En ce moment, j’interviens dans une classe de cm2, pour animer un atelier d’écriture. Les enfants découvrent les bases de la narration : Situation initiale / Élément déclencheur / Péripéties / Situation finale.
On parle de ce qui fait une bonne histoire et de la « trajectoire du héros ». Tous les gosses sont d’accord : de Harry Potter aux Pokémon en passant par la Reine des neiges, pour que ça soit intéressant, il faut qu’à la fin, quelque chose ait changé. Que les héros aient appris de leurs aventures, qu’ils aient compris leurs erreurs, qu’ils soient devenus plus forts, plus intelligents.
C’est la base. « Sinon, madame, c’est pas la peine, les héros, ils seraient vraiment trop bêtes », me disent les gamins en levant les yeux au ciel.
Nous sommes le 13 novembre, triste jour de commémoration des attentats du Bataclan. L’avocate de Salah Abdeslam a expliqué que son client souhaite « avoir accès à une démarche de justice restaurative afin d’ouvrir une porte aux parties civiles ». Dans un élan de candeur, elle a même précisé que son client était quelqu’un de « très humain ».
Tellement humain qu’il a beaucoup de succès, qu’il reçoit des lettres énamourées d’admiratrices, qu’il s’est marié avec l’une d’elles et qu’elle lui a fait passer une clé USB, afin qu’il puisse visionner des vidéos de propagande d’organisations terroristes sur son ordinateur fourni par l’administration pénitentiaire.
Nous sommes le 13 novembre et selon la DGSI, la menace d’attentat est toujours très élevée en France, avec des individus de plus en plus autonomes, qui se radicalisent tous seuls, en ligne, et des mis-en-cause de plus en plus jeunes.
Nous sommes le 13 novembre et, pour la cérémonie de commémoration, Anne Hidalgo pose, tout sourire, au-dessus d’un édito qui invite les Parisiens à venir déposer fleurs et bougies, tandis que Plantu proclame que “la culture sera la plus forte” dans un dessin à base de colombes et de musique.
Nous sommes le 13 novembre, nous évitons désormais soigneusement certains mots pour ne pas stigmatiser et nous voyons des « déséquilibrés » partout et des terroristes nulle part.
Nous sommes le 13 novembre, la France fait des accolades à d’ex-djihadistes devenus présidents, croie aux talibans inclusifs et serre les mains ensanglantées de ceux qui ont financé le terrorisme.
Pour qu’il y ait une bonne histoire, il faut qu’il y ait quelque chose de changé.
Il faudrait que nous ayons appris quelque chose de nos drames, qu’on soit devenus moins naïfs, plus intelligents et plus forts.
C’est la base. « Sinon, madame, c’est pas la peine, les héros, ils seraient vraiment trop bêtes ».
Mes petits CM2 l’ont bien compris.
Mais pas nous, apparemment.
Nathalie Bianco