Torquemada et la République des juges

« La justice entre les mains des puissants n’est qu’un système de gouvernement comme un autre.Pourquoi l’appeler justice ?”  (Bernanos)

Dans le sillage de la condamnation de Nicolas Sarkozy à cinq ans de prison pour “association de malfaiteurs” dans l’affaire du financement libyen de sa campagne de 2007, prononcée le 25 septembre 2025 et suivie de son incarcération à la prison de la Santé le 21 octobre 2025, les critiques envers le système judiciaire français se multiplient.

Et tandis que sa demande de mise en liberté sera examinée par la cour d’appel de Paris le 10 novembre 2025, et que des menaces de mort en prison soulignent la tension ambiante, deux aspects méritent un éclairage approfondi : 

la comparaison avec Tomás de Torquemada, symbole d’inquisition impitoyable, et le concept de “république des juges”, qui interroge l’équilibre des pouvoirs en démocratie.    

Ces points révèlent non seulement les dérives potentielles d’une justice perçue comme partisane, mais aussi les risques pour l’État de droit.

1. La Comparaison avec Torquemada : Un Acharnement Inquisitorial

Tomás de Torquemada, grand inquisiteur de l’Espagne au XVe siècle, reste gravé dans l’histoire comme l’incarnation de la persécution fanatique, où la quête de pureté idéologique justifiait tortures, procès inéquitables et condamnations basées sur des preuves ténues ou des témoignages extorqués. Cette figure est souvent invoquée pour décrire des systèmes judiciaires qui, sous couvert d’impartialité, et au nom de l’éthique mènent une chasse aux sorcières contre des figures publiques. Dans le cas de Nicolas Sarkozy, cette comparaison est portée par des observateurs qui voient dans les poursuites multiples un acharnement idéologique plutôt qu’une application sereine de la loi.

Dès la condamnation de septembre 2025, des médias et commentateurs ont dressé ce parallèle, soulignant comment les juges sont dépeints comme un mélange entre Torquemada et les révolutionnaires français, sacrifiant l’ancien président sur l’autel d’une justice vengeresse.   

Sarkozy lui-même, dans ses déclarations passées, a dénoncé une “haine” judiciaire, évoquant une vendetta qui dépasse le cadre légal.  Les éléments qui appuient cette analogie sont nombreux : une dizaine d’enquêtes depuis 2012, des fuites médiatiques orchestrées, des écoutes téléphoniques controversées, et des qualifications pénales extensibles comme “association de malfaiteurs”, qui permettent de condamner un homme sans preuves directes de corruption.   

Comme Torquemada qui homogénéisait la société espagnole par la terreur et le bûcher, certains magistrats semblent poursuivre une “purification” politique, ciblant les figures de droite avec une suspicion systématique, au point que des juristes parlent d’une justice qui voit les politiques comme “congénitalement corrompus”.  

Cette inquisition moderne se manifeste aussi par l’exécution immédiate de la peine, une mesure rare pour un ancien accusé en appel, transformant Sarkozy en “victime d’un complot vile” selon ses soutiens.  Des observateurs internationaux, s’étonnent de cette “particularité française” où la justice semble plus soucieuse de régler des comptes que de respecter la présomption d’innocence.  

En somme, la comparaison avec Torquemada n’est pas qu’une hyperbole rhétorique ; elle illustre un risque réel d’abus, où l’indépendance judiciaire glisse vers l’arbitraire, érodant ainsi la confiance publique.

2. La République des Juges : Quand le Pouvoir Judiciaire Éclipse la Démocratie

Le terme “république des juges”, popularisé en France pour critiquer un système où les magistrats exercent un pouvoir excessif, au détriment des élus et du peuple, trouve un écho puissant dans l’affaire Sarkozy. Inspiré des débats américains sur le “government by judiciary”, il dénonce une justice qui, par son indépendance mal régulée, devient un contre-pouvoir non élu, capable de neutraliser des leaders politiques. Dans le contexte français, marqué par un syndicalisme judiciaire orienté à gauche, cette notion est brandie pour expliquer l’acharnement contre Sarkozy, ancien président de droite.

La condamnation de 2025 a ravivé ce débat, avec des voix dénonçant un “triomphe de la république des juges”, où les magistrats imposent leur vision morale sur la société, remplaçant le gouvernement du peuple par celui des robes noires.    

Politiques et commentateurs soulignent l’impartialité mise en doute, avec des attaques verbales et menaces contre les juges, illustrant une fracture profonde entre l’institution judiciaire et la classe politique.  

Sarkozy, en appelant à une réforme, incarne cette résistance : il argue que les juges, non élus, ne devraient pas défaire ce que le suffrage universel a construit, surtout quand des sondages montrent que les Français, tout en soutenant l’indépendance judiciaire, expriment une colère croissante contre un système perçu comme partial.  

Cette “république des juges” se nourrit de failles structurelles : instructions interminables, fuites sélectives, ou emprise grandissante sur les affaires politiques, comme dans les dossiers Libye, Bismuth ou Bygmalion.   

Des analyses soulignent que ce mythe, bien que contesté comme un outil de restauration autoritaire, révèle une réalité où la justice politique l’emporte sur l’indépendance, en menaçant l’équilibre des pouvoirs.  

En libérant récemment un co-condamné comme Wahib Nacer tout en maintenant Sarkozy en détention, la cour d’appel renforce le poids des soupçons qui pèsent sur elle.

Ces deux points, l’inquisition torquemadienne et la république des juges, convergent pour alerter sur le risque d’une justice qui, en s’affranchissant des garde-fous, pourrait asphyxier la démocratie. L’affaire Sarkozy n’est pas qu’un cas isolé, elle appelle à une réflexion urgente sur la réforme judiciaire pour restaurer l’équité et la confiance.

La justice n’est plus aveugle

La justice a retiré son bandeau. Ce n’est plus Thémis, la déesse impartiale, qui tient la balance, c’est une justice sensible au climat moral du moment. Et lorsqu’elle prétend défendre la morale, elle oublie que sa mission n’est pas de gouverner les consciences, mais de protéger la liberté.

Silvia oussadon Chamszadeh

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