Le 27 janvier correspond à l’anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau. Le travail de mémoire et de commémoration doit se poursuivre. Il est de notre devoir de transmettre l’histoire à nos enfants, afin qu’ils n’oublient pas, afin qu’ils puissent la raconter à leur tour, afin que jamais ne reproduise l’horreur de la Shoah.
Pour honorer tous ceux qui ne sont pas revenus de l’enfer, mais aussi pour ceux qui sont revenus meurtris et détruits. Ceux qui ont retroussé leurs manches, silencieusement, courageusement, et qui ont choisi de continuer de vivre dignement et librement, Le Torchis a choisi des extraits du livre de Primo Levi(1919-1987) “Si c’est un homme”.
Plus rien ne nous appartient
Ils nous ont pris nos vêtements, nos chaussures, et même nos cheveux ; si nous parlons, ils ne nous écouteront pas, et même s’ils nous écoutaient, ils ne nous comprendraient pas.
Ils nous enlèveront jusqu’à notre nom : et si nous voulons le conserver, nous devrons trouver en nous la force nécessaire pour que derrière ce nom, quelque chose de nous, de ce que nous étions, subsiste.
La démolition d’un homme
Alors, pour la première fois, nous nous apercevons que notre langue manque de mots pour exprimer cette insulte: la démolition d’un homme.
En un instant, dans une intuition quasi prophétique, la réalité nous apparaît: nous avons touché le fond. Nous ne reviendrons pas. Personne ne sortira d’ici, qui pourrait porter au monde, avec le signe imprimé dans sa chair, la sinistre nouvelle de ce que l’homme, à Auschwitz, a pu faire d’un autre
Comment pouvait-on frapper un homme sans colère?
Ainsi, se traînent nos nuits. Le rêve de Tantale et le rêve du récit s’insèrent dans une trame d’images plus indistinctes : les souffrances de la journée où entrent la faim, les coups, le froid, la fatigue, la peur et la promiscuité, se muent la nuit en cauchemars informes, d’une violence inouïe, comme on n’en peut faire dans la vie courante, que pendant une nuit de fièvre. Nous nous éveillons à tout moment, glacés de terreur, encore sous le coup d’un ordre, crié par une voix haineuse, et dans une langue que nous ne comprenons pas. Comment pouvait-on frapper un homme sans colère ?
Nous appartenions à un monde de morts et de larves. La dernière trace de civilisation avait disparu autour de nous et en nous. L’œuvre entreprise par les Allemands triomphants avait été portée à terme par les Allemands vaincus : ils avaient bel et bien fait de nous des bêtes.
« Si c’est un homme » extraits – Primo Levi (1919-1987)
Le Torchis