Haut Conseil de l’Assurance Maladie
A l’heure où nos élites s’interrogent sur la création d’une « grande sécurité sociale », intégrant le remboursement des actuelles mutuelles et complémentaires-santé à celles de l’assurance maladie, nous rappelons que ce dispositif existe déjà mais uniquement dans les départements de l’Alsace et de Moselle. C’est ce que l’on appelle le « régime local Alsace- Moselle. »
Olivier Véran, ministre de la Santé, a demandé au Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie (HCAAM ) de proposer plusieurs scénarios pour une meilleure articulation entre la Sécurité Sociale et les différents acteurs de la complémentaire-santé.
L’enjeu est important
Notre système de financement, pour partie obligatoire (sécurité sociale), pour partie facultatif (complémentaire-santé, mutuelles), traite des mêmes dépenses de soins. A la différence des autres pays, où le système complémentaire rembourse les soins non couverts par le régime général.
Particularité française
Le système complémentaire ne rembourse que partiellement une partie des soins déjà remboursés par la sécurité sociale. Ainsi, le prix d’une consultation chez le médecin est remboursé à 70% par la sécurité sociale, et le complément, soit 30%, par les complémentaires santé.
Régime local : Bas-Rhin, Haut-Rhin, Moselle
Dans ces 3 départements, (Bas-Rhin, Haut-Rhin, Moselle ), le système général de la sécurité sociale est combiné avec le système dit « régime local ». Dans notre exemple de consultation médicale, le patient n’est pas remboursé à 70% comme précédemment, mais à 90%. Il en est de même des dépenses de pharmacie, de laboratoires, d’hospitalisation, ..
Rappelons tout d’abord que ce régime, dit « local », est le fruit de l’Histoire. Ces 3 départements ont été annexés par l’Allemagne en 1870, après la défaite de Sedan, et ont subi l’application des lois allemandes, notamment des lois sociales de Bismarck .
A la fin de la guerre de 1918, puis après celle de 1945, les lois appliquées à la population alsacienne et mosellane leur étaient plus favorables que celles appliquées par la Sécurité Sociale au reste de la France. Ces départements ont donc obtenu, d’abord à titre provisoire, puis à titre définitif (en 1991) la possibilité de pérenniser leur propre dispositif .
Ce dispositif, appelé » régime local », conjugue tout simplement l’application du système général français à un système additionnel, payé par les salariés et retraités de ces 3 départements, et gérés par les caisses de sécurité sociale.
Le régime local verse à ses bénéficiaires, directement sur le décompte de la Sécurité Sociale, un complément de remboursement, correspondant à ce que l’on pourrait appeler une « complémentaire obligatoire ». Ce régime finance en outre certaines dépenses d’actions de prévention en matière de santé.
Fonctionnement
Financé par une cotisation fixe et obligatoire de 1,5% de l’ensemble des salaires et retraites versés dans ces 3 départements, le régime local s’adresse aux contributeurs (c.à.d.ceux qui cotisent), à leurs ayants-droit, conjoints, enfants, et aux personnes en situation de chômage. Ce taux sera ramené à 1,3% à partir du deuxième trimestre 2022.
Le fonctionnement est assuré par les organismes du régime général de la Sécurité Sociale (CPAM) , par la caisse d’Assurance Retraite et de la Santé au Travail (CARSAT), et par les Urssaf pour la partie recouvrement des cotisations.
1% des recettes sont consacrées aux charges de fonctionnement de ce régime, 99% sont réglées directement aux assurés et ayants -droits. Très peu de personnes sont nécessaires au fonctionnement de ce régime (moins d’une douzaine).
Un Conseil d’Administration spécifique , composé comme ceux du régime général, de représentants des organisations syndicales et patronales, décide du niveau de prestations complémentaires, du financement des actions de prévention, et du placement des réserves et provisions. Car oui, il y a des excédents…
Budget
Ce régime local couvre une population de près de 2,1 millions de personnes, encaisse des cotisations de près de 505 millions d’euros, (en 2020, derniers chiffres connus), et dépense…462 millions d’euros (toujours en 2020, derniers chiffres connus).
Ce système fonctionne bien, il est bien géré, il dégage des excédents, et il est également bien rôdé. Bien sûr, des mutuelles ou complémentaires -santé peuvent s’y ajouter, comme dans les autres départements français, mais uniquement pour la part résiduelle, non prise en charge par le système général et le régime local.
Ce problème de simplification des systèmes de Sécurité Sociale n’est pourtant pas qu’un problème technique, permettant de mieux financer, à moindre coût, les dépenses d’Assurance santé.
C’est avant tout un problème politique, représentant des milliers de salariés, des centaines de directeurs, de directeurs-adjoints, généralement mieux payés que les cadres de la Sécurité Sociale. Et des sommes dépensées dans le marketing, la publicité, les nombreux systèmes informatiques.
Fausse concurrence
Bref, une fausse concurrence qui n’apporte rien aux assurés sociaux . De nombreux lobbies y sont liés (assurances, mutualité,) des forces politiques y trouvent leur pouvoir, leur clientèle,.
Alors…les décideurs feraient bien de s’inspirer, et pourquoi pas, de généraliser le système dit « régime local de l’Alsace- Moselle ».
Il perdrait son côté « local », et deviendrait « général » .
Chanoine