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Jeux de dupes

Être inclusif, il paraît que c’est adopter la bonne attitude. Ne laisser personne sur le bord de la route, veiller à une équité érigée en valeur absolue, exposer chacune des caractéristiques humaines à la visibilité qu’elle mérite par définition et en forcer le trait jusqu’au ridicule, voilà l’idée, pourvu que cette vision fantasmée ait investi votre esprit et s’impose à vous au point de devenir la réalité qu’elle ne saurait être. Pur produit de l’idéologie wokiste, l’inclusivité reste avant tout un projet de société et en ce sens, revêt une dimension foncièrement politique du fait de son caractère vindicatif, mais aussi de la nature de ses combats. De fait, il est attendu que toute occasion susceptible de sensibiliser le public à ces nouveaux dogmes, constitue une aubaine médiatique de premier choix, surtout lorsque l’événement en question est diffusé à une échelle planétaire.

La presse internationale a beau s’être montrée particulièrement élogieuse quant à la cérémonie d’ouverture des Jeux 2024, j’avoue comme à chaque fois, me sentir un peu éloigné de l’euphorie suscitée. Peut-être dois-je admettre une malhonnête tendance à analyser et à poser des constats là où seules devraient compter la beauté artistique, la prouesse technique et l’atmosphère festive, mais ainsi suis-je fait, je ne suis réceptif qu’au sens de l’événement par-delà l’objet sportif dont il est question et à ce qu’on veut lui faire dire. J’avais imaginé que ces Jeux seraient un « remake » du récent Concours Eurovision de la Chanson et au vu du spectacle que ce misérable étalage de vulgarité et de médiocrité avait offert, aucune illusion n’était permise. C’est donc sans surprise que j’y retrouvais la même débauche frénétique de styles, de genres et de postures faussement joyeuses, la même obscénité devenue la norme, la même succession de messages déconstructifs, la même inclusivité redondante déconnectée du sport à l’exception du surpassement de soi dans l’effort dont ont fait preuve les organisateurs dans leur délire militant.

Exceptés les défilés des délégations sur leurs bateaux et la flamme olympique que se sont transmis les champions, la représentation sportive n’était clairement pas le but recherché. Pas davantage qu’un inventaire des figures symboliques du pays, raison de la venue de millions de touristes, interloqués par la tournure de ce cirque. Rien sur les régions, le folklore, les campagnes, les racines, peut-être parce que ces concepts dérangent et brouillent le message principal qu’est notre effacement. En revanche, la transfiguration blasphématoire d’un tableau de Vinci tourné en dérision, (en aurait-on fait de même avec le prophète, demandez à Charlie), la production de pseudo-scènes de l’histoire nationale soigneusement sélectionnées, la réinterprétation scénique de ce qui fut le socle historique du pays, rien n’aura été laissé au hasard qui ne collât à la vision macronienne de la culture française, réduite à quelques fresques bâclées, mal fagotées et dépouillées de leur contexte et donc de leur sens premier. Les corps dénudés et exposés séduisent les uns, choquent les autres. Philippe Katherine se défend, « la nudité dit-il, c’est vraiment même l’origine des jeux ». Tout est dit. On a beau chercher dans l’étalage sulfureux des provocations, l’esthétique se fait aussi rare que le bon sens parce que désormais, la laideur s’est imposée comme une norme, la médiocrité comme une valeur. Champions du ridicule, les musiciens de la Garde Républicaine se déhanchant avec Aya Nakamura sur son Dja-Dja en playback sur fond d’Académie nationale, me font presque pitié… Je me délecte du sublime né de cette rencontre musicale où le prestige d’une institution et la vulgarité d’une artiste partagent un instant d’émotion kafkaïenne, sans se rendre compte qu’ils écornent au passage l’image de la France, son rayonnement, son histoire, son âme et son honneur. Mais peu importe tout cela, seuls les grincheux d’extrême-droite râlent dans leurs salons. Pourquoi s’étonner ? La présidence de Macron ne nous a-t-elle pas habitués aux extravagances racisées et délirantes dans la cour de son palais ? Sinon, à combien d’autres foutages de gueule orchestrés à la seule gloire de ce monarque devrons-nous assister ? Combien d’autres barbus en porte-jarretelles pour nous convaincre qu’ils sont les maîtres décadents de ce monde nouveau, et qui n’ont de France ni le parler, ni le savoir, ni le souci ?

Dans son tombeau de Saint-Denis, le Roi Soleil songe avec regrets aux splendeurs de Versailles, aux fêtes données à sa gloire, à la toute-puissance de son royaume et à l’éclat éternel de son règne.

Deux mondes, deux France, deux visions, deux projets. L’un luttant pour sa survie, la préservation de son identité et de sa continuité, l’autre pour son avènement et sa domination. L’un taxé de rance par Libération comme au mondial de rugby, l’autre portant la flamme d’un progressisme débridé, comme si l’un était celui d’une France vieillotte repliée sur elle-même et nostalgique, et l’autre d’une France jeune, diversifiée, audacieuse et insolente. Peut-être cette cérémonie finit-elle de convaincre les plus sceptiques de l’incompatibilité de ces deux mondes, de leur incapacité à se regarder en face, à se parler et à s’accepter. Mais elle est surtout l’expression d’une fracture irréductible entre deux peuples, deux approches de notre rapport à l’autre dont rien de bon ne peut surgir qu’une société morcelée et conflictuelle, preuve que le suicide français est une réalité.

Nestor Tosca

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