EHPAD Arnaque Orpéa

L’édito du Torchis

« Les fossoyeurs”, le livre écrit par le journaliste d’investigation Victor Castanet, décrit les turpitudes du système des cliniques et maisons de retraite médicalisées EHPAD Orpéa. Il vient de paraître et suscite déjà de vives polémiques au plus haut niveau de l’Etat.

L’Etat, par l’entremise de la secrétaire d’Etat aux personnes âgées, Mme Bourguignon, prend des airs offusqués et tance les dirigeants de cette société. Mais, l’Etat a largement contribué soit de façon active en favorisant le groupe Orpéa, soit de façon passive en laissant faire et en tolérant le passage de responsables des ARS (agences régionales de santé) vers l’entreprise Orpéa.

 Ce livre démonte, point par point, les techniques de confiscation et de manipulation du groupe privé le plus important d’Europe, Orpéa. Bien que ce groupe gère plus de 1100 établissements, répartis sur 23 pays et 3  continents, il s’est bâti sur des techniques indignes de ce que l’on pouvait attendre d’une entreprise du secteur social.

Les dérives

A partir d’informations de quelques salariés du groupe, infirmiers, aides soignantes, anciens directeurs partis de gré ou de force, l’auteur reconstitue ce qui peut sembler la base même du système: une entreprise gérée uniquement comme un centre de profits, avec des indicateurs journaliers scrutés à la loupe sur le plan national: taux d’occupation journalier des EHPAD, respect scrupuleux du budget alloué, et obligation de faire, coûte que coûte, des économies.

Le budget d’un EHPAD fonctionne avec 3 types de financement: celui de l’hébergement et la restauration, payés par les résidents,  celui des coûts de dépendance, payés par les Conseils Généraux, et celui des soins, payés par l’assurance maladie.

Dans ce contexte, Orpéa a mis au point un système où il est quasiment impossible de perdre:

– Pour le poste hébergement et hôtellerie, économies au maximum, sous- effectifs permanents. 

– Pour le poste »soins de dépendance »: surfacturation maximale, même au-delà des dépenses réelles.

– Pour le poste « soins », rétrocommissions imposées à tous les fournisseurs : matériel médical, pansements, couches, coiffeurs…

A partir d’exemples tirés de quelques EHPAD, on se rend compte que même les couches hygiéniques sont restreintes: 3 couches par jour et par résident, et pas une de plus. Peu importe si les résidents ne sont pas satisfaits, même s’ils ont des motifs médicaux graves qui nécessitent l’emploi de couches supplémentaires.

Le fait de fonctionner en effectif restreint entraîne d’autres problèmes: manque de temps pour nourrir les résidents, manque de disponibilité pour effectuer les actes nécessaires, manque d’attention pour ceux qui ne peuvent plus se déplacer, d’où l’ émergence d’escarres qui, parfois, débouchent sur une mort inévitable.(cas de la romancière Françoise Dorin ).

Le petit-fils de Françoise Dorin, a laissé ce témoignage poignant sur internet : 

« Si  vous voulez vous débarrasser des gens que vous aimez, à moindres frais, il y a une place de libre désormais au 2e étage, à gauche, en sortant de l’ascenseur…

Madame Françoise Dorin, écrivain de renom, est rentrée dans cet établissement il y a moins de 3 mois.

C’est le temps qu’il leur a fallu pour lui faire perdre 20 kilos, et l’usage de la parole.

C’est le temps qu’il leur a fallu pour laisser une escarre dégénérer et finir par faire la taille de mon poing.

C’est le temps qu’il a fallu pour la mener à un état irréversible.

Ho oui!  C’est joli! C’est cosy même.

On vous vantera volontiers la balnéo et le confort des chambres.

On vous fera des courbettes et des grands sourires.

On vous fera croire que tout est sous contrôle…

La vérité c’est que cet établissement à plus de 7000 euros le mois n’est pas un organisme de santé, mais une entreprise à but lucratif au même titre que les galeries Lafayette ou le Printemps.

Le stratagème est le même! Un peu de poudre aux yeux pour attirer le prospect, un beau merchandising, un beau discours pour conforter le client dans son achat, et puis une fois pris dans l’engrenage…il est trop tard.

Quoique, aux Galeries Lafayette, si vous n’êtes pas satisfait, vous êtes remboursé pendant un délai d’un mois… 

Malheureusement une personne aimée, une mère, une grand- mère, ça ne peut s’échanger ou se remplacer au service après- vente. »

Les rétrocessions

Ce qui compte pour Orpéa, ce n’est pas la qualité des produits  utilisés, mais leurs prix facturés. Dans tous les cas, il y a rétrocession d’une commission confortable, appelée « remise de fin d’année ». Plus vous demandez de rétrocession, plus la qualité des couches baisse! Mais ce qui est incroyable, c’est que la rétrocession s’applique sur des produits qu’ Orpéa ne paie pas, car ces produits sont payés par l’assurance maladie. Ces sommes économisées devraient, en toute logique, être reversées au profit des résidents, et ne pas bénéficier au système Orpéa.

Le personnel

Les directeurs d’EHPAD et de cliniques Orpéa n’ont qu’une faible marge de manœuvre. Tout est piloté par le siège d’Orpéa. Toute embauche, même un simple remplacement d’aide soignant pour congé maladie, doit être autorisée par le siège. La direction générale d’Orpéa fait alors pression sur le directeur pour qu’il améliore ses scores de gestion, avant de l’autoriser à embaucher. Peu importe la qualité des soins et services rendus aux résidents.

Détournement de l’argent public

Le groupe Orpéa est parvenu à encaisser encore plus d’argent public via 4 biais différents: 

– en dépassant le nombre de lits autorisés

 – en réduisant le nombre de soignants et médecins (en faisant glisser les postes facturés vers d’autres établissements du groupe )

 – en maximisant le coût de chaque patient pour l’assurance maladie

–  en instaurant des remises de fin d’années sur l’ensemble des prestations et produits médicaux payés par l’argent  public.

Gestion interne

Afin de faciliter la gestion d’un grand groupe, l’entreprise Orpéa a créé un syndicat – maison, appelé Arc -en-ciel. Aucune autre organisation syndicale n’est prise en compte. Toute amélioration des conditions de travail, tant collective que personnelle, ne peut passer que par ce « syndicat » .

Enfin, pour bien faire comprendre aux directeurs qu’ils ne sont que des pions, aux ordres de la direction générale, on les vire pour un “oui ou pour un non”. Le remplacement peut être brutal: on le réceptionne sur le parking de l’EHPAD, on lui signifie son licenciement, on récupère son téléphone, son ordinateur, on fait le « ménage, » on détruit ses archives, on le remplace sur le champ par un ( ou deux) directeurs- nettoyeurs. (On se croirait dans un mauvais polar.)

Collusion Orpéa/ ARS

La collusion avec les A.R.S. (agences régionales de santé, services du ministère de la santé) peut prendre plusieurs formes: bienveillance volontaire, implication d’un agent de direction d’une ARS, intervention d’une autorité administrative ou politique. 

En retour, les contrôles de l’autorité administrative sont rares, prévus à l’avance,   et, sauf exception, défaillants. Ici ou là, une inspection du travail ou une inspection d’un conseil général peut faire des observations; mais la puissance administrative qui seule peut agir en retirant l’agrément, est l’ ARS. Or, les ARS sont pour le moins bienveillantes.

Schiltigheim

Une procédure de contrôle d’une EHPAD est largement présentée dans le livre. Cela se passe à SCHILTIGHEIM, commune proche de Strasbourg.

Le groupe possède une importante structure comprenant un EHPAD, une clinique de longue durée, ainsi qu’une clinique de soins de suite. Le responsable médical du groupe Orpéa, va prendre plusieurs jours pour trafiquer ses tableaux de présence du personnel, rajouter de faux dossiers, déplacer quelques personnes de la clinique vers l’Ehpad. Il montre aux enquêtrices les exercices de travail d’un kiné,leur fait faire le tour de la clinique. La poudre aux yeux a fonctionné, et les enquêtrices repartirons satisfaites de cette visite; 

Au cours de ce contrôle il y avait 3 soignants qui n’étaient pas en place, et une tripotée de personnes âgées qu’on avait planqué dans l’ehpad, raconte le responsable médical d’Orpéa. 

 Appuis politiques.

Enfin, tout ce système ne tient qu’avec des appuis politiques: préfet chargé de régler les problèmes administratifs,  ancienne inspectrice d’une ARS qui  » pantoufle » chez Orpéa, et qui fait du  » lobbying », des chargés d’affaires rémunérés en fonction des autorisations de créer des établissements,  rémunération d’anciens ministres de la santé comme consultants…

Victor Castanet laisse entendre à plusieurs reprises que la personne qui fait autorité en matière d’assurance -santé, et qu’Orpéa sollicite en cas de difficulté, est l’ancien ministre de la santé, l’ancien assureur de Saint Quentin, Xavier Bertrand. 

Il a été deux fois ministre de la santé (2005-2007 puis 2010 à 2012 ) et surtout il a été l’homme fort de la santé durant la période la plus déterminante du secteur de la dépendance, dans les années 2002-2010, années ou le marché des autorisations d’EHPAD et de cliniques a littéralement explosé.

Interrogé par le journaliste Victor Castanet, Xavier Bertrand se retranche derrière quelques considérations générales sur l’importance de la dépendance, et assure n’entretenir aucune relation avec les dirigeants du groupe. Il ne réfute pas avoir soutenu des projets présentés par le groupe Orpéa, mais affirme que celà s’est fait dans le strict respect des procédures.

A la fin du livre, Victor Castanet dévoile  qu’un « intermédiaire » l’aurait approché, et lui aurait proposé de monnayer la non parution du livre, contre une somme de 15 millions d’euros. Notons que les principaux dirigeants  d’Orpéa, président, directeur général, directeur-délégué ont décidé de se retirer de l’entreprise, fortune faite.

En marge de ce livre, plusieurs remarques me viennent à l’esprit. l’Etat va-t-il se saisir de ces informations pour diligenter des enquêtes? Va-t-il  enquêter sur les rétro- commissions, notamment sur celles relatives au matériel pris en charge par l’assurance maladie? L’assurance maladie va-t-elle porter plainte?  L’Etat se penchera-t-il sur les relations « malsaines » entre l’administration et les groupes privés? Vérifiera-t-il les comportements d’autres groupes, comme Korian? 

Nul doute que si Xavier Bertrand avait été retenu par les L.R. pour les représenter à la présidentielle  2022, certains faits des années 2000-2012  seraient remontés à la surface afin de le disqualifier, comme l’a été un certain François Fillon.

Chanoine

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