La chronique de Patrick Pilcer
Il est devenu presque subversif, aujourd’hui, d’être au Centre et de se dire Radical.
Dans un monde qui adore les cris, les certitudes et les bannières, choisir le Centre, c’est choisir le doute, la raison, la complexité, le temps long. C’est refuser la facilité, la jouissance du rejet, le confort de la colère, le diktat de l’immédiateté. Bref, c’est être Libre.
Et, paradoxalement, le véritable courage est là.
Le Centre n’est pas le choix du milieu. Le milieu, c’est la tiédeur, le compromis mou pour ne pas dire la compromission, l’absence de colonne vertébrale, l’acceptation du renoncement pour durer. Le véritable Centre, lui, est une position exigeante : celle de l’équilibre, mais aussi du mouvement. C’est l’art de tenir la balance sans renoncer au tranchant. C’est la truelle dans une main, l’épée dans l’autre. Le Centre, c’est l’endroit d’où l’on voit le plus loin, parce qu’on ne regarde pas seulement à droite ou à gauche, mais devant soi, armé de l’enseignement de notre Histoire. On y tourne le dos au crépuscule et on prépare l’aube déjà naissante. C’est le refus d’un « grand soir » et l’espérance des petits matins.
Bien sûr, Macron a galvaudé l’esprit du Centre. Il a tenté une OPA sur les mots : et droite et gauche, à la fois social et libéral, le mouvement avec « en marche » ; il a capté les mots mais pas les idées. Il a manqué sa cible car il a essayé de se substituer, et en fait de tenter de tuer le camp centriste, de brûler ses étendards. Alors que la macronie s’éteint, malgré ses tentatives de « renaissance », le véritable Centre, tel un phénix, renaît de ses cendres. Car la France en a un besoin vital. La France a, comme à chaque heure cruciale de son histoire, besoin du Solidarisme et de l’Humanisme qu’incarne le Centre, de la force et de la sagesse que représente le Radicalisme. Le Radicalisme est le cœur philosophique du Centre et le courage du Centre a un nom : le Radicalisme Républicain.
Il fallait voir les attentes fortes autour de la brillante campagne de Nathalie Delattre pour la présidence du Parti Radical, une attente aussi bien des militants que des sympathisants. Pourtant chacun sait que le Centre et le Parti Radical ne sont pas les champions du militantisme ou de l’activisme, mais la grande majorité silencieuse s’y reconnaît largement comme telle. Le camp Radical, le véritable centre, est bien sûr plus large que le seul Parti Radical. Il va de Manuel Valls et Bernard Cazeneuve à Gérard Darmanin et Xavier Bertrand.
Là encore il fallait ressentir la force de l’enthousiasme autour de Xavier Bertrand lors de son grand meeting à Saint Quentin, avec des milliers de gens venant de toute la France. Il faut lire son dernier livre, « Rien n’est jamais écrit » pour le comprendre.
Le Centre, c’est la République à l’état pur : la liberté sans le libertarisme, l’égalité sans l’égalitarisme, la fraternité sans la naïveté, la laïcité sans communautarisme, wokisme ou clientélisme.
C’est l’héritage d’un Montesquieu, d’un Condorcet, d’un Clémenceau, d’un Léon Bourgeois, d’un Mendès France, d’un JJSS. C’est le courage d’un Raymond Aron face aux passions idéologiques. C’est le refus obstiné de croire qu’il faut choisir entre justice et efficacité, entre ordre et humanité, entre nation et ouverture.
Mais voilà : dans un monde d’algorithmes et de bulles cognitives, la nuance est devenue inaudible. On like, on déteste, on zappe. Le véritable Centre, lui, ne zappe pas : il pense, il relie, il doute, il décide, il s’engage — et cela, aujourd’hui, demande une sacrée dose de caractère.
Car il faut du courage pour dire que tout n’est pas noir ou blanc. Du courage pour rappeler que l’économie n’est pas un gros mot, que la fiscalité est un outil incitatif et non une fin en soi ou une punition, que la solidarité n’est pas une faiblesse, que l’Europe n’est pas une trahison, que la laïcité n’est pas une arme, mais une promesse. Il faut du courage pour dire que le mur n’est pas une fatalité (le sous-titre de mon prochain livre, Radicalement Républicain) et que la France a un avenir radieux.
Le véritable Centre, c’est aussi le lieu du dialogue, de l’échange fructueux. Pas celui du bavardage, de la compromission, du renoncement, de la faiblesse devant le moindre chantage, mais celui de la construction, de l’effort. On y parle avec l’autre non pas pour le convaincre, mais pour le comprendre — et parfois pour se laisser déplacer. Le Centre, c’est l’endroit où la République respire encore, où l’on peut débattre sans s’insulter, décider sans excommunier, et rêver sans dérailler.
Certes, le Centre n’a pas le panache apparent des extrêmes. Il n’a pas leurs drapeaux, leurs slogans ni leurs foules en transe. Mais il a quelque chose que les extrêmes ont perdu depuis longtemps : la responsabilité. Les extrêmes misent sur la foule, le véritable Centre préfère le Peuple. C’est en cela qu’il peut réunir deux Français sur trois quand l’heure est grave. Et l’heure est grave.
Ce courage tranquille qui consiste à ne pas promettre l’impossible, à préférer la réforme au coup d’éclat, à croire qu’une société se reconstruit par la raison et non par la rage.
Être au Centre, c’est aussi savoir dire non — non à la démagogie fiscale comme à la lâcheté budgétaire, non au repli identitaire comme à la dilution du sens.
C’est refuser les illusions symétriques du “tout État” et du “zéro État”.
C’est défendre, glorifier, le travail, l’entreprise, la méritocratie, la réussite, tout en refusant que le succès individuel se fasse au détriment du bien commun.
C’est rappeler que la République, ce n’est pas la somme des colères, mais la construction d’un avenir partagé, les bases du Vivre ensemble, les fondations de ce qui nous fait Nation.
Alors oui, le Radicalisme est un combat. Un combat à la fois politique et moral.
Il ne fait pas rêver les foules, il ne fait pas vibrer les plateaux, mais il fait tenir le pays debout.
Le Radicalisme, c’est la résistance de la Raison dans un monde d’émotion. C’est la tempérance face à la haine, la lucidité face à la peur, la constance face aux vents de panique.
Dans une époque qui célèbre le clash et l’outrance, le Centre, c’est le retour aux racines, le sens même du Radicalisme. Le Radicalisme construit, les extrêmes comme les faibles détruisent. Le Radicalisme relie, les autres divisent. Le Radicalisme clame : la République n’est ni à gauche ni à droite, elle est devant.
Et si, après tant de tempêtes, c’était cela, finalement, le courage politique du XXIe siècle :
le Radicalisme, pour redonner du sens, remettre l’intérêt général au centre de nos préoccupations, et renouer avec les Valeurs de la République.
Soyons courageux, soyons Radicalement Républicain…
Patrick PilcerPrésident de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers, auteur de « Ici et maintenant – lecture républicaine de la Torah » (préface du Grand Rabbin de France, Haïm Korsia, éd. David Reinharc). Prochain livre à paraître le 7 novembre 2025 : « Radicalement républicain. Le mur n’est pas une fatalité. » Éditions InterVision.