Dimanche 18 mars, le public s’est déplacé en nombre dans le décor champêtre des bords de l’Ill, avec comme décor de fond la structure corrodée du mythique pont des Américains. Aux abords du pont : véhicules alliés d’époque et installation d’un site de guerre avec PC, infirmerie et emplacements de combat.
Les habitants de Horbourg-Wihr ont répondu à l’appel de leur maire, Thierry Stoebner. Tous ont les yeux levés vers le pont, fruit de la fusion de deux pontons du port artificiel d’Arromanches en Normandie, fabriquée en 1943-1944 dans le sud de l’Angleterre. Ils sont télescopiques pour contrebalancer la houle de l’Atlantique. Si cette structure métallique n’a pas subi les aléas de cette houle, en revanche, elle a subi ceux du temps depuis son installation sur l’Ill en août 1947.
Ce pont est le seul vestige en Alsace du pari technologique et stratégique des Alliés pour construire un pont artificiel flottant afin de faire débarquer soldats et matériels. Il fut utilisé pour la logistique de toute la bataille de Normandie jusqu’à la fin de l’été 1944.
Depuis presque 70 ans, il fait partie intégrante du paysage : contre le temps, il a tenu le choc autant par la volonté des municipalités successives que celle des habitants fidèles à « leur » pont.
Mais dans toutes les consciences des habitants bruit la disparition de cet ouvrage de la Seconde Guerre mondiale fort de l’amitié franco-américaine. Certains soirs d’orage, sur ce bout d’Arromanches résonnent le pas lourd des GI’s venus d’Outre Atlantique venus nous libérer. Certains ne déposeront même pas le pied sur le sable et ne connaîtront jamais la douceur de ce pays pour lequel ils étaient prêts à donner leurs vies. L’allocution émouvante du colonel William Deleal, attaché du Corps des marines auprès de l’Ambassade des Etats-Unis, le rappelait.
Il est évident que, pour certains nouveaux venus dans la commune, ce pont, c’est du passé. Mais, pour la plupart d’entre nous, le passé ne passe pas à la trappe de cette façon grotesque.
A l’occasion des journées du patrimoine, pour reprendre la main sur la fuite du temps et pour répondre à la soif d’enracinement de ses administrés, le maire de Horbourg-Wihr veut aller à contre-courant de la dégradation lente mais certaine de la structure du pont des Américains qui avait conduit il y a deux ans à sa fermeture à la circulation complète automobile et piétonne.
Ce petit bout de Normandie est un site mémoriel qui « doit être accessible et vivant ». L’objectif de la municipalité est donc de rétablir au plus vite une circulation douce avec un passage réservé aux piétons et aux cyclistes.
Car il faut bien l’admettre, alors même que s’étend derrière nous l’affiche de la campagne nationale invitant aux Journées du patrimoine et célébrant « le patrimoine durable », force est de constater que les structures emblèmes de nos communes, les racines de notre culture, les noms de nos rues ont plus que jamais besoin de renfort pour tenir en profondeur et tenir unie une nation qui se délite sous les doubles attaques de l’oubli ou de l’omission trop facile de petits esprits.
Gérard Cardonne
Reporter Sans Frontières