plus un coup de canif au droit international après la reconnaissance de l’indépendance de ces deux régions qui font juridiquement partie de l’Ukraine. En outre, le président russe nie la légitimité de l’État ukrainien, qui aurait été créé « de toutes pièces par la Russie, plus exactement par la Russie communiste, bolchevique ». 

Quelle inculture: Lénine pensait tout à l’inverse de lui en affirmant que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes devait être pris au sérieux et qu’il fallait composer avec. Poutine rêve d’un nouvel Holodomor pour l’Ukraine.


Le miracle n’a pas eu lieu. Dans la nuit de mercredi 23 à jeudi 24 février, l’armée russe procède à des tirs de missiles sur des villes ukrainiennes ainsi qu’à des incursions dans le Donbass et sur la frontière sud du pays. Le massacre des populations civiles est une spécialité russe comme les zakouski qui amorcent un repas. En déclarant la guerre à l’Ukraine, ancien pays membre de l’Union Soviétique, Vladimir Poutine met ses menaces à exécution.


Incapacité politique évidente 

Surpris par l’événement comme d’habitude, les historiens et les politiques discutent des causes de ces faits. Il est peu probable qu’ils cherchent les prémisses des heures que nous traversons, car leur erreur est trop grande. Ou leur incapacité à voir la réalité des événements trop évidente.


Nous devons pointer à raison les responsabilités de l’Occident dans le déclenchement de cette guerre dont la culpabilité incombe au seul président de la Fédération de Russie. Par-delà l’évaluation historique de cette actualité, il est un fait qui mérite attention : depuis le déclenchement des hostilités, les marques de soutien à l’Ukraine ne diminuent pas au sein de la population européenne. Le peuple devance toujours les élites occupées à leurs petites affaires. Ce qui est en train de se passer en Ukraine n’est pas qu’une simple réaction épidermique à la sauvagerie russe qui advient sous nos yeux en massacrant femmes et enfants. 


Depuis des décennies, nous nous étions habitués à la démocratie et nous nous faisions au fait que la liberté était censée nous garantir. Nous nous étions habitués à entendre de la part de commentateurs plus ou moins bien inspirés que les régimes autoritaires qui fleurissent de par le monde et jusqu’au cœur de l’Europe constituaient au fond des formes de gouvernement plus efficaces que nos vieilles démocraties libérales essoufflées. 

Le « clown » Ukrainien 

La dépression morale et civique qui nous étreint depuis plusieurs décennies nous laissait en quelque sorte sans horizon d’espérance. Mais voilà que, en écho au « merde » de Cambronne, nous entendons le « allez vous faire foutre ! » des soldats ukrainiens de l’île des Serpents : le langage du soldat n’est pas diplomatique mais il dit la vérité.


Comment ne pas être médusé devant le courage d’un comique devenu le leader d’un peuple entré en résistance ? Alors que de nombreux politiciens deviennent de vrais clowns, ce clown ukrainien est devenu un véritable leader de la nation agressée. 

Après la révolution de Maïdan qui a marqué la chute de Viktor Ianoukovitch, le pantin favorable à la Russie, Volodymyr Zelensky, acteur humoriste, fut élu démocratiquement Président ukrainien le 20 mai 2019 : chose inadmissible pour un communiste bon teint, clone du national-socialisme. En quelques jours, ce président montre au monde ce que le mot courage signifie. Confirmation d’une stature. Naissance d’un héros national. Aura internationale. 


Les États-Unis ont proposé au Président Zelensky une évacuation afin qu’il ne se fasse pas tuer ou capturer. Le Président ukrainien a répondu : «J’ai besoin de munitions ! Pas d’aller faire un tour.»


Le suicide assisté par le Kremlin est une spécialité russe. Il est notoire dans l’histoire “démocratique” russe que Moscou aurait préparé une liste de “personnes à tuer” dans le cadre de la “dénazification” du pouvoir ukrainien. Cette liste concernerait, entre autres, des journalistes : toujours le même syndrome du communisme face au mot liberté. Poutine ou Xi Jinping, et leurs misérables comparses comme le grotesque Loukachenko souhaitant participer à la curée sur l’Ukraine, frémissent à la contagion possible de leur édifice despotique par ce petit mot de sept lettres.


Prendre des civils pour cible est un crime de guerre

Devant l’héroïsme de soldats conduisant leur famille à la frontière polonaise pour les mettre à l’abri de la sauvagerie russe et repartant au combat pour défendre leur patrie comment ne pas se sentir vibrer pour cette liberté qui ne nous parle plus et pour laquelle, aujourd’hui, des Ukrainiens sacrifient sans hésiter leur vie.
Prendre des civils pour cible est un crime de guerre. Sauf pour la Russie qui se repaît du sang des femmes et des enfants qui pourraient devenir des opposants! C’est la curée communisme mâtiné d’hitlérisme: entre copains assoiffés de meurtres, la complicité est évidente.
Avec le déluge de feu qui s’abat sur l’Ukraine, notre vieux continent est entré dans une nouvelle nuit glacée dont personne ne peut dire aujourd’hui quand et comment elle prendra fin. 

L’aube finira par se lever

Mais je veux croire que c’est précisément quand la nuit est tombée que nous sommes le mieux à même de percevoir ces rayons de lumière qui nous rappellent qu’aussi avancée que soit la nuit, c’est bien l’aube qui, en fin de compte, finira par se lever. 

Nous nous trouvons devant un choix : voulons-nous continuer à voir briller l’étincelle de la liberté ou sommes-nous prêts à entrer lentement mais sûrement dans l’obscurité de la servitude ? C’est de la réponse à cette question que dépendra, demain, notre type d’existence. 


Ne nous trompons pas : le chemin sera long, les heures sombres et les tentations de compromission légions. Ces dernières sont l’apanage des lâches. Aussi est-il crucial que, dans cette pénombre macabre orchestrée par l’esprit du Mal, nous sachions puiser le courage d’être dans les idées de la démocratie et de la liberté.
Voilà ce qui m’émeut. Profondément. Le courage de ceux qui offrent leur vie. 

L’opposant historique de Vladimir Poutine, Lev Ponomarev annonce « Poutine est fou, il veut dominer le monde. L’Occident doit désormais se montrer ferme ». Dans son interview lucide à La Repubblica, il estime que : « comme Hitler, le chef du Kremlin est pétri d’une mentalité paranoïaque. Il peut nous entraîner dans une troisième guerre mondiale, voire dans un conflit nucléaire. » 

Message universel et intemporel 

Quant à moi, en voyant cet Ukrainien se mettre à genoux devant un char russe, comment ne pas faire le parallèle avec l’étudiant chinois s’opposant aux chars sur la place de Tian’anmen de Pékin. Un moment historique que les petits Chinois n’apprendront jamais dans leurs livres. C’est toujours la foi en la liberté face à l’oppression communiste, sœur de la folie nazie. 


En revanche, ces actes de bravoure à la frontière de l’inconscience nous offrent le symbolisme de leur message qui est universel et intemporel. Leurs noms resteront probablement un mystère pour le « grand public ». Mais leur acte résonnera à travers les âges comme une ultime preuve de courage et de liberté. 


A l’issue de la réunion du Conseil de sécurité, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a réagi au rejet du projet de résolution par la Russie en notant devant la presse que « les Nations Unies sont nées de la guerre pour mettre fin à la guerre, mais, aujourd’hui, cet objectif n’a pas été atteint ».
Malgré ce rejet, il a estimé que « Nous devons donner une autre chance à la paix. Les dirigeants doivent se tourner vers la voie du dialogue et de la paix ».
Il faut mettre au ban des nations le pouvoir russe: dans toutes ses dimensions politiques, économiques, culturelles, sportives. Ramener ce pouvoir criminel là d’où il n’aurait jamais dû sortir: la poubelle de l’Histoire.

Gérard Cardonne

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