Le faux vinyle

Selon certaines rumeurs, le disque est condamné à disparaître à plus ou moins brève échéance. Depuis quelques années, son industrie assiste, impuissante, à l’effondrement spectaculaire des ventes de ce support né il y a plus d’un siècle. Cette situation résulte de la mise en ligne sur internet de presque toute la musique du monde. 

Le téléchargement est gratuit pour les titres tombés dans le domaine public, payant pour ceux enregistrés après 1971. Pour retrouver le chiffre d’affaires perdu, les compagnies de disques ont fait renaître le microsillon, appelé aujourd’hui vinyle, en vantant la qualité du son analogique. Si on retrouve avec bonheur les pochettes d’origine agrémentées de belles photos ainsi que les textes de présentation, le son du disque ne tient pas ses promesses. 

Les bandes magnétiques originales sont rarement utilisées et, lorsque c’est le cas, la musique est le plus souvent « nettoyée » en numérique avant d’être transférée en analogique. On retrouve donc dans ces éditions vinyles le son digital du CD. Il en est de même avec les enregistrements actuels réalisés en digital et publiés en microsillon. 

Phénomène de mode, la nouvelle génération ne possède plus de lecteur CD et l’a remplacé par une platine vinyle sans pour autant gagner en qualité ! Quant aux audiophiles, qui détestent le son diffusé par le net (MP3) ainsi que celui digital du CD, ils n’ont d’autre choix que de poursuivre leurs recherches des premiers pressages analogiques.

Cette mévente a conduit les Majors à restreindre leurs catalogues. La musique classique et le jazz ne représentent qu’environ 3 % du marché et la coupe est sévère. Dans ces domaines les trois-quarts des références ont disparu et il est devenu aujourd’hui très difficile de trouver le disque souhaité. On peut néanmoins comprendre la politique des compagnies de disques, qui hésitent à investir dans des enregistrements à lourds budgets et ne rééditent que certains disques, dont la vente est assurée.

Le disque est à l’agonie, mais les productions indépendantes comblent le vide des catalogues des Majors, pour le plus grand bonheur des mélomanes. 

Quelques rares producteurs méritoires ont néanmoins le courage de poursuivre leurs publications : Frémeaux & Associés (France), une société indépendante créée en 1991 par Patrick Fremeaux et Claude Colombini : un large catalogue très ouvert : Musique Classique, Jazz, Blues, Gospel, entretiens et livres sonores, mais aussi Variété Française. La qualité est toujours au rendez-vous / Freshsound (Espagne), un label indépendant spécialisé dans le jazz. Créé par Jordi Pujol, un passionné, ce label propose un choix important d’enregistrements récents de jeunes talents ainsi que des rééditions.

 Jordi Pujol a été récompensé à Paris par le prix de l’Académie du jazz en 2012, 2017 et par le Charles Cros en 2018. / Mosaic (USA), le label des collectionneurs, a été fondé en 1982 par Michael Cuscana, un vétéran des producteurs de jazz : 270 luxueux coffrets (30 x 30 cm), intégrales par artiste et par marque d’origine avec nombreux inédits et livrets richement documentés. L’édition est limitée, seuls les quatre derniers coffrets sont disponibles. Son travail de recherches dans les archives, la reproduction à partir des bandes magnétiques d’origine sans nettoyage numérique et la qualité des livrets ont été récompensés par de nombreux Grammy Awards. 

Signalons un incroyable coffret de 6 CD The Savory Collection », qui réunit des inédits de L. Armstrong, C.Basie , F.Waller, C. Webb, etc.  1000 disques acétates  de musique classique et de jazz furent découverts par la famille au décès en 2004 de Bill Savory, un talentueux ingénieur du son. Ces enregistrements proviennent d’émissions radio, de musique à la demande via la ligne téléphonique et datent de la période 1935-1940.

 Le musée du jazz de New York a pu acquérir cette collection grâce à une donation et ce n’est qu’en 2020 qu’une première partie de ce trésor a été publiée par Mosaic/ / Resonance (USA) est une nouvelle compagnie sur le marché. Son producteur George Klabin développe l’activité de Rising Jazz Stars, une société à but non lucratif qu’il a fondée en 2008. Son bras droit, Zev Feldman, parcourt le monde et trouve auprès des collectionneurs et des stations radio de rares enregistrements inédits, qui sont publiés en LP et CD. Seul bémol, certains disques souffrent d’un nettoyage digital trop prononcé.

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