James Bond contre Dr. Woke

Depuis sa première aventure cinématographique, en 1962, James Bond a gagné contre environ 24 méchants.  Mais c’est le dernier opus, « Mourir peut attendre » de Cary Joji Fukunaga, le 25e, qui semble avoir eu raison de sa peau.

C’est en fait hors des plateaux que James Bond a perdu son dernier combat. Un héros blanc, vous rendez-vous compte ? Qui plus est occidental et même britannique ? Cela ne fait plus très bon effet, d’autant que l’Angleterre a eu de « méchantes » colonies. Oui, trop de défauts, sans oublier un autre essentiel : il est hétérosexuel. Cela fait un peu vestige.

Alors, pourquoi n’actionnerait-on pas le shaker (un des objets fétiches de James Bond) pour transformer l’agent secret en son total opposé, soit une femme, de couleur, pas forcément hétérosexuelle, évidemment végane et contre le réchauffement climatique ?  Cauchemar iconoclaste ?  Non, effectif dans le prochain opus, les producteurs l’ont annoncé. Plutôt que d’ajouter un matricule dérivé de la franchise, un 008 par exemple, pour caser leur nouvelle héroïne, ils ont préféré tuer le mythe… 

« I have a dream » à la sauce blanche

Imaginons l’inverse au cinéma. Que demain l’on mette, au nom de je ne sais quelle idéologie, les personnages mythiques de couleur à la sauce blanche, à la béchamel. Une version de Martin Luther King en blanc, avec Johnny Depp par exemple, ce serait génial, non ?  I haaaave a dreaaaam mais en blanc. Ou une version de Mandela avec Depardieu dans le rôle-titre.

Et pourquoi ne réaliserait-on pas un biopic sur le chanteur James Brown en super blanc, Get up get on up !, joué par l’excellent James Franco ? Ou un Ray Charles, What a wonderful world, incarné par François Cluzet, ou une Tina Turner par Mireille Mathieu ? Tout cela serait évidemment impossible. La « culture woke » n’étant pas une culture du mélange, mais bien celle d’un nouveau tri sélectif. 

Pourtant, à la vitesse où ces « idées » se propagent, la James Bond féminine sera peut-être demain un peu trop définie, voire « has been » car genrée. Au nom d’une frange de la population qui s’estimera non représentée, donc lésée et bafouée, il faudra créer un James Bond ni femme ni homme, ni blanc ni noir, ni occidental ni même rien du tout.  N’appartenant à aucun sexe, aucun pays, sans aucunes racines. Que dire d’une civilisation qui commence à triturer ses propres mythes ? 

Ulysse en femme asiatique

Imaginons que, du jour au lendemain, les Grecs aient décidé de faire d’Ulysse une femme par exemple asiatique, vivant hors de leurs contrées (pour éviter d’être taxés de chauvinisme), et refusant de combattre le Cyclope au nom de la diversité : quel en aurait été l’impact sur la vitalité, la force et l’essor de leur civilisation ? Comment les soldats et les jeunes citoyens d’Athènes, qui se revigoraient par la puissance cathartique de leurs mythes, auraient-ils réagi ?

Inutile d’envahir Athènes, elle aurait été minée de l’intérieur, prête à s’affaisser comme un château de cartes par la substitution de ses mythes, le musellement de ses philosophes, l’écroulement de toute sa métaphysique, jusqu’à envahir le Sénat et la machine judiciaire.  Athènes n’aurait été qu’un feu de paille. Elle n’aurait peut-être pas produit les Jeux olympiques, autant de soldats aguerris, de mathématiciens et d’architectes de génie, de tragédiens, de philosophes hors système (Diogène, Épicure et autres), ni ce régime politique qu’est la démocratie où la minorité se plie à la majorité.

Pour en revenir à la prochaine « James Bondette », parions qu’elle affrontera un méchant mâle blanc, créateur d’une machine à accélérer le réchauffement climatique. On comprendra que, finalement, ce sont nous les méchants, nous qui utilisons la voiture, prenons l’avion, mettons le chauffage, allumons la clim’ ou la lumière. Nous qui sommes encore des hommes et des femmes, nous qui avons encore un pays, une langue, une histoire et des mythes.

Ygal Levy

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