La consultation citoyenne emm…
les partis traditionnels

Frédéric Bierry et sa consultation citoyenne troublent le jeu des partis. Pas étonnant que tant d’élus souhaitent son échec, mais le plus souvent en silence. Histoire de pouvoir dire « J’ai toujours été pour ! » si le pari réussit.

Le jeu des grands partis qui ne songent qu’à recueillir votre vote pour n’en faire ensuite qu’à leur tête vous fait rire… jaune ? Le carriérisme (de bas étage) et la lâcheté (congénitale ?) de la majorité des élus alsaciens vous insupportent ? Alors la « consultation citoyenne » est doublement faite pour vous, et on vous détaille ci-dessous pourquoi. 

Mais déjà votez (si ce n’est déjà fait) et faites voter en cliquant sur ce lien : https://entre-vos-mains.alsace.eu/processes/consultation-citoyenne/f/32/

Consultation citoyenne à deux niveaux et doublement emm… 

Voyons d’abord la question elle-même : on demande aux Alsaciens s’ils veulent sortir du Grand Est. Voilà qui gâcherait la carrière de Jean Rottner, président de la région Grand Est, et ses chances de devenir ministre. Déjà que Jean sans Ministère a vu Brigitte Klinkert lui souffler le job l’année dernière…

Don Rottner veille donc au grain, aidé de ses fidèles lieutenants en Alsace : la jeune et ambitieuse sénatrice Elsa Schalck, la girouette Laurent Furst, maire de Molsheim qui préside les LR 67, plus les autres, élus conseillers régionaux l’an dernier sur la liste Rottner. Consigne : black-out sur cette consultation, sinon bye bye les subventions de Grand Est ! Comme Grand Est s’est déjà fait la main sur quelques associations rebelles (Fédération Alsace Bilingue notamment) l’an dernier, la menace est prise au sérieux par les élus alsaciens. Sauf une bande de rebelles en rupture de ban avec LR – André Reichardt, Eric Straumann, Yves Hemedinger, etc. – qui soutiennent Frédéric Bierry dans son drôle de défi.

Ensuite, au-delà de la question posée, c’est le principe même d’une telle consultation qui fait grincer des dents notre petit monde politique. Frédéric Bierry dit s’inspirer des votations suisses et veut consulter sur d’autres sujets délicats (Stocamine, taxe poids lourds). Il espère même faire de l’Alsace un laboratoire d’idées en injectant une dose de démocratie directe pour remettre sur pied une démocratie représentative mal en point face au virus de l’abstention (70% aux dernières élections municipales, départementales et régionales).

En voilà une « Schnapps Idee » ! Frédéric Bierry serait-il un gilet jaune pour promouvoir le RIC (référendum d’initiative citoyenne) ? Dans ce pays, on élit ses représentants tous les 5 ans (président et députés) ou 6 ans (maires, conseillers départementaux et régionaux). Et ces élus, une fois oints du suffrage universel, gouvernent comme ils veulent (n’est-ce pas François Hollande ?) sans avoir de comptes à rendre au bas peuple. 

Et là justement, on est en pleine séquence présidentielle, on aimerait bien dérouler son programme et éblouir les gogos sans s’encombrer des états d’âme de provinciaux. Revenez plus tard, et peut-être qu’on vous écoutera… si vous êtes sages. Voilà en résumé la position de tous les partis nationaux qui n’aiment pas qu’on bouscule leur agenda. Les médias qui leur sont inféodés (DNA) suivent le mouvement : service minimum pour la consultation.

Et puis soyons sérieux, la France, pays de la démocratie et des droits de l’Homme, ne va quand même pas s’abaisser à prendre des leçons chez ces ploucs de Suisses. Non mais allo quoi ?, comme dirait une vedette de la téléréalité.

Notre palmarès  des réactions politiques

La palme du ridicule revient sans conteste au fringant député LR Raphaël Schellenberger. Pas un mot sur la consultation citoyenne depuis un mois, mais quand l’essayiste Agag-Boudjahlat fait sa pub sur Twitter en rêvant de « vendre l’Alsace à l’Allemagne », l’occasion est trop belle. Raphaël Schellenberger se fend d’un tweet vengeur pour dénoncer « l’insulte à notre histoire, à l’identité et la générosité de l’Alsace ». Faire semblant et gesticuler, c’est un métier vous dit-on.

La double palme de l’hypocrisie et du mépris revient aux écologistes d’EELV. Dans un communiqué signé de leurs conseillers d’Alsace Ludivine Quintallet et Damien Frémont, ils prétendent avoir la réforme des régions de 2015 « en travers de la gorge ». Mais 5 ans après la naissance de la grande région, ce n’est pas l’heure d’en rediscuter, eux programment cela pour… 2030 ! Même Jacques Chirac n’aurait pas osé un tel foutage de gueule, c’en était pourtant un grand maître.

Jeanne Barseghian, l’ineffable maire de Strasbourg, a repris cette semaine l’argumentation de son parti. Elle préfère sans doute pour Strasbourg le statut de capitale du Grand Est à celui de capitale alsacienne. Et préfère fermer l’œil sur une réalité moins reluisante : l’exode des centres de décision de Strasbourg l’excentrée vers Nancy ou Metz. ARS, rectorat et dernièrement gendarmerie : tout fuit vers l’ouest. De même pour une centaine de structures (ligues sportives, professionnelles, etc.) fusionnées de force avec leurs homologues lorraines et champardennaises depuis 2016.

Faut-il alors s’étonner que le statut de Strasbourg comme capitale européenne soit remis en cause ? Quand on ne sait pas, qu’on ne veut pas se faire respecter dans son propre pays, faut pas compter sur les autres pour le faire à votre place ! Bon, faut l’excuser, Jeanne Barseghian, elle a d’autres chats à fouetter, en particulier une ZFE qu’elle a du mal à vendre aux communes autour de Strasbourg, on se demande pourquoi.

La palme d’or du silence est décernée conjointement à LREM et au Parti socialiste. Mais pour des raisons différentes. Le Parti socialiste n’a toujours pas fait son deuil des années Hollande, et ne s’intéresse pas à l’Alsace qui, hors Strasbourg, ne l’a jamais favorisé. Même la sémillante Céline Geissmann, récemment interviewée ici, reste bouche cousue sur cette consultation citoyenne. Dommage.

Chez LREM, c’est l’attentisme. Il semble que Jupiter (et son consigliere Alexis Koehler) ait décidé d’attendre le résultat de la consultation pour choisir son camp. On n’est jamais trop prudent en période électorale. Du coup, nos cadors alsaciens en marche parlent de la pluie et du beau temps sur les réseaux sociaux, mais de consultation, nenni ! Même Brigitte Klinkert, cofondatrice et binôme d’Eric Straumann à la Collectivité européenne d’Alsace, opposante à Jean Rottner, se tait éperdument. Sylvain Waserman, vice-président de l’Assemblée nationale, joue lui-aussi le muet du sérail.

 A la décharge de tous ces élus, reconnaissons que ce concept de consultation citoyenne a un gros désavantage. Si cela devient habituel voire institutionnalisé (on peut rêver), finies les jérémiades contre Paris et les postures de victimes. Il va falloir devenir responsables comme les Suisses et les Allemands, et ne pas répondre systématiquement à côté de la question. Au secours !

Philippe le Hardi

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