Rappelle-toi, cette phrase d’Esope qui chante :
« Prends garde à ne pas te perdre toi-même en étreignant des ombres. »
Il s’agit bien des vivants …
De ceux qui ne sont pas là mais que tu aimes,
De ceux que tu n’as de cesse d’aimer ou de désirer,
Ceux que tu as rencontrés un bref instant sur le chemin du temps, dont tu as caressé doucement la main,
Ceux auxquels tu n’as pas eu le droit,
Ceux qui n’ont pas voulu de toi, ceux qui t’ont quitté ou que tu as été forcé d’abandonner.
Il s’agit bien de ces vivants-là,
Ceux que tu portes en toi, qui vivent, à la fois si proches et si loin de toi …
Tu vas me dire qu’ils te nourrissent, malgré leur absence, qu’ils bercent ta solitude, qu’ils te tiennent en haleine, en beauté, en pulsions et en passion.
C’est vrai, tu as raison.
Mais est-ce que l’image d’eux, inaccessible et désirable comme rien d’autre au monde, n’est pas également le plus bel empêchement ?
Est-ce qu’à sans cesse vouloir atteindre l’impossible, on ne piétinerait pas le possible ?
Nous étreignons des ombres, des illusions, des fantômes, des fantasmes, des rêves, des souvenirs, des désirs, oui de furieux désirs. Nous les chérissons. Ils nous forment et nous déforment. Nous les aimons.
Tu sais, lorsque je rencontre quelqu’un qui me plaît, c’est à cette mystérieuse, silencieuse et délicieuse partie de lui que je veux accéder …
Martine BENZ ®️